Magazine Finances

Avec Simone, le Crédit Agricole dessine la banque de demain

Publié le 26 janvier 2012 par Patriceb @cestpasmonidee
Crédit Agricole Hier soir, 25 janvier, l'Alpha Agence du Crédit Agricole frémissait encore bien après son heure de fermeture habituelle. La raison de cette agitation ? Michel Goutorbe présentait officiellement, à quelques blogueurs (dont j'ai eu la chance de faire partie), Simone, une première mondiale qui fait entrer la banque dans le 21ème siècle.
L'initiative est très récente et tous les détails ne sont pas encore finalisés ni figés. Néanmoins, les grandes lignes en sont désormais connues. Tout d'abord, elle comporte 3 composantes complémentaires :
  • Un "SDK" ("kit de développement logiciel") offrant aux développeurs de logiciels un accès aux données bancaires des clients pour créer des applications originales, qui enrichiront la palette des fonctions proposées, par exemple, dans "Mon Budget".
  • Un AppStore spécifique, baptisé CAStore, dont le rôle sera d'exposer aux clients les applications conçues par les développeurs partenaires, mais aussi par les différentes entités et filiales du groupe.
  • Une coopérative de développeurs, dont le nom (provisoire ?) est Silicam, qui a l'ambition de répliquer pour l'écosystème digital français le modèle mutualiste qui fait le succès du Crédit Agricole depuis 1885.

Le projet, lancé effectivement en octobre dernier après obtention de l'accord des 39 Caisses Régionales du Crédit Agricole (qui sont donc toutes impliquées), avance à marche forcée, ce qui est déjà un exploit pour une organisation de cette dimension. Ainsi, depuis décembre, une version beta du SDK a été mise à la disposition d'une première sélection de développeurs, qui peuvent l'expérimenter et participer à sa mise au point.
Ce kit de développement offre pour l'instant un accès sécurisé aux comptes courants et de cartes des clients particuliers (informations générales, détail des opérations...) ainsi que quelques fonctions complémentaires (réserves de crédit, numéros d'urgence, géolocalisation des agences...). De nombreux ajouts sont déjà prévus dans de futures versions (couverture de la clientèle entreprises, extension de la durée d'historique d'opérations accessible...) mais, intelligemment, le Crédit Agricole n'attend pas d'atteindre la perfection pour ouvrir le service.
Après quelques semaines de test, plusieurs partenaires (parmi lesquels Tiki Move, Widmee, WMaker) ont confirmé leur intention de publier une dizaine d'applications pour le lancement officiel du CAStore, prévu au début du mois de mai.
Côté boutique justement, ce que propose la banque est essentiellement une vitrine, qui redirigera les clients vers les AppStores standards de leur plate-forme favorite. Dans un premier temps, seront prises en charge uniquement les applications web, pour iOS (iPhone et iPad) et pour Android, déclinées en deux catégories principales, selon qu'elles utilisent ou non le SDK mis à disposition des développeurs.
Celles qui exploitent les données bancaires devront impérativement être distribuées gratuitement, car la banque a défini pour elles un modèle économique propre à son projet. Il consistera en une facturation (modeste mais non précisée à ce jour) à l'usage, à base mensuelle et déclinée en 2 "paliers". Concrètement, le client qui utilise (autant qu'il le souhaite) 1 à 10 applications pendant un mois paiera un montant forfaitaire. Au-delà de 10 applications (le nombre n'est pas nécessairement figé), un forfait illimité sera aussi proposé. De plus, le Crédit Agricole souhaite développer un standard "30 jours d'essai gratuits" dans toutes ses activités, qui s'appliquera donc aussi au CAStore.
Avec le modèle économique retenu, le Crédit Agricole n'a pas vocation à encaisser de revenus issus de la boutique. Les fonds collectés par les Caisses Régionales seront utilisés à hauteur de 20% (environ) pour financer la "logistique" de la plate-forme, le reste étant reversé aux développeurs. Là intervient le dernier pilier du dispositif : la coopérative des développeurs prendra en charge, en toute autonomie, la gestion de ces revenus et les modalités de redistribution à ses membres.
A terme et si le modèle prouve sa viabilité, la Silicam pourra aussi assumer d'autres rôles, tels que la validation (technique) des applications soumises au CAStore par les développeurs. En effet, la banque ne s'engage pas à la légère dans l'exposition des données de ses clients et elle impose un contrôle (de sécurité et de conformité), qu'elle assumera entièrement elle-même, initialement.
La volonté affichée avec la création de la coopérative, qui sera un passage obligé pour tout développeur souhaitant publier une application sur le CAStore (exploitant ou non le SDK), est d'instituer une structure dans laquelle chaque membre a un pouvoir identique, quelle que soit sa taille, dans sa stratégie et dans ses relations avec le Crédit Agricole. Par ailleurs, 2012 ayant été déclarée "année internationale des coopératives" par l'ONU, la conjoncture était naturellement propice à cette idée.
Le projet Simone a été conçu pour apporter de la valeur à toutes ses parties prenantes : les clients auront l'opportunité de découvrir des applications (innovantes, espérons-le) leur permettant de gérer leurs finances au plus près de leurs besoins, les développeurs gagneront immédiatement une visibilité auprès des 12 millions de clients particuliers du Crédit Agricole (dont 6 millions d'utilisateurs réguliers de la banque en ligne) et la banque espère, avec cette initiative, fidéliser ses clients et, pourquoi pas, en attirer de nouveau, notamment parmi les jeunes générations, cible privilégiée des applications mobiles.
Pour conclure, il reste à applaudir l'audace du Crédit Agricole, première banque dans le monde (à ma connaissance) à adopter un modèle d'ouverture que l'on ne connaissait jusqu'à maintenant que dans les entreprises "technologiques" (par exemple PayPal et Yodlee). Un facteur probablement décisif pour le lancement de ce projet aura été l'adhésion du DSI et du responsable de la sécurité, qui font certainement figure d'exception parmi leurs pairs par leur enthousiasme (selon ce qu'en disent leurs collègues).
Gageons que les développeurs sauront relever le défi et prouver que l'invitation qui leur est faite d'imaginer de nouvelles utilisations créatives des données bancaires ne restera pas vaine !

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Patriceb 8194 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine