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Princesse Mononoké. Le calme parmi la tempête

Par Balndorn

Princesse Mononoké. Le calme parmi la tempête
Résumé : Au XVe siècle, durant l'ère Muromachi, la forêt japonaise, jadis protégée par des animaux géants, se dépeuple à cause de l'homme. Un sanglier transformé en démon dévastateur en sort et attaque le village d'Ashitaka, futur chef du clan Emishi. Touché par le sanglier qu'il a tué, celui-ci est forcé de partir à la recherche du dieu Cerf pour lever la malédiction qui lui gangrène le bras.
Votre fidèle serviteur va vous raconter comment, gamin, il fit la découverte du chef-d’œuvre de Hayao Miyazaki.
Un souvenir d’enfance
L’histoire débute à ses sept ans. Son père eut la fausse bonne idée d’acheter une VHS (et oui, ça existait encore) qu’il n’avait pas exigée (votre serviteur était, dans sa jeunesse, fort capricieux). Cette cassette, vous vous en doutez, c’est Princesse Mononoké.À cet âge, l’auteur de ces lignes ne connaissait en matière de films d’animation que les Disney, quelques sous-versions dérivées de la firme de Mickey et des séries télévisées et (bien meilleures que les originaux) qui passaient chez ses grands-parents. Le Japon, c’est tout juste s’il en avait entendu parler.Alors quand on l’installa bon gré mal gré devant Princesse Mononoké, ça le remua sévère. Jamais encore il n’avait vu tant de violence et de cruauté dans un dessin animé. Au premier abord, les créatures monstrueuses du maître nippon – sangliers géants rongés de vers, loups anthropophages, orangs-outans aux yeux rougeoyants – l’effrayèrent. Sa mère, bien sûr, trouva le film intolérable pour un enfant de son âge. Mais son père insista pour prolonger l’expérience.Grand bien lui fit. La terreur qui avait d’abord saisi l’enfant se mua en une étrange fascination pour le caractère primal de l’œuvre. Dans nul autre film, hier comme aujourd’hui, votre serviteur n’a vu la nature incarnée aussi brutalement que dans les personnages de San, jeune fille élevée par les loups, et Moru, sa mère-louve adoptive.
Au royaume de l’ambivalence
À l’inverse d’un Disney, tout demeurait sous le signe de l’ambivalence. Le Dieu-Cerf, cœur vivant de la forêt, dont le pas silencieux fait vivre et mourir les fleurs ; Okoto, le vieux sanglier aveugle en croisade contre l’industrieuse cité des hommes ; dame Eboshi, cheffe de ladite cité, qui accueille les exclu·e·s de la société dans sa guerre contre la forêt sauvage ; Ashitaka, le prince au grand cœur, à la chair corrompue par les démons.Et la mise en scène traduisait le balancement permanent des éléments. À l’image des filaments démoniaques qui agitent le corps du héros, Princesse Mononokéest une œuvre tentaculaire. Elle tend ses bras démesurés vers une foule de thèmes et de personnages ; et ce foisonnement sert de principe esthétique. Tentacules, plantes et traits de flèches strient un cadre dont la largeur du champ inviterait bien au contraire à la paisible contemplation du monde. La tension entre le trait sec et la placide immensité irrigue la mise en scène. La forêt, véritable paradis sur terre, devient en champ de bataille où déborde l’ire des belligérants. Le temps immuable des cycles naturels éclate en instants de fracas guerrier.Mais à l’inverse, la nature sait reprendre ses droits. Alors que croît l’ivresse sanguinaire des combats, le Dieu-Cerf calme les ardeurs. Sa seule présence à l’écran interrompt tout bruit. Naissent et meurent à ses pieds des fleurs instantanées. Des séquences époustouflantes de beauté, où le concept de grâce prend tout son sens. Magnanime, la Nature divinisée dont le pouvoir échappe toujours à l’homme efface les affres de la guerre, en une splendide reverdie de la forêt. Alors que la première partie du film prend place dans l’univers grisâtre des forges et des roches, la seconde moitié a pour cadre les couleurs émeraude et chatoyantes de la forêt.Face à une telle œuvre, où Mal et Bien n’avaient plus cours, où la nature remplaçait les ravages, l’effroi devint admiration. Admiration pour un film qui prônait la mutation éthique et esthétique des êtres et des choses. L’enfant grandit, et le film participa de son éducation. Plus il le voyait, plus il en saisissait la richesse et la puissance. Écologie, féminisme, mysticisme… tout se liait, en un parfait équilibre, toujours sur le point de rompre sous tant de violence.Avec le temps, il apprit à l’analyser, s’émerveillant de la musique de Joe Hisaishi et des plans contemplatifs au cœur de la tragédie. Avec le temps, il vit tous les autres films du maître – et plus d’une fois –, y retrouva les thèmes de Princesse Mononoké et en rangea bien d’autres parmi ses films préférés. Mais, encore aujourd’hui, subsiste en lui son impression première, qui à ses yeux en fait le meilleur film de Miyazaki : de la terreur convertie en admiration.
Princesse Mononoké. Le calme parmi la tempête
Princesse Mononoké, Hayao Miyazaki, 1997, 2h14
Maxime
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