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"Pleurer au supermarché" de Michelle Zauner (Crying in H Mart)

Par Cassiopea

Pleurer au supermarché (Crying in H Mart)
Auteur : Michelle Zauner
Traduit de l’anglais (États- Unis) par Laura Bourgeois
Éditions : Bourgois (2 Mai 2024)
ISBN : 9782267048919
320 pages

Quatrième de couverture

Michelle Zauner vit à Philadelphie et jongle entre trois jobs alimentaires et un groupe de rock dont la carrière ne décolle pas quand elle apprend que sa mère est malade. Elle rentre alors dans l’Oregon pour l’accompagner dans son combat contre le cancer, et pour essayer de rattraper le temps perdu. Car Michelle a été une adolescente rebelle, ne se sentant jamais à la bonne place, et fuyant cette figure maternelle qui incarne l’exigence mais aussi la culture coréenne, si proche et si lointaine. Le souvenir des étés passés dans le pays natal de sa mère, et celui de la passion avec laquelle cette dernière cuisinait et mangeait, vont aider Michelle à surmonter son chagrin, à trouver un chemin vers l’apaisement.

Mon avis

Gwaenchanh-a (Ça va aller)

Qui n’a pas ressenti de l’émotion, voire eu les larmes aux yeux en repensant au plat délicieux concocté par une personne maintenant décédée ?

Michelle Zauner est née 1989, elle est compositrice et la chanteuse principale du groupe indie pop Japanese Breakfast. Sa mère, coréenne et son père, américain, l’ont élevée aux Etats-Unis. Presque tous les étés, elle se rendait en Corée avec sa Maman pour retrouver la famille de ce pays. Elle a longtemps galéré avant de pouvoir vivre de sa musique. Elle a même accepté des « boulots alimentaires » pour avoir un peu d’argent.

« Pleurer au supermarché » a connu un immense succès aux Etats-Unis et vient d’être publié en France. C’est en allant faire ses courses régulièrement chez H Mart que l’auteur a compris que dans ce magasin coréen, elle venait chercher de la nourriture mais aussi les souvenirs de tout ce qui la liait à sa mère. Cette dernière est décédée d’un cancer du pancréas alors que Michelle avait vingt-six ans. Le choc a été violent et elle a eu besoin de créer des chansons, de faire une thérapie, de rédiger ce récit avec ce qu’elle a vécu de petite fille jusqu’à l’âge adulte.

Elle analyse finement la relation mère/fille. « Ma mère essayait constamment de me façonner selon l’idéal de perfection qu’elle imaginait pour moi. »
Elle explique les difficultés de sa double culture. À l’école on l’appelait chinoise ou japonaise, pas coréenne, comme si la Corée n’existait pas. Trouver un équilibre, se sentir bien dans ce qu’elle faisait et choisissait n’a pas été aisé. Elle raconte les obstacles, les coups de stress mais également le bonheur de revenir à la maison, chez ses parents pour partager des fous-rires, des repas, montrer qu’elle devenait adulte. Et puis, les liens familiaux se distendent un peu. Jusqu’à l’annonce de la maladie, d’abord minimisée avant d’être suivi du verdict brut et douloureux. Comment se comporter, que faire ? Elle revient près de ses parents. L’envie de ne pas perdre un instant malgré la lourde pathologie est primordial.

« Je ne soupçonnais même pas l’effort colossal qu’il lui fallait mobiliser pour simplement se lever. »

Petit à petit, elle a réalisé que la cuisine pouvait la rapprocher de celle trop tôt disparue, lui redonner un équilibre. À l’hôpital, elle lui apportait des mets (dont certains comme le jatjuk « spécial malades »). C’était une façon d’établir un « pont » entre elles, de trouver une « culture » commune. Quand elle prépare un doenjang jjigae (sorte de ragout), elle connaît les ingrédients de base parce qu’elle a beaucoup observé. De nombreux plats sont évoqués dans ce récit (l’éditeur aurait pu proposer un petit recueil de recettes en supplément), ils sont tous liés à des moments particuliers de la vie de l’auteur, elle les partage avec beaucoup de délicatesse.

Est-ce que la mort de sa mère, lui a donné le sentiment qu’elle perdait une partie d’elle-même, qu’elle ne savait pas tout de ses origines ? Prendre des cours de cuisine coréenne est-ce un moyen de s’approprier ses racines ? Sans aucun doute, comme le fait que l’auteur vient de s’installer en Corée pour apprendre la langue.

J’ai beaucoup aimé ce livre, Il n’est pas larmoyant malgré le sujet, il est empli d’amour et peut faire écho à notre propre histoire. Il est écrit dans un style fin et agréable (merci à la traductrice !) et c’est très émouvant car l’auteur se confie à nous en toute confiance.




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