Ce matin, ma fenêtre entrouverte laisse le suroît envahir ma chambre. Mon instinct me guide à l’extérieur de la maison. M’effleurant doucement la peau, cet air humide répand des odeurs endormies depuis plusieurs mois : un mélange équilibré de terre, de mer et de rosée. Je ne peux résister à mettre le nez dehors. Une profonde respiration et je réalise que l’hiver cède sa place à la saison des amours.
La nature déploie ses pétales. Les bourgeons de l’érable rouge éclatent : de chétive, l’apparence de cet arbre s’embellit. Les crocus comblent mes rocailles, les herbes verdissent et le lierre terrestre, que certains qualifient de mauvaise herbe, tapisse les alentours. L’odeur balsamique qui émane de ses fleurs me ravit. La perspective du paysage est bucolique.
Attirée par le premier concert des bernaches, je me retrouve pieds nus dans le sable, devant chez moi. À ma grande satisfaction, cet hymne à la joie annonce le retour officiel du printemps. Je suis certaine que la bernache en tête du volier connaît très bien la trajectoire empruntée depuis des années et qu’elle a un instinct sûr. Elle peut compter sur ses pairs pour prendre le relais lorsque la fatigue survient. Leur disposition en vol est spectaculaire. D’une lettre de l’alphabet, les outardes calligraphient le ciel. Ce V majuscule donne un effet de tirant d’air et facilite le vol des oiseaux ; c’est à croire qu’elles se laissent porter sur les ailes du vent.
Ces oies sauvages connaissent bien leur destination, mais aussi d’où elles viennent. Bien que le climat favorable du Sud leur procure le confort, elles sont enracinées au nord de l’Amérique. De génération en génération, le chemin du retour leur est chanté. Du mont Apica jusqu’à la baie d’Hudson en écoutant cacarder ces oies, on dirait que les cris forment un chœur et qu’elles inventent une douce mélodie.
L’instinct migratoire pousse ces oiseaux à revenir aux endroits où les couples se sont appariés et ont décidé de s’aimer pour la vie. Dans les prés aux abords des lacs, il y a abondance de plantes savoureuses et de longues berges où peuvent s’épanouir les oisillons dorés.
Repérant les caps rocheux, les vallées et les cours d’eau, le volier de bernaches se déplace sans se soucier des lendemains…
Notice biographique
Virginie Tanguay vit à Roberval, à proximité du lac Saint-Jean. Elle peint depuis une vingtaine d’années. Elle est près de la nature, de tout ce qui est vivant et elle est très à l’écoute de ses émotions qu’elle sait nous transmettre par les couleurs et les formes. Elle a une prédilection pour l’aquarelle qui lui permet d’exprimer la douceur et la transparence, tout en demeurant énergique. Rendre l’ambiance d’un lieu dans toute sa pureté est son objectif. Ses œuvres laissent une grande place à la réflexion. Les détails sont suggérés. Son but est de faire rêver l’observateur, de le transporter dans un monde de vivacité et de fraîcheur, et elle l’atteint bien. Elle est aussi chroniqueuse régulière au Chat Qui Louche.Pour ceux qui veulent en voir ou en savoir davantage, son adresse courrielle : [email protected] et son blogue : virginietanguayaquarelle.space-blogs.com. Vous pouvez vous procurer des œuvres originales, des reproductions, des œuvres sur commande, des cartes postales.