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"À l'ombre d'un papillon de nuit - Un archéologue sur les traces de la Shoah" d'Ivar Schute (In de schaduw van een nachtvlinder)

Par Cassiopea

À l'ombre d'un papillon de nuit - Un archéologue sur les traces de la Shoah (In de schaduw van een nachtvlinder)
Auteur : Ivar Schute
Traduit du néerlandais (Pays-Bas) par Kim Andringa
Éditions : Globe (5 Octobre 2023)
ISBN : 9782383611905
242 pages

Quatrième de couverture

170 000 Juifs ont été assassinés dans le centre d’extermination nazi de Sobibór, situé dans la Pologne actuelle. Après le soulèvement du 14 octobre 1943, le centre a été démantelé ; les preuves ont été effacées. La nature a repris ses droits et de Sobibór ne restaient qu’une forêt et les photographies prises par l’officier SS Johann Niemann, qui ne montrent pas de chambre à gaz, ni de train, ni de gens, ni de terreur. En 2014, un groupe d’archéologues a retrouvé et mis au jour les fondations des chambres à gaz du centre d’extermination de Sobibór, démontrant ainsi que le sol demeurait un témoin silencieux. Ivar Schute faisait partie de l’équipe. Ce livre est le récit de ses fouilles mais aussi des nombreuses questions qu’elles ont soulevées.

Mon avis

Ce livre présente un texte fort, puissant. L’auteur qui a témoigné à travers des conférences, des articles et des entretiens, a souhaité aller plus loin en offrant cette lecture. En effet, avec son équipe, il a ressorti des fondations de chambres à gaz, à Sobibór où plus de 170 000 juifs ont été assassinés. Il retranscrit ainsi dix ans de recherches avec les idées et pensées qui l’ont accompagné.

Comme il est archéologue, il fouille et met au jour des éléments qui parlent du passé. Il doit faire preuve de délicatesse car certains objets racontent la vie de personnes disparues. Il faut trouver l’équilibre sans blesser personne, ni outrepasser les limites morales. Comme il touche ce qu’il découvre, il a une relation presque physique avec la Shoah. Certains critiques ses recherches, il se fait parfois attaquer par les administrations ou les négationnistes. A contrario, d’autres s’intéressent de manière positive à ses investigations. Tout est question de dosage et il doit parfaitement mesurer ce qu’il dit, gérer ce qu’il découvre et être vigilant pour chaque mot.

Il écrit qu’il n’est pas un historien mais il s’exprime sur des faits historiques en partageant des réflexions philosophiques. Pour lui, les fouilles archéologiques ont un rôle lié à un processus de commémoration et de conservation du patrimoine. C’est intéressant de comprendre son point de vue, je le partage totalement. Je n’ai jamais senti de voyeurisme dans son texte. Ses remarques sont édifiantes, on sent bien qu’il n’a pas rédigé tout cela a la va vite, c’est soigneusement pesé, analysé et réfléchi. Il s’interroge sur la politique patrimoniale des autorités concernées s’occupant de ces traces et vestiges.

Dans les premières pages, une carte nous montre tous les lieux explorés par Ivar Schute. Certains sont plus connus que d’autres mais il a tenu à aller partout. C’est un homme modeste, humble, qui a peur que son propos soit mal interprété, mal compris. Il décrypte finement ce qu’il observe, ce qu’il ressent.

Son écriture est fluide, précise (merci à Kim Andringa pour la traduction). Il partage ce qu’il voit, ce qu’il vit au plus profond de lui, puis il prend de « la hauteur » et porte plus loin son regard, son étude. Il s’est énormément documenté pour donner de l’étoffe à sa narration. Tout est précis, clair, complété par ses pensées personnelles qui apportent un éclairage supplémentaire.

J’ai beaucoup apprécié cette lecture que j’ai trouvé représentative d’une période terrible. J’ai appris des tas de choses, retenu et engrangé des informations. C’est un opus que je conseille, que je vais prêter car j’ai envie d’échanger sur tout ce que j’ai lu.

Ce recueil est une mine d’informations précises, de souvenirs. C’est ainsi que s’inscrit l’Histoire (avec un grand H) car par l’intermédiaire de tels écrits, nous n’oublierons pas. La souffrance des personnes ayant subi le pire sera honorée, on parlera d’eux, on entretiendra leur mémoire sans haine, sans pathos mais en toute lucidité. Et on fera tout pour que « plus jamais ça ».



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