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Nos jours brûlés, Tome 1 de Laura Nsafou

Par Rambalh @Rambalh
J’ai découvert Laura Nsafou à travers ses posts instagram ainsi que son blog où sa plume et ses réflexions savaient déjà m’embarquer sans difficulté. C’est avec Comme un million de papillons noirs que je suis entrée dans son œuvre de fiction, superbement illustré par Barbara Brun et j’ai donc gravé son nom dans la liste des auteurs à suivre au fil des ans. Évidemment, je n’ai pas pu passer à côté de sa saga Nos jours brûlés.
Nos jours brûlés, Tome 1 de Laura Nsafou

Quatrième de Couverture
« Ma mère m’a dit que la Nuit n’avait pas toujours été là, qu’il fut un temps où une gigantesque boule de lumière éclairait le monde et révélait ses couleurs. »
2049. Depuis vingt ans, le Jour a disparu, et la raison de ce bouleversement reste un mystère. Si Elikia n’a jamais connu que la Grande Nuit et ses dangers, sa mère, Diba, refuse de d’y résigner. Persuadées que la disparition du soleil est liée à celle de Juddu, une ancienne cité qui aurait abrité des êtres divins, toutes deux sillonnent l’Afrique en quête d’indices et de vestiges. Leur fantastique épopée les conduira jusqu’au cœur de l’Invisible…
Mon avis
Elikia a grandi en Europe au sein d’une nuit éternelle, ne connaissant du soleil que ce que sa mère, Dabi, lui a raconté. Dabi est persuadé que le soleil peut revenir et sa piste débute à Juddu, mystérieuse cité où son père était archiviste. Elikia suit sa mère dans ce périple à travers l’Afrique de l’Ouest, où elles s’enfoncent dans des territoires sombres, peuplés de créatures nocturnes aussi dangereuses que vicieuses. Si Elikia a foi en sa mère, elle est plus réservée concernant les légendes de l’Invisible sans savoir qu’au fond, elle est marquée depuis sa naissance par cette Grande Nuit.
Le premier tome de Nos jours brûlés est une plongée vertigineuse dans un univers où se mêlent des mythes africains et antillais pour former une mythologie vaste et complexe qui se dévoile au fil des pages. D’un point de départ dans notre monde où le soleil a disparu, Laura Nsafou nous guide vers une quête où les conflits divins sont au cœur de l’histoire, où la magie est maîtresse de la situation. À travers Elikia, nous découvrons l’histoire de la Grande Nuit, de Juddu et du dernier Éclaireur, un univers à la fois fascinant et addictif.
Le ton de la narration dans les premiers chapitres conte le début de l’histoire avec recul, côtoie les codes du tragique avec brio et accroche directement le lecteur. L’action y atteint rapidement un point culminant signant le basculement de l’intrigue. Lorsqu’Elikia rencontre Yander, le dernier Éclaireur et seul survivant de la cité de Juddu, elle plonge dans un monde qu’elle ne soupçonnait pas et on la suit avec avidité. Yander la recueille et commence à la former tout en lui donnant les clés de sa nature : Elikia est une Marquée, une hybride dotée par Guddi, la Nuit en personne, vouée à le rejoindre un jour. Yander accepte de l’aider à contrôler sa nature nocturne même si aucun Marqué n’a encore réussi à combattre l’influence de Guddi. Ensemble, ils se préparent à tout tenter pour retrouver la Prêtresse, seule personne capable de tenir tête à Guddi. Ce long apprentissage prend la forme d’un huis-clos où Yander est la seule personne qu’Elikia côtoie au quotidien, où elle apprend, expérimente, comprend et s’interroge chaque jour un peu plus. Le temps s’y écoule lentement, les ellipses apparaissent de manière dosée et l’ensemble du rythme permet de s’imprégner progressivement de l’univers.
La dernière partie, elle, nous lance dans une course effrénée qui nous rappelle que le danger rôde partout, que son apparence peut être trompeuse et que le temps presse. Elikia et Yander doivent à tout prix retrouver la Prêtresse avant que la Grande Nuit ne dévaste tout sur son passage mais, surtout, ils doivent être prêts à en payer le prix.
