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L'impératrice Élisabeth à Alger en 1890. Les observations d'un journaliste.

Publié le 11 décembre 2023 par Luc-Henri Roger @munichandco
Un article du Mémorial des Vosges du 8 octobre 1890. Illustrations hors article.
Elisabeth
Une après-midi d’automne, j’arrivais sur le quai de la gare dans une grande ville étrangère, prêt à monter en wagon, quand plusieurs hommes d’armes repoussèrent les voyageurs pour laisser place à une dame vêtue d’un waterproof brun et coiffée d’un chapeau tyrolien garni d’une plume noire. Je demandai à un postier quelle était cette dame