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6 novembre 1914, aux propagateurs de fausses nouvelles.

Par Cantabile @reimsavant

Nuit passée dans le calme absolu.

Brouillard intense toute la journée ; dans la nuit noire où se trouve déjà plongée la ville, sans aucune lumière, il rend la circulation si difficile, qu'à 18 h, ayant eu à passe rue du Cloître, à la sortie du bureau, j'ai les plus grandes difficultés à regagner le quartier du Jard. Après m'être engagé dans la rue Robert-de-Coucy, il me faut avancer comme un aveugle, dans l'impossibilité où je suis, étant sur le trottoir, de voir où il finit, de trouver même cette indication en cherchant l'espace libre entre les maisons, pouvant annoncer une rue à traverser. Il faut aller sans aucun point de repère.

Les quelques autos qui roulent en ville pour différents services, devant circuler sans phares allumés, je me demande, chemin faisant, comment peuvent s'y prendre les chauffeurs aujourd'hui et je pense au danger que cela doit constituer, outre les obus, pour les piétons obligés d'être dehors. Il est vrai que je n'entends personne passer auprès de moi, dans le trajet.

- Aujour'hui, Le Courrier publie l'avis suivant :

Ville de Reims - Avis important.

A partir du 6 novembre, la circulation de la population civile est interdite sur les ponts du cana, de 19 h à 6 h, sauf pour les personnes munies d'une autorisation spéciale délivrée par le général commandant la division, par le général commandant d'armes ou par le marie de Reims.

- Au-dessus de cet avis, on peut lire encore ceci, dans le journal :

Aux propagateurs de fausses nouvelles.

Communiqué

Certaines personnes colportent sans discernement des bruits mal fondés, qui provoquent dans la population de la ville des alarmes injustifiées ; nous les prévenant charitablement qu'elles s'exposent de ce fait à de graves désagréments. Nous engageons en même temps les habitants à n'ajouter aucune foi aux nouvelles qui ne sont cautionnées par aucune autorité.

C'est ainsi qu'on a parlé ces jours-ci de sommations lancées par les Taubes, sans qu'aucune enquête civile ou militaire ait pu en établir la moindre trace. Nous rappelons d'ailleurs à ce propos que toute personne qui, éventuellement posséderait un renseignement de ce genre, doit le communiquer aussitôt à la police ou à l'autorité militaire.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
6 novembre 1914, aux propagateurs de fausses nouvelles.

Bombardement d'un convoi près du cirque. Journée tranquille. Ecrit à M. Hertzog (je crois que ce doit être ce jour-là).

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims

Cependant, aucun bruit suspect ne s’est plus fait entendre au cours de la nuit, et la première alerte s’annonce à 8H seulement par un gros obus envoyé sur la gare et qui tombe sur le derrière, vers la rue de Trianon.

Au cours de la séance d’hier soir, des projectiles ont été reçus : rue de Vesle, rue Buirette, par le Casino, la maison Delsuc, le 6 de la rue des Chapelains, la pharmacie Ravaud, la chemiserie Viret, la Glaneuse, etc. ; nous étions donc bien dans la zone dangereuse et c’est ce qui explique la violence des détonations.

Merci à la Providence de nous avoir préservés !

À 11 heures, en allant chercher du charbon chez Rohart, au chantier de l’avenue Brébant, Hénin est éclaboussé et tout mouillé par la chute d’un obus dans le canal, à 10m de lui ; il accourt en hâte tout émotionné et tout heureux d’en avoir été quitte à si bon compte.

En fin de cette journée, qui a été calme pour le Centre, M. Marolteaux vient, en mon absence, signaler que des pillards se sont introduits dans les caves du 22 de la rue Eugène Desteuque, et qu’il y aurait lieu de faire comme lui et de sauver de suite ce qui y reste.

De lui-même, Hénin part immédiatement se rendre compte des facilités d’accès, et sans la sauvegarde d’un agent de sa connaissance opère une descente qui lui prouve vite que les maraudeurs ont bien passé par là.

Dès mon retour, il me narre par le détail le résultat de sa démarche, et ensemble, nous convenons d’enlever le lendemain à la première heure ce que nous trouverons encore.

Paul Dupuy - Document familial issu de la famille Dupuis-Pérardel-Lescaillon. Marie-Thérèse Pérardel, femme d'André Pérardel, est la fille de Paul Dupuis. Ce témoignage concerne la période  du 1er septembre au 21 novembre 1914.

Source : site de la Ville de Reims, archives municipales et communautaires


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