Le dernier single des Beatles n’est pas la fin

Avec l’aide de l’IA, Paul McCartney et Ringo Starr ont mis la dernière main à une vieille démo de John Lennon : Now and Then

Now and Then – “la dernière chanson des Beatles”, comme le répète la promotion – est là. L’ambiance est à la nostalgie solennelle. L’histoire est terminée. Nous sommes désolés, mais il est temps de partir. La fin approche à grands pas.

Cela fonctionne très bien aussi, une coda soupirante à la fois de la carrière du groupe et de l’assassinat de Lennon. Entendre un John Lennon de 37 ans et un Paul McCartney de 81 ans chanter à nouveau ensemble est puissant sans être larmoyant ou étrange. Les couches supplémentaires de signification qui se sont installées sur “Now and Then” depuis que les trois Beatles survivants l’ont mis au placard au milieu des années 90 ont été exploitées de manière assez approfondie.

“Tous ces souvenirs me reviennent en mémoire”, déclare McCartney dans le documentaire sorti mercredi. “Mon Dieu, quelle chance j’ai eue d’avoir ces hommes dans ma vie, de travailler avec eux si intimement et d’aboutir à un tel corpus musical.

Et musicalement, c’est ce à quoi ressemble “Now and Then”. C’est fait avec goût. Il y a des flashes d’autres moments des Beatles, comme un flip-book de souvenirs : un petit coup de guitare fait écho à “You Never Give Me Your Money”. Des harmonies de ‘Here, There and Everywhere’, ‘Because’ et ‘Eleanor Rigby’ flottent derrière le refrain. Les cordes de McCartney et Giles Martin tourbillonnent entre “Something” et “I Am the Walrus”.

Tout cela pourrait être un peu morbide. Mais il se passe quelque chose d’autre ici, qui rend cette chanson triste encore meilleure. Même selon les normes habituelles, nous sommes dans un Q4 très Beatley. Il y a la campagne “Now and Then” avec le court métrage et la vidéo de Peter Jackson, ainsi que des rééditions élargies et remixées des compilations Red et Blue de 1973, très appréciées et qui couvrent l’ensemble de la carrière du groupe. Il y a aussi une nouvelle biographie de Mal Evans, roadie, assistant et vibrateur du groupe, qui s’appuie sur ce que les fans des Beatles considèrent depuis longtemps comme le Saint-Graal : le journal de bord qu’Evans a tenu au jour le jour, au cœur même de l’ouragan.

L’exposition de photos de Paul McCartney sur l’époque de la Beatlemania, qui a rouvert la National Portrait Gallery après trois ans d’hibernation, et un podcast de Macca racontant l’histoire de certains de ses succès, ont suivi. (Étant donné le peu de guitare enregistré par George en 1995 et le fait que Ringo n’a fait que quelques essais sur une piste de batterie avant de partir prendre des photos de ses orteils, on pourrait penser que “Now and Then” était l’apogée d’une fête pauliste post-Glastonbury).

Les Beatles étaient très doués pour les déclarations finales, et “Now and Then” en est une particulièrement poignante : “Now and then, I miss you / Oh, now and then I want you to be there for me / Always to return to me” (Maintenant et puis, tu me manques / Oh, maintenant et puis, je veux que tu sois là pour moi / Que tu reviennes toujours vers moi).

Leur première déclaration finale, Abbey Road, clôturait les choses en beauté : solo de batterie, solos de guitare en duo et le couplet “In the end, the love you take is equal to the love you make.” (À la fin, l’amour que vous prenez est égal à l’amour que vous faites). Après la mort de Lennon en 1980, Harrison et McCartney ont régulièrement replongé dans leur passé, rendant hommage à leur compagnon ou jetant un regard ironique sur l’histoire des Beatles. (Je ne connais pas d’autre groupe dont les membres ont eu des succès avec des chansons portant spécifiquement sur le groupe auquel ils appartenaient : Harrison en a eu trois à lui tout seul). Puis, après le projet Anthology, pour lequel “Now and Then” a été travaillé à l’origine, Ringo a fait appel à lui. Et maintenant, nous y revoilà. La déclaration de Derek Taylor, attaché de presse des Beatles, après la séparation est toujours d’actualité. “Le monde continue de tourner, nous aussi, et vous aussi”, a-t-il écrit. “Lorsque la rotation s’arrêtera, il sera temps de s’inquiéter. Pas avant.”

