Au HMV de Liverpool, des têtes de Beatles – dont l’une s’appelle John Lennon – font la queue pour acheter des copies en vinyle de ce qui est présenté comme la dernière chanson des Beatles.
On se croirait plus en 1963 qu’en 2023, alors que des fans se pressent chez un disquaire de Liverpool aux premières heures du jour pour acheter un nouveau single des Beatles mis en vente à minuit. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le premier à faire la queue chez HMV pour acheter Now and Then en 7 et 12 pouces n’est autre que John Lennon – son vrai nom, et il a le passeport qui le prouve. “J’ai commencé à faire la queue jeudi à 8 heures du matin”, raconte-t-il, portant les mêmes lunettes de soleil rondes et le même T-shirt “New York City” que son légendaire homonyme. “J’étais déterminé à être le premier.
Derrière lui, Brian Jackson, 62 ans, qui tient le magasin de disques et de souvenirs Allkinds à Liverpool, est fan des Beatles depuis l’âge de quatre ans : “Notre famille avait l’habitude de passer les disques des Beatles sur une Dansette. Cela ne m’a jamais quitté”. Certains fans reconnaissent le caractère historique de l’événement. “Je veux dire à mes enfants et à mes petits-enfants que j’ai acheté un disque des Beatles le jour de la sortie”, a déclaré Ved Desai, 19 ans, étudiant à Dubaï. Lizzie Hillesdon, qui se présente comme la chanteuse Pixey, dit que le single lui rappelle l’Album blanc. Plus loin dans la file d’attente, Jackie Oien, étudiante de 22 ans, a entendu Now and Then pour la première fois quelques heures plus tôt, lors d’une soirée d’écoute au Cavern club. “Certaines personnes avaient les larmes aux yeux”, dit-elle. “C’est un jour chargé d’émotion pour Liverpool.
La chanson est issue d’une démo que John Lennon a enregistrée chez lui, dans l’immeuble Dakota de New York, deux ans avant d’y être assassiné en 1980. La veuve de Lennon, Yoko Ono, a remis la cassette – ainsi que les démos de Real Love et Free As a Bird – aux autres Beatles en 1994, mais alors que les versions achevées de ces chansons ont atteint les numéros 2 et 4 en 1995 et 1996 respectivement, des problèmes techniques ont entraîné l’abandon de Now and Then. George Harrison, qui avait déclaré avec frustration que la chanson était “une putain de connerie”, est mort en 2001.
Récemment, la technologie d’intelligence artificielle utilisée par Peter Jackson pour le documentaire “Get Back” sur les Beatles de 2021 a permis d’isoler la voix de Lennon, ce qui a permis à Paul McCartney et Ringo Starr de terminer la chanson. En plus d’inclure les parties de guitare de Harrison de 1995 avec la bénédiction de sa veuve, Olivia, McCartney joue un magnifique solo de guitare slide dans le style de son défunt coéquipier, tandis que Giles Martin – fils du producteur des Beatles Sir George – a travaillé sur un arrangement de cordes à la Beatle, comme l’aurait fait son père dans les années 1960.
“À mes oreilles, cela ressemble à une chanson de John Lennon qui aurait pu figurer sur ses derniers albums”, a déclaré Holly Tessler, qui dirige un programme de maîtrise sur les Beatles à l’université de Liverpool. “Toutefois, c’est une chanson de John qu’ils ont améliorée. J’ai parlé à des gens qui m’ont dit : “Ce n’est pas une chanson des Beatles”, mais c’est John, Paul, George et Ringo qui chantent et jouent – alors qu’est-ce que c’est si ce n’est les Beatles ?
Un film de 12 minutes a été diffusé la veille de la sortie de l’album, combinant des images historiques et des films des Beatles survivants travaillant sur Now and Then en 1995 et plus récemment. Se faire dire par Paul “C’est définitivement la dernière chanson des Beatles” m’a fait l’effet d’un bouleversement sismique”, a déclaré le réalisateur Oliver Murray. “C’est un arrêt complet du catalogue, mais l’héritage se perpétue”. Bien qu’il marque ce qu’il appelle “un moment clé de l’histoire”, son film comporte un élément émotionnel, notamment lorsqu’on entend la voix isolée de Lennon, ce qui incite Starr à commenter : “C’était le moment le plus proche de son retour dans la pièce”.
“C’était très émouvant pour Paul et Ringo”, explique Murray. “Paul a eu l’occasion de refaire de la musique avec son ami. Ils avaient un lien fraternel entre quatre personnes, et la technologie a été utilisée pour le permettre à nouveau. Paul a dit que les derniers mots que John lui avait adressés étaient ‘Pense à moi de temps en temps, mon vieil ami’, et la chanson a cette belle force poignante qui semble appropriée d’une certaine manière”.
Pour Tessler, l’atmosphère mélancolique de la chanson reflète les pensées de l’auteur-compositeur Lennon à ce moment de sa vie.
“Il venait de se remettre avec Yoko, et si vous écoutez les paroles, elles parlent ouvertement d’elle, mais il y a au moins quelques lignes dans le deuxième couplet qui pourraient être interprétées comme une allusion à sa relation avec Paul McCartney. Ce qui ajoute une autre dimension poignante : auraient-ils pu se remettre ensemble ?
“C’est le travail de deux octogénaires au crépuscule de leur vie, qui ont travaillé sur cette chanson avec deux camarades, dont l’un a été assassiné et l’autre [Harrison] est mort d’un cancer. Cela donne à tout le monde l’occasion de leur dire au revoir correctement, sans toute l’acrimonie de la rupture de 1970. Les Beatles, en tant que groupe, deviennent ainsi beaucoup plus doux, charmants et poignants”.
Dans la file d’attente de HMV, Xander Steel, un étudiant de 18 ans de l’université de Liverpool, est d’accord : “J’ai déjà entendu la chanson dix fois et c’est un très bon adieu”.
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