« La Bouse c’est la Vie », c’est avec cette accroche que ma copine Lily la Fronde a décidé de s’offusquer, le 10 mai dernier, contre le « magazine » Technikart pour son « article » à propos de Gueret, en Creuse.
Je tiens à préciser que je ne suis pas de la Creuse et je n’y ai jamais foutu les pieds, par contre je suis une Cht’i, les meilleurs souvenirs que j’ai ne sont surement pas à Paris où je vis depuis 6 mois, mais bel et bien en province. J’ai aussi vécu dans ce qu’on appelle « la creuse espagnole » (Extremadura) pendant plus d’un an et c’était la plus belle année de ma vie.
Donc cet « article » si on peut appeler ça comme ça, moi je dirai plus ce torchon, cette suite de mots méchante, vexante et crispante est sensée décrire comment « être branché dans la Creuse », ou comment les jeunes de la campagne creusoise se cultivent. L’idée n’est pas mauvaise mais l’écriture et le ton le sont totalement. Dès le titre et les premières lignes, nos amis les creusois se font traiter de ploucs, viocs, et plus on avance dans les propos d’Alexandre Majirus, le soit-disant journaliste, plus ils en prendront pour leur grade, allant même jusqu’à affirmer qu’ils sont tous consanguins et bouseux.
INTRO : Enterrée dans le Limousin, Guéret est une ville quasi morte où il n’y a pas de fac, pas de Fnac, ni de Frac mais des ploucs, des viocs, des bovins en surnombre et… des jeunes, qui malgré tout, n’ont pas toujours mauvais goût. Reportage au milieu de nulle part.
Alors j’aimerai savoir comment, au 21e siècle, on peut laisser de tels idioties paraître dans la presse ? Quand on demande au redac chef comment il a pu laisser passer ça, il se réjouie de son article et ne voit pas où est le problème ! Il va jouer les faux-cul sur Twitter, à proposer d’organiser un concert en Creuse et à les re-traiter de bouseux 2 minutes après… Comment on peut garder son calme verbal face à un individu de la sorte?
Ma copine Lily La Fronde, elle, elle n’a pas pu.
Lily La Fronde a fait les mêmes études que moi, c’est une bonne copine depuis quelques temps, et c’est une creusoise pure souche. Elle m’a forcément énormément parlé de ce sujet étant donné qu’elle était au cœur de cette polémique ! Elle n’a pas choisi du tout son pseudo par rapport à cette histoire, elle l’avait bien avant, sûrement parce qu’elle a tendance à ouvrir sa gueule lorsque quelque chose la révolte… !
En découvrant l’article dans la presse lors de sa parution, elle s’est tout simplement sentie blessée. Il lui a paru normal de ne pas laisser passer ce manque de respect et de défendre sa région contre les attaques d’un journaliste qui se trompe complètement sur la Creuse. Elle appelle cela « un devoir de mémoire » vis à vis de la Creuse, de ses racines, de ses ancêtres… Et elle pensait important de défendre tous ses amis, jeunes ou vieux, qui sont HEUREUX de vivre là-bas, de ces gens qui ne demandent rien à personne, et de tous ceux qui se bougent au quotidien pour qu’il se passe des choses intéressantes en Creuse, concerts, spectacles, associations, etc…
Elle a donc envoyé l’article à tous ses contacts accompagné d’un texte qui commençait par la phrase « indignez-vous« , et dans lequel elle balançait les adresses de tous les responsables de Technikart pour que chacun leur envoie un mail d’indignation, et réclame des excuses. Je faisais bien sûr partie des destinataires et je me suis bien sûr indignée ! Elle a aussi ouvert des pages Facebook dédiées, et organisé le mouvement d’indignation sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter en faisant de la veille et en interagissant avec tout le monde. Elle espérait tout simplement des excuses rapides, au minimum…
Mais étant donné le comportement de Technikart, qui au lieu de s’excuser en remettait une bonne couche, comment voulez-vous en rester-là ?
Sur Internet le phénomène s’était donc propagé sur les réseaux sociaux, les blogs etc… puis les journaux locaux, la presse nationale comme Le Point, Le Figaro… et un jour, Lily reçoit un message de Marianne qui décide de consacrer un article sur cette affaire et souhaiterait donc l’interviewer et se rendre en Creuse avec elle, pour constater la réalité de Guéret, qui n’a rien à voir avec ce qui est dépeint dans Technikart. De là, le Petit Journal l’appelle, puis Grazia, France3… D’anonyme elle est passée à représentante d’un département, voire d’une région. Elle a d’ailleurs reçu des milliers de messages de remerciements de provinciaux.
Aujourd’hui, l’affaire Technikart en elle-même s’est quasiment étouffée, mais pas le problème de la guéguerre parisiens vs provinciaux, et j’aurai aimé quand même soulever 2 ou 3 points.
Tout d’abord, et n’en déplaise à certains, il n’y a vraiment pas que Paris en France !
