Martin Aubert Tsaï
9 septembre 2023 à 04h54
En janvier 2021, les investisseurs particuliers postant sur le subreddit r/WallStreetBets se sont ralliés à la chaîne de vente au détail de jeux vidéo GameStop, au bord de la faillite, prenant au dépourvu les courtiers professionnels et institutionnels qui avaient parié contre elle. Leurs efforts coûteraient à Melvin Capital – qui a d’abord placé GameStop en position courte – 6,8 milliards de dollars et culmineraient avec les audiences du House Financial Services Committee à Washington. C’est une légende.
La saga a déjà donné naissance à plusieurs documentaires et docu-séries, dont un chez Netflix, Max et Hulu. « Dumb Money », le premier film dramatique présenté en première mondiale vendredi au Festival international du film de Toronto, a été réalisé dans un laps de temps impressionnant, arrivant alors que les gros titres nationaux sont encore frais dans notre mémoire collective. Il comporte également un certain niveau de pedigree, avec le réalisateur de « Moi, Tonya », Craig Gillespie, à la tête d’une adaptation d’un ouvrage de non-fiction de Ben Mezrich, dont les livres ont également servi de base à « The Social Network » et « 21 ».
Bien que les différents récits ne s’accordent pas nécessairement sur l’identité des cerveaux derrière le short squeeze de GameStop, “Dumb Money” semble préférer la version officielle en ancrant l’intrigue avec certains de ceux qui ont finalement témoigné devant le comité du Congrès : Keith Gill (Paul Dano). ), connu sur l’interweb sous le nom de Roaring Kitty, qui a investi en 2019 53 000 $ en économies dans les actions GameStop et en a parlé en direct ; et Gabe Plotkin (Seth Rogen), fondateur de Melvin Capital, qui, à un moment donné, perdait 1 milliard de dollars par jour en pariant sur la baisse du titre.
Comme pour les documents, « Dumb Money » présente également un échantillon de Redditors de r/WallStreetBets pour illustrer ce qui les a motivés à sauter dans le train GameStop et, plus important encore, à s’en tenir aux hommes des hedge funds : Jenny (America Ferrera), une travailleur essentiel au plus fort de la pandémie; Harmony (Talia Ryder) et Riri (Myha’la Herrold), étudiants aux prises avec des dettes valant des centaines de milliers de dollars ; et Marcus (Anthony Ramos), un employé d’un avant-poste sans vie d’un centre commercial GameStop.
Une chose cependant : comme le film y fait allusion, il y a une culture de frère toxique profondément ancrée dans r/WallStreetBets, mais elle ne fait ici apparaître sa vilaine tête qu’à travers des anecdotes. Sinon, le film choisit de ne pas étoffer cette facette particulièrement peu recommandable de Reddit.
Que signifient « investisseur de détail », « shorting », « short squeeze » et « mains de diamant » ? Contrairement aux documentaires, « Dumb Money » ne s’attarde pas trop sur l’explication de ce jargon ou de cette myriade de mèmes Internet pour le profane. Tout est toujours là, le film n’abrutit rien. L’argot est omniprésent dans les dialogues et dans les messages en ligne qui apparaissent parfois à l’écran. Des mèmes et des emojis apparaissent également partout. Gillespie et les scénaristes Lauren Schuker Blum et Rebecca Angelo comprennent que, même si ces détails imprègnent la couleur, ils ont peu d’importance. Les cinéastes intègrent de nombreux faits et chiffres dans les débats, mais font confiance aux cinéphiles pour qu’ils suivent simplement comme s’ils observaient des étrangers et en témoignaient.
La mise en scène vive de Gillespie et le montage agile de Kirk Baxter capturent la culture en ligne chaotique et irrévérencieuse sans nécessairement perturber ou distraire des histoires principales. Il y a juste assez de courtes rafales de vidéos TikTok et de messages texte pour donner un avant-goût aux cinéphiles sans un assaut sensoriel complet. Les cinéastes jonglent également avec dextérité avec plusieurs scénarios. De nombreux personnages résonnent malgré le temps limité dont ils disposent à l’écran.
Dano donne un tour remarquable. En plus de représenter Gill dans sa vie quotidienne et ses interactions avec des membres de sa famille tels que sa femme Caroline (Shailene Woodley) et son frère Kevin (Pete Davidson), il reproduit également étrangement certaines des sessions de streaming de Roaring Kitty et le témoignage de Gill au Congrès. Ces moments brillent vraiment, car ils démontrent l’acte sur la corde raide de livrer une performance dans une performance. Quiconque a regardé ces diffusions en direct avec régularité reconnaîtra immédiatement à quel point Dano est parfait dans ces scènes.
Peut-être parce qu’il s’agit d’un projet de studio avec un budget pour le dédouanement de la musique, la bande-son hip-hop entraînante saute définitivement aux yeux. Le « WAP » de Cardi B est celui qui définit la période de temps de manière particulière et appropriée.
Intentionnel ou non, « Dumb Money » s’est imposé comme le premier portrait définitif de l’ère COVID. Il englobe le masquage, les vaccins, le DoorDash-ing, les paiements de relance, les gens ordinaires qui luttent pour joindre les deux bouts et les fonds spéculatifs vautours qui recherchent constamment leur prochaine proie sans tenir compte des coûts humains. C’était la tempête parfaite. Pendant un moment, les outsiders ont trouvé un stratagème pour déjouer le système que les gestionnaires de hedge funds ont exploité pour amasser leur fortune. Dommage qu’ils finissent par apprendre à leurs dépens que tout le système est monté contre eux.
« Dumb Money » sortira chez Sony en septembre.
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