C’est un peu le thème de l’univers étendu des Beatles depuis le début. Il y a beaucoup de coïncidences bizarres. La première et la dernière photo des quatre ensemble ont été prises à exactement sept ans d’intervalle. Paul McCartney a écrit “She’s Leaving Home” après avoir lu un article de journal sur une jeune fugueuse que ses parents suppliaient de revenir ; sans le savoir, McCartney l’avait rencontrée trois ans auparavant. Le groupe crée une quasi-société de disques appelée Apple ; John Lennon épouse l’artiste conceptuelle japonaise Yoko Ono ; le mot japonais pour “pomme” est “ringo”. I Saw Her Standing There”, la chanson d’ouverture de leur premier album, et “Now and Then”, leur dernier, commencent toutes deux par le “one-two-three-four” de McCartney.

L’une des plus grandes bizarreries de l’espace-temps des Beatles est l’arc qui les sépare de leur arrivée dans les boîtes à sueur de Hambourg en août 1960 – George Harrison avait encore 17 ans, et il a été expulsé pour cela – jusqu’à l’annonce par McCartney de la désintégration du groupe en avril 1970. C’est l’équivalent de plusieurs vies en une décennie. Dès que vous avez terminé une série d’anniversaires, il est temps de tout recommencer.

Et même si “Now and Then” est présenté comme un point final, le groupe n’a pas l’intention de laisser son monde s’arrêter de tourner. Écoutez le single sur Spotify, et ” Now and Then ” mène directement à la nouvelle version remixée de leur premier single ” Love Me Do “, qui sonne plus sombre et plus fort. C’est un reflet parfait du titre de la nouvelle chanson, qui montre la voie à suivre.

Le single “Now and Then” sonne comme une fin, mais il a permis à un grand nombre de jeunes de découvrir la réunion du milieu des années 90 et les histoires qui l’ont entourée, ainsi que des vignettes qui ajoutent à ce qu’est “Now and Then”. Il y a des TikToks qui expliquent comment Lennon a laissé une cassette marquée “For Paul” avec quelques chansons, et la fois où Carl Perkins a accidentellement fait pleurer McCartney en jouant une chanson de Perkins qui citait involontairement les derniers mots de Lennon à McCartney : “Think about me now and then, old friend” (Pense à moi de temps en temps, mon vieil ami).

C’est là qu’une grande partie de l’histoire des Beatles vit aujourd’hui. Les fans de la génération Z font ce qu’ils font avec leurs autres héros. Ils font des fancams, échangent des théories, et certains s’envoient John et Paul. (Mais le plus important, c’est qu’ils intègrent de nouveaux fans dans l’histoire des Beatles. Il y a quelques mois, j’ai parlé à une fan londonienne de 20 ans qui m’a expliqué pourquoi elle aimait les Beatles.

“C’est presque comme un roman”, m’a-t-elle dit. “Il y a tellement de belles parties de leur histoire, et aussi des parties déchirantes, qu’il est très facile de s’investir là-dedans.

Ce sont les histoires et la tradition qui sont les plus marquantes. Il existe aujourd’hui une génération de jeunes fans des Beatles qui étaient là pour entendre la première d’une nouvelle chanson des Beatles, une génération entière après la dernière. Si l’on ajoute à cela les personnes drôles, conscientes d’elles-mêmes, dynamiques et toujours modernes que sont Lennon, McCartney, Harrison et Starr dans le documentaire Get Back de Jackson, on a l’impression qu’une toute nouvelle version des Beatles a été refaite au cours des deux dernières années. Le sentiment d’aigreur qui se manifestait parfois entre les Beatles a été remplacé par quelque chose de beaucoup plus ouvert, tactile et frappant de l’année 2023.

En soi, c’est un exploit impressionnant, et c’est peut-être ce qui a fait qu’ils ne sont plus seulement respectés, mais aimés à nouveau. Now and Then” peut sembler être une fin. Mais même aujourd’hui, les Beatles ne veulent pas vraiment arrêter le spectacle.