Ce qui m’a le plus fascinée dans ce tome, au-delà de la découverte d’un univers richement construit, est la description de toutes les nuances sensorielles. Il y a une réelle volonté de Laura Nsafou de forcer le lecteur à utiliser l’ensemble de ses sens grâce à l’imagination pour plonger dans ce monde où la Nuit est omniprésente.
Les descriptions des couleurs, des variations de la nuit, des lieux, des odeurs, des sons, des goûts, des textures… Avec ses mots, Laura Nsafou réussit à faire frétiller l’ensemble de nos sens et c’est un véritable plaisir. Grande amatrice de descriptions, ici, je n’ai pas été déçue. Il y a un excellent dosage puisque c’est un livre jeunesse et l’action y est aussi suffisamment présente pour ne pas perdre les lecteurs. Les couleurs de ce monde sont particulières, elles sont exemptes de la lumière du soleil et c’est tout un exercice au fil de la lecture que d’imaginer les nuances du décor.
Les descriptions des personnages qui s’égrainent au fil des pages sont elles aussi fascinantes : il n’y a encore une fois pas que la vue qui s’exprime mais bien tous les sens à travers de superbes métaphores. Les images y sont fantastiques, bien plus que ce à quoi j’ai été habituée. Je ne saurais dire si c’est le sens du détail de Laura Nsafou qui transpire dans ses mots ou tout simplement l’amour qu’elle voue à ses personnages : parce que c’est l’effet que ça m’a fait, une déclaration d’amour toute en poésie à chaque description.
Elikia évolue énormément au fil du tome. Jeune femme de vingt ans suivant une mère obsédée par une quête fantaisiste au début de l’histoire, elle devient une femme forte prête à affronter sa nature profonde pour poursuivre la quête de sa mère, pour en faire la quête de sa vie.
Au fil du huis-clos, sa relation avec Yander m’a beaucoup touchée : le lien est fort sans tomber dans le pathos. La différence d’âge ne me choque pas puisqu’il n’y a pas d’attraction sexuelle décrite. On est sur une jeune femme qui découvre qui elle est en vivant uniquement avec une personne qui l’aide à comprendre et apprendre. Il n’y a qu’eux deux et Yander ne la traite pas comme sa fille : ça passe naturellement puisque hors des constructions sociales. Elikia est certes, une gamine, mais son vécu en fait une personne plus mâture : on n’est pas sur une relation d’ascendance d’un homme plus vieux sur une frêle jeune femme, c’est là que c’est bien écrit et que ça prouve qu’il est possible de se défaire des concepts patriarcaux. Moi qui n’aime pas les relations jeune femme/homme mûr, ici, c’est la preuve que ça peut marcher quand c’est sans rapport de domination : toute la construction du texte et du personnage d’Elikia montre qu’elle se hisse progressivement sur un pied d’égalité avec Yander et que celui-ci l’y encourage.
Enfin, point intéressant, la difficulté de mettre des mots sur la différence entre des humains et des divinités est là. Comment retranscrire le fait que les Fondateurs ne voient pas les faits ou encore le temps comme les hybrides ? Comment réussir à faire comprendre aux lecteurs que leur vision est à des années lumières de la nôtre ? Laura Nsafou réussit à planter les graines de la compréhension, à nous permettre d’entrevoir le fossé qu’il existe entre les êtres. Les Fondateurs ont tout le temps du monde face à la rapidité du temps tel que nous le concevons. Lorsque Fano, Zanagha et Shen se laissent aller à cette urgence qui anime les hybrides, ils nous ressemblent presque : quand ils aident Yander et Elikia, quand ils placent en eux un espoir. Qu’ont-ils à perdre ? Du temps, non. Mais peut-être des émotions un poil trop humaines qu’ils n’ont pas l’habitude de laisser les habiter. Ce sentiment d’urgence qui les rattrape furtivement les rend intéressants et nous laisse présager quelques thèmes pour la suite de cette saga.
Nos jours brûlés a été une excellente découverte, un premier tome qui donne immédiatement envie de connaître la suite et qui offre des personnages aussi bien construits que l’univers. J’ai aimé me laisser embarquer dans cette histoire aux couleurs sombres et plurielles. J’ai évidemment sauté à pieds joints dans la suite.
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