Nos belles régions ne sont pas si paumées qu’on ne le dit. Mes beaux-parents vivent dans un hameau en plein milieu de la Savoie, et je peux vous dire qu’ils ne sont absolument pas coupé du monde ! A côté de leur village la Creuse c’est Paris ! (Bon peut être pas quand même ! mais c’est quand même bien isolé ! ) Pas de rue mais une 20aine d’habitants, et oui ils se connaissent tous, vont faire de la moto ensemble, des sorties, et des supers soirées à en faire jalouser plus d’un parisien (dont moi ) ! Quand je leur rend visite, je comprend totalement leur choix de vie, et je suis carrément jalouse de leur tranquillité et de l’ambiance qui règne dans leur village. (et je leur fais un coucou si ils me lisent ! )
Aussi, ce qu’il y a dans les assiettes de vos restos de bobos branchés, ça ne vient sûrement pas de Paris, mais bel et bien d’un champ avec un agriculteur qui se fait chier tous les jours pour mettre quelque chose dans vos petites cuillères en argent, alors un peu de respect ne ferait de mal à personne.
Pour ce qui est de la « consanguinité », je sais de quoi je parle, j’ai encore au travers de la gorge l’espèce de banderole des supporters du PSG traitant les Lensois d’alcolos pédophiles consanguins. Je suis originaire de Lens, et désolée, mais mes parents ne sont ni frère et sœur, ni cousin/cousine, d’ailleurs je ne connais personne comme ça dans mon entourage. Je n’ai pas de problème avec l’alcool, je n’ai pas un accent à la « confessions intimes » et même si je l’avais ça s’appelle un patrimoine !
Depuis que je suis devenue « Parisienne » j’ai pu remarquer à quel point c’était génial Paris : Les sorties, tous les jours à toute heure avec plein de monde, le métro qui dessert tous les coins de rue, les restos de tous les pays que l’on souhaite à portée de mains. Plein de trucs sympas, des boutiques, des friperies… Ok Paris c’est génial, personne ne pourra dire le contraire.
Mais Paris c’est aussi des gens qui se font agresser sans que personne ne lève le petit doigt, je ne pense pas qu’à Gueret ceci arrive… C’est aussi des gens qui font la gueule, qui sont pressés, le stress, enfin si vous habitez la capitale je suis sûre que vous voyez de quoi je parle !
J’ai rien contre Paris attention, juste contre l’auteur de ce torchon, à la mèche de bobo qu’il devrait couper, dis toi bien une chose : avant de faire ton fier sur Canal+, quand tu as critiqué la Creuse, tu as vraiment vexé toute une population et celle-ci ne s’arrête pas aux frontières de cette région. La vie ne se limite pas à Paris, la culture non plus. Si pour toi un Virgin Megastore ou une Fnac représentent la culture, je crois que tu n’as strictement rien compris à la vie, à la culture, à la musique…
Voici le petit témoignage que Lily m’a aussi envoyé par mail :
Pour moi la culture en Creuse, comme je l’ai dit sur Canal, c’est autre chose que la Fnac ou le Virgin ! La Creuse, c’est la terre de philosophes comme Jean Beauffret (disciple de Heidegger), de grands écrivains comme George Sand ou Marcel Jouhandeau. La Creuse, c’est Sardent ; le village où a grandi Claude Chabrol et où il a tourné « Le beau Serge ». C’est la vallée des peintres, un lieu unique qui a inspiré Monet, Guillaumin et continue d’en inspirer aujourd’hui. La culture creusoise, c’est aussi une culture des savoirs-faire, avec les Tapisseries d’Aubusson qui font partie du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO. C’est aussi la terre des Maçons de la Creuse, dont l’un d’eux, Martin Nadaud, maçon à 16 ans, est devenu député ! C’est une terre refuge de paysans, et alors, ce ne sont pas les paysans qui nous nourrissent ?! Et une terre-refuge, aussi, où des résistants (comme mon arrière arrière grand père, qui a lui aussi une rue à son nom en Creuse, pour ça) ont risqué leur vie pour celle de gens qui avaient besoin de protection, pour que la France reste une démocratie… Et aujourd’hui encore, souvent laissés de côté, on est obligé de souvent se battre et se révolter pour avoir les choses. On est habitués. En Creuse, jeune ou pas, on est riche de notre culture ancestrale, et les valeurs humaines et de solidarité ne sont pas qu’un concept, elles sont nécessaires, et normales.
Oublier toutes ces choses quand on parle de la « culture en Creuse », quand on se prétend « journaliste », c’est justement faire preuve d’un énorme manque de culture !!!
Mon arrière grand-père et mon arrière-arrière grand père ont respectivement été maçon de la Creuse, et résistant. Aujourd’hui, quand je vois les petites plaques bleues dans les rues qui portent leur nom, je suis fière, et rien qu’en leur mémoire, et en celle de tous ceux qui ont fait la richesse de la Creuse, je ne pouvais pas nous laisser traiter de « bouseux »… pas en 2012.
Enfin bref, faut savoir enlever ses œillères une fois dans sa vie et découvrir ce qu’il y a autour de Paris… et vous verrez, c’est plutôt sympa
© Crédits photos : Lily La Fronde of course ! elles sont top non ? :p