Magazine Culture

Deux Poèmes de Sabine Sicaud

Par Etcetera
Deux Poèmes de Sabine SicaudCouverture aux éditions Fario

J’avais parfois entendu parler de la jeune et talentueuse poétesse Sabine Sicaud (1913- 1928) à propos de la maladie incurable dont elle souffrait et de sa mort très précoce à l’âge de quatorze ans.
Aussi, j’étais contente de trouver récemment chez Gibert une réédition de ses œuvres, intitulée Le Chemin de sable, parue en 2022 chez les éditions Fario – collection Les Impardonnables -, un livre que je me suis empressée d’acheter et dont je vous propose un choix de poèmes.
J’ai choisi pour aujourd’hui des textes inspirés par sa maladie mais il faut préciser que son écriture ne se limitait pas à ce sujet, que son inspiration était nettement plus vaste.
J’aurai l’occasion de reparler d’elle dans un futur article.

Extrait de la Quatrième de Couverture

Sans avoir connu la vie, Sabine Sicaud va mourir. Ses poèmes, illuminés d’une tristesse où tout est à la fois résignation et grandeur, disent un drame haussé au niveau de l’universel. La langue est d’une simplicité qui convient aux œuvres que le temps ne peut entamer : là tout est clair, rigoureux, irremplaçable.
(Alain Bosquet, in La Revue de Paris, 1959)

**

Note biographique sur la poète
(Source : Wikipédia)

Sabine Sicaud, née le 23 février 1913 à Villeneuve-sur-Lot et morte le 12 juillet 1928, à l’âge de quatorze ans, dans la même commune, est une poétesse française. Elle est née et morte dans la maison de ses parents, nommée La SolitudeSolitude est aussi le titre d’un de ses poèmes.
Ses Poèmes d’enfant, préfacés par Anna de Noailles, ont été publiés lorsqu’elle avait treize ans. Après les chants émerveillés de l’enfance et de l’éveil au monde, est venue la souffrance, insupportable. Atteinte d’ostéomyélite, appelée aussi la gangrène des os, elle écrit Aux médecins qui viennent me voir :
Faites-moi donc mourir, comme on est foudroyé
D’un seul coup de couteau, d’un coup de poing
Ou d’un de ces poisons de fakir, vert et or… »

**
Page 61

Vous parler ?

Vous parler ? Non. Je ne peux pas.
Je préfère souffrir comme une plante,
Comme l’oiseau qui ne dit rien sur le tilleul.
Ils attendent. C’est bien. Puisqu’ils ne sont pas las
D’attendre, j’attendrai, de cette même attente.

Ils souffrent seuls. On doit apprendre à souffrir seul.
Je ne veux pas d’indifférents prêts à sourire
Ni d’amis gémissants. Que nul ne vienne.

La plante ne dit rien. L’oiseau se tait. Que dire ?
Cette douleur est seule au monde, quoi qu’on veuille.
Elle n’est pas celle des autres, c’est la mienne.

Une feuille a son mal qu’ignore l’autre feuille.
Et le mal de l’oiseau, l’autre oiseau n’en sait rien.

On ne sait pas. On ne sait pas. Qui se ressemble ?
Et se ressemblât-on, qu’importe. Il me convient
De n’entendre ce soir nulle parole vaine.

J’attends – comme le font derrière la fenêtre
Le vieil arbre sans geste et le pinson muet…
Une goutte d’eau pure, un peu de vent, qui sait ?
Qu’attendent-ils ? Nous l’attendrons ensemble.
Le soleil leur a dit qu’il reviendrait, peut-être…

*

Page 49

Médecins

Ne cherchez donc pas dans vos livres !
Est-il si compliqué de vivre ?
Quel mal ils m’auront fait, ces tristes médecins…
Je ne dis pas que ce soit à dessein
Et l’on n’est pas toujours exprès des assassins ;
Mais tant de drogues, de piqûres,
Et si peu de savoir ? Ils me tueront, c’est clair.

Me laisser tant souffrir, souffrir tout un hiver,
Pour jouer ensuite aux Augures !

Je les vois en bouchers me palper tour à tour,
Puis s’enfermer d’un air sinistre,
Conseil de guerre ? de ministres ?
Concile ? Ou, verrous clos, sous l’abat-jour,
La conspiration de mélo, dans la cave ?
Je rirais bien, si ce n’était beaucoup plus grave.
Mais il s’agit de moi qui ne sais rien
Et de ces gens à qui, dirait-on, j’appartiens,
Parce qu’ils font semblant de savoir quelque chose.

Bouchut en sait mille fois plus, hélas !
Mon vieux Bouchut qui prend son herbe et se la dose
Et toujours se guérit des misères qu’il a
Sans en chercher la cause…

Vieux Bouchut, vieux Bouchut, dans ton bain de soleil,
Tu te moques de leurs remèdes !
Ton ventre est chaud, ton petit nez vermeil.
Tu me suffis, Bouchut. Viens à mon aide…

**



Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Etcetera 162 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines