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Chroniques d'Europe (14) - Solange, partie première

Publié le 11 juin 2008 par Audine

De ses souvenirs, elle retient les regrets de ne pas avoir connu Maria Augusta insouciante ; la peine, la sueur, le sang et les larmes annoncées ; le manque d’intimité.

Elle garde une adoration pour son père, Félix, le travailleur loyal et sérieux, l’amoureux de Maria Augusta.

Petite fille menue, solitaire et secrète, elle se réfugie dans les églises pour pouvoir penser.

La nuit, elle partage un lit d’adultes avec ses deux sœurs. Une fois, un élastique se baladant par là a pris des allures de ver de terre et elle a crié.

Solange a peu de relations avec les deux aînés. En revanche, Mimi, quatre ans de plus qu’elle, la materne d’autant plus qu’elle se sent moche et stupide – avant qu’elle ne devienne très belle et douée d’un sens pratique, d’un courage et d’une capacité d’amour rares.

A l’école, pour faire remarquer à quel point Mimi est idiote, les enseignants font venir dans la classe sa petite soeur pour qu’elle réponde aux questions qui laissent Mimi coite. Mais Mimi n’en veut pas à Solange pour autant.

Les bonnes sœurs de la zone étaient hyper actives.

Il y avait catéchisme, bien sur, et aussi des œuvres sociales, le verre de lait plus de dix ans avant Mendès France, et même des camps de vacances, d’où une fois, Solange est revenue avec la gale.

Il fallait aussi convaincre Maria Augusta de lâcher ses petits.

Parfois, elle va à la sortie de l’école d’André, chasser les filles qui lui courent après.

Elle refuse tout en premier réflexe. Il fallait des délégations de bonnes sœurs.

C’est comme ça qu’elle a fini par accepter tout le bien qu’on lui dit de sa dernière, et qu’elle aille, à l’autre bout de Paris, poursuivre sa scolarité dans une école de dessin industriel. Que Solange n’aime pas plus que ça, d’ailleurs. Mais comme elle n’aime pas plus les métiers dévolus aux femmes de son entourage, à savoir la couture et aussi la couture …

Solange est raisonnable.

Puis elle trouve un travail, à la sortie de l’école, à la Thomson. Elle donne toute sa paie à ses parents.

Elle écoute des femmes raconter la faillite de leur mariage, elle regarde un grand rouquin qui lui fait la danse du ventre au milieu d’un cerceau et essaie de la séduire avec son scooter.

Elle va à la bibliothèque.

Sa sœur Alzira, trop hâtivement mariée, a une fille.

Solange trace des lignes sur du papier millimétré.

A la cantine, elle préfère manger à une table d’ouvriers, qu’elle trouve bien plus sympathiques que les techniciens, et aussi plus drôles.

Elle remarque Dany, qui a 28 ans, est assez mignon, pas très grand, et qui va régulièrement écrire ses mécontentements culinaires dans le cahier de doléances.

Il se débrouille pour devenir un ami.

Il la fait rire.

Et elle est aussi un peu impressionnée, par sa culture, sa finesse, son milieu.

Et puis à force, de patience, un jour, Solange s’aperçoit qu’elle est amoureuse.

 

Alors, elle sort une feuille de papier, dessine deux colonnes, un coté pour un coté contre, et aligne les arguments.

 

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