L’âge d’or des musiques de l’Afrique Atlantique
Alors que la communauté afro-américaine entame, dans les années 60-70, sa lutte pour les droits civiques et l’accès à la citoyenneté, sur le continent africain c’est, en partie, par la musique que s’accomplit la « ré-africanisation » des identités africaines. Deux partitions qui se jouent de chaque côté de l’océan atlantique mais qui, très vite, vont permettre à chacune des deux communautés de chanter d’une seule et même voix, l’indépendance.
Un navire marchand est un système en mouvement, micropolitique, microculturel et vivant. « Il attire immédiatement l’attention sur les différents projets d’un retour rédempteur à la patrie africaine, sur la circulation des idées et des activistes ainsi que sur le déplacement d’objets culturels et politiques fondamentaux : tracts, livres, disques et chœurs . » Avant l’apparition du disque longue durée, les bateaux sont sûrement restés les moyens de communication panafricaine les plus importants. Les grands ports de commerces de la côte Atlantique africaine voyaient régulièrement défiler des marins issus de la caraïbe comme ceux qui importèrent à Pointe-Noire (Congo-Brazza) les musiques cubaines des années 50. À l’époque, quelques dizaines de CFA suffisaient pour entendre Guillermo Portabales ou l’Orchesta Aragon sur les tournes disques des matelots de passage avant que les vinyles Ngoma ne fassent leur apparition sur les terres de Patrice Lumumba.
Wendo Kolosoy, Rossignol ou le tout jeune Franco Luambo Makiadi retrouvèrent alors dans la musique afro-cubaine (surtout mambo et cha-cha à l’époque) des sonorités qui leur n’étaient pas étrangères. De la même façon, le Ghana de N’Krumah était déjà habitué, avec le Highlife, à ce syncrétisme musical entre Jazz, musiques caraïbes (Mento et Calypso) et instrumentarium traditionnel. La voie vers une modernisation des musiques de la sous-région était toute tracée. Il ne manquait plus qu’un coup de pouce institutionnel pour organiser cette industrie balbutiante de la musique.
Entre authenticité et modernité
C’est en Guinée Conakry que cette politique « d’authenticité culturelle » va prendre une forme institutionnalisée. Le règne despotique mais éclairé d’Ahmed Sékou Touré permet de 1959 à 1984 de mener une politique musicale nationale unique en Afrique qui inspirera de nombreuses démarches dans d’autres pays de l’Afrique subsaharienne. La modernité est alors le maître mot. Une modernité qui se veut dans la continuité des racines traditionnelles qui avaient été, en partie, arrachées durant la période coloniale. En partie car les rhizomes, les racines souterraines, étaient encore vivaces en Afrique comme dans les régions peuplées par la traite et ne demandaient qu’un peu de lumière pour renaître.