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Métavers dans l’éducation : Une nouvelle avancée déshumanisante ?

Publié le 25 octobre 2023 par Raymondviger
Soucieuse d'encourager ses étudiants en génie à relever des défis, Virginie Francoeur, professeure de gestion du changement à Polytechnique Montréal offre à ceux qui manifestent des aptitudes exceptionnelles en communication de publier leurs écrits à chaque chronique. Virginie Francoeur présente Jean Lassère, étudiant à Polytechnique Paris en stage d'été à Polytechnique Montréal. Voilà une formidable opportunité non seulement de relier génie et communication, mais de mettre à profit et de partager des connaissances en regard des enjeux environnementaux ou sociaux avec un large public.

À l'heure du développement d'intelligences artificielles de plus en plus puissantes telles que chat GPT, un agent conversationnel, internet s'apprête à entrer dans une nouvelle dimension.

Plusieurs géants de la technologie veulent bâtir le " Métavers ", un méta-univers numérique où la frontière entre le réel et le virtuel se brouille, jusqu'à disparaître complètement. L'idée des bâtisseurs du Métavers est de rendre beaucoup plus immersives les expériences que l'on vit déjà sur internet, à savoir la navigation sur les réseaux sociaux, la visioconférence, les jeux vidéo ou encore le divertissement...


Afin de tirer des conclusions sur la transformation des modes de vie induits par les confinements successifs pendant la pandémie de COVID-19, de nombreux acteurs cherchent à inclure le secteur de l'éducation dans le développement des métavers. Plus immersive, l'éducation à travers le métavers serait le prolongement logique des cours en visioconférence. L'écriture de cet article se base sur plusieurs rapports ainsi que sur un entretien avec Marie Bernhard, rapporteure au Conseil national du numérique en France.


En pleine croissance
La révolution est déjà bien amorcée. En effet, d'après Bloomberg Intelligence, le marché des Métavers pèsera 800 millions de dollars en 2024 et près de 30 milliards dès 2032 ! Dans l'éducation plus précisément, les investissements privés et même publics se multiplient ces derniers temps. De nombreuses startups (les EdTech) ont déjà vu le jour. Leader dans le domaine, le groupe Meta (anciennement Facebook), a récemment signé un partenariat avec une dizaine d'universités américaines pour donner des cours dans le Métavers et a débloqué une enveloppe de 150 millions de dollars pour créer des jumeaux numériques des campus. Plus mesurés, les investissements institutionnels se déploient au travers de plans de recherche technologique.


Apprentissage plus moderne et plus inclusif
L'argumentaire de développement des EdTech s'appuie sur trois principaux aspects :

    Accessibilité : Les EdTech s'appuient sur une plateforme virtuelle accessible partout, par tous. Les fondateurs insistent sur l'avancée sociale que cela représente de gommer les disparités géographiques et d'en finir avec les difficultés d'accès pour les élèves en situation de handicap. En outre, les avatars pourraient contribuer à réduire la pression sociale sur les élèves et favoriseraient une expression orale plus libre.
    Interactivité : Cette nouvelle forme d'apprentissage se veut interactive. L'idée est de faire passer des messages différemment et de permettre une assimilation active des concepts. Immerger les élèves dans l'environnement de l'Empire romain ou dans celui de la Deuxième Guerre mondiale permettrait une approche différente de l'histoire. À l'instar des simulateurs de vol qui sont pionniers en matière d'éducation immersive, on pourrait, par exemple, imaginer des jeux de rôle pour les étudiants en psychologie.
    Sécurité : Déjà utilisée pour sécuriser les cryptomonnaies ou autres objets numériques dématérialisés tels que les NFT (non-fungible token), qui sont des actifs numériques, la technologie Block Chain sécurisera les contenus, les droits d'accès et les diplômes. Cette technologie permettra une meilleure traçabilité des ouvrages et assurera le droit de propriété pour les contenus créés.

De nombreux prototypes de projets d'éducation à travers le Métavers ont déjà été conçus :

    Le projet Avantis propose déjà des expériences immersives pour les cours de géographie, d'histoire ou de sciences naturelles grâce aux casques de réalité virtuelle.
    Le projet Arkio développe un outil de design immersif et de visualisation pour les étudiants en architecture.
    Développée à la suite de la pandémie, la Kwark Academy propose des formations universitaires diplômantes et reconnues en mettant l'accent sur la pratique et sur les qualités humaines comportementales : par exemple, l'intelligence émotionnelle, les aptitudes de communication, les habiletés interpersonnelles.


Loin d'un consensus
Cependant, malgré ces investissements, rien ne garantit que le secteur ne se développe réellement. D'une part, il existe des difficultés techniques de mise en œuvre puisqu'il n'est actuellement pas possible d'accueillir plusieurs millions de personnes en même temps sur un même environnement virtuel. Il faudra attendre le développement de réseaux internet plus puissants de 5e et 6e générations (aussi appelés 5G/6G). Se posent aussi des questions de souveraineté : le développement actuel impliquerait l'extension de l'influence américaine et l'intrusion de groupes privés dans le domaine éducatif. D'autre part, certains pointent des impacts potentiels sur la santé publique, notamment chez les enfants, en raison de l'utilisation prolongée des casques de réalité virtuelle ou de la numérisation des échanges sociaux. Enfin, le secteur reçoit une faible acceptabilité sociale qui résulte des points précédents.


Perspectives de développement
Face aux nombreuses réticences, le développement du secteur passera par des expérimentations sur des cas d'usage particuliers. S'il paraît improbable que l'école secondaire ne devienne entièrement virtuelle, on peut imaginer le développement de certaines activités en réalité virtuelle pour un complément immersif de certains cours. À l'échelle universitaire, des mises en situation professionnelles pourraient être envisagées. Quoi qu'il en soit, les institutions publiques auront un rôle législatif à jouer pour encadrer et optimiser l'utilisation d'outils numériques avancés dans l'éducation. Ignorer l'évolution de la demande impliquerait une prise de retard importante dans le développement qui engendrerait une ingérence du secteur privé et d'états étrangers dans le domaine aujourd'hui régalien de l'éducation.
C'est pourquoi il demeure important de soutenir la recherche pour documenter et mieux comprendre les pour et les contre de cette nouvelle technologie.


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