D’un côté t’as les moments formidables, tu te dis merde c’est une bonne journée. Et puis sans que t’ai trop le temps de réagir ou de dire quoi que ce soit, la mélancolie t’envahit la gueule et tu peux rien faire. T’as beau te faire une liste mentale des trucs qui sont cool t’as juste le seum : tu sais plus qui t’es, pourquoi tu fais ce que tu fais et t’as juste envie de H U R L E R.
L’ennui c’est que moi, je préfère la bonne humeur. Je pleure un bon coup et après je prends sur moi, je me fais une raison parce que j’aime pas imposer ma merde aux autres, et même pire, ma mauvaise humeur. Qu’est ce qu’on s’en branle de mes humeurs changeantes alors que tout va bien ? Qu’est ce que mes grognements apporteront à une situation à part un peu plus de merde ? Ben rien mon petit pote.
Du coup, je me garde tout ça dans une boîte.
Ma tête c’est un manège Disney mais qui s’arrête jamais de tourner, et les éléments de ma vie, c’est tous ces groupes de gens qui vont et viennent. Je pense vite, beaucoup, alors je parle, j’écris je fais tout ce que je peux pour évacuer parce que autrement ça me brûle et que j’ai besoin de sortir tout ça. L’ennui c’est que les manèges ça fait tourner la tête, et j’ai pas trop le temps de mater un peu la gueule des passagers parce que je pense déjà à la prochaine cargaison.
Et au milieu de tout ça, y’a l’anxiété. L’angoisse qu’un passager vomisse, ou sorte du manège déçu ou pire, triste. Je pense beaucoup, je me mets systématiquement à la place du peuple et ces batards, ils en profitent. Alors t’as moi d’un côté, complètement paumée dans mon manège trop rapide, ceux qui voient de loin et qui se disent « oh cool un manège » en pensant que ça doit être super drôle d’être moi, que je dois jamais m’ennuyer, ceux qui empruntent le manège un peu trop de fois en se disant que de toutes façons je suis un manège alors je suis faite pour ça tourner mais qui gardent le leur pour eux comme des gros batards.
Ceux-là, c’est les pires. C’est ceux qui captent que le souci, c’est que t’es en mode entrée libre, que tu les accueilleras à bras ouverts, que tu te mettras à leur place et que tu feras tout pour pas leur faire de peine. Alors eux, même sans s’en rendre compte, ils vont pousser.
Ils vont se permettre de pas trop bien te parler parce que t’es pas trop à l’aise avec les conflits, ils vont te coller leur chewing-gum d’irrespect et de culpabilité dans l’arrière de la tête et ils sortiront les bras du véhicule, même si c’est dessiné dessus que c’est interdit, parce qu’un manège ça engueule pas ses passagers et que après tout, t’avais qu’à avoir un meilleur système de surveillance ma gueule.
Sauf que entre les passagers de merde, la poussière d’anxiété et la rouille d’hypersensibilité, le manège tourne pas toujours au top. Parfois, t’as des journées de maintenance, t’as plus envie de penser, plus envie de voir aucun passager tellement ils t’ont fait chier alors que toi ton kiff, c’est de t’amuser. Dans ces moments là, y’a pas grand chose à faire à part reprendre des forces.
Le truc magique, c’est d’avoir une dernière catégorie de passagers : ceux qui viennent mettre de l’huile dans le manège, qui retouchent un peu la peinture, qui t’invitent dans leur manège à eux et qui te collent pas le chewing-gum de merde dans la tête. Grâce à ceux-là, tout se remet à tourner, tout va mieux, et en une heure tu retrouves le sourire et l’envie de chanter.
Alors les anciens passagers se disent merde elle a exagéré, ça valait pas le coup de fermer pour ça. Ils se compareront, ils diront que eux ils ont eu pire et que leur manège s’est pas arrêté. Et puis finalement, ils remonteront, ou pas.
Y a des jours où j’en peux plus d’être un manège, j’ai juste envie d’être tranquille et de plus penser si vite, de ne plus me mettre à la place des autres parce que putain ça doit être super de savoir être égoïste. La culpabilité, ça doit glisser comme sur du beurre. Moi j’y arrive pas, je me mets toujours dans les bottes des gens que j’aime, j’essaie toujours de les faire marrer et de leur changer les idées. Et quand c’est trop, je m’éteins pour la journée et les vrais viennent remettre un peu d’huile et de blagues dans mes enrouages tout rouillés à cause des larmiches.
Grâce à eux, le parc entier est ouvert et c’est open bar sur le pop-corn. Pour eux pas besoin de pass à l’année ou de file d’attente, ils ont même pas à faire la queue parce que je les aime tellement qu’ils ont le droit à un tour permanent de manège, mais version cool, qui essaie de pas tourner trop vite et qui prend le temps d’y faire attention.
Mes gars sûrs❤