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Sous le volcan de Malcolm Lowry

Par Sylvie

ROYAUME-UNI - 1947
Sous le volcan
Editions Grasset, Les cahiers rouges

Incontestablement reconnu comme l'un des chefs d'oeuvre de la littérature anglo-saxonne du XXe siècle. Mais très souvent méconnu ou incompris.
Il est vrai que l'on entre pas facilement dans cette belle prose poétique mexicaine chahutée par l'ivresse de la tequila et du mescal.
Malcolm Lowry (1909-1957) reste justement célèbre pour ce roman culte ; sa vie fut marquée par un trio infernal : les voyages, l'alcool et la littérature. Souvent victime d'éthylisme avancé, il dut quitter plusieurs pays, comme le Mexique, pour violence commise sur autrui. Sa mort prématurée a pour origine son amour immodéré de l'alcool.
Sous le volcan, écrit entre 1936 et 1947, où il fut enfin publié, s'inspire de sa propre vie (en particulier son voyage au Mexique pour tenter de sauver son premier mariage), références autobiographiques qu'il mêle à de nombreuses références mythologiques, littéraires, musicales, historiques, philosophiques pour créer une trame symbolique très forte.
Malcolm Lowry définit son chef d'oeuvre comme une "Divine Comédie ivre". Il convient donc d'y voir davantage qu'une belle histoire d'amour ruinée par l'alcool.
Rappelons l'intrigue qui tient en 1 an, et exactement 12 mois, 12 heures et 12 chapitres. Le premier chapitre se déroule le jour des morts 1939, un an après les événements tragiques. Les 11 autres chapitres se déroulent sur une journée, dans la ville de Quauhnahuac, au Mexique, au pied de deux volcans mythiques et sont centrés sur le couple Geoffroy firmin/Yvonne qui s'est séparé un an plus tôt.
En ce jour des morts 1938, Yvonne revient après 1 de séparation. Le consul britannique Geoffroy Firmin expie une faute mystérieuse au Mexique ; il aurait laissé brûler vif des prisonniers allemands dans un vaisseau lors de la Première Guerre Mondiale ; marqué par cette faute originelle, il est à jamais marqué par ce péché et est exclu du paradis. Noyant ce remord dans le mescal et la tequila, le retour d'Yvonne semble être une promesse de retrouver le paradis perdu. Alors que ce même jour, il reçoit la lettre qui s'est perdue un an plus tôt où Yvonne lui déclamait son amour...Mais en ce jour de retrouvailles promises, le destin semble en avoir  décidé autrement...Alors que Firmin continue à se noyer dans l'alcool, Yvonne fait la connaissance de Hugh, le jeune frère de Firmin qui revient des combats de la guerre d'Espagne. Puis elle retrouve également son ancien amant, le cinéaste français Jacques Laruelle. Ensemble, ils vont
entamer une journée d'excursion autour du volcan et des gouffres du Mexique....

Cette Divine comédie ivre est l'histoire revisitée du paradis perdu. Tout au long de cette journée dramatique, l'auteur fait de multiples allusions à un jardin qu'il convient de ne pas détruire. Hors, il suffit de se souvenir du jardin de Firmin plein de broussailles et de feuilles mortes pour savoir que ce paradis est irrémédiablement perdu. Car, le couple est définitivement séparé comme le rappelle cette roche qu'ils observent tous les deux dans une vitrine, à jamais séparée en deux. La référence au mythe de l'androgyne est implicite ; pour retrouver l'unité,  le paradis perdu, il convient que le couple homme-femme se reforme. Mais les obstacles se succèdent, malgré la volonté indéniable des deux êtres. Obstacles de l'alcool, de la jalousie ou simplement des deux âmes individuelles.
Toujours est-il que si le paradis est perdu, il s'incarne dans le rêve d'Yvonne de s'établir avec Firmin dans une ferme sur pilotis au Canada, dans une île perdue. Ces descriptions, tel un vaste poème en prose, constitue sans doute les plus belles pages du roman ; Hymne aux paysages, à la nature verdoyante et lacustre, ce paradis n'est accessible que si le couple quitte Quauhnahuac.
Avant cela, il faudra traverser des étapes...Des jardins, des forêts des gouffres et des cantinas, ces célèbres débits de boissons mexicains. Autant de passages d'étape du fleuve des enfers ; l'auteur rappelle que sous le volcan, coule le Tartare...Firmin vit dans un enfer, celui du jardin détruit...
Dans cet univers brueghélien, tout respire la mort et la déréliction : nous sommes le jour des morts, les voyageurs croisent des morts sur leur chemin, l'image du gouffre est redondante. Enfer de l'amour perdu mais aussi de la charité perdue ; hormis Hugh qui veut changer le monde en intervenant pour sauver les républicains espagnols et sauver l'indien sur le chemin, Yvonne et Firmin incarnent l'égoïsme  (elle ne peut supporter de voir le sang et lui refuse d'intervenir); ce sont deux âmes solitaires qui ne parviennent pas à rejoindre autrui. ...
Enfer individuel mais aussi collectif ; car la déréliction d'Yvonne et de Firmin est corollaire au cataclysme espagnol ; c'est le grand mérite de Lowry d'annoncer le grand désastre...
Que dire de l'écriture ? Le délire éthylique fait penser à un long poème souvent difficile à comprendre mais tellement envoûtant. Ce texte d'une richesse inouïe mérite, je pense, plusieurs lectures, pour en apprécier toutes les références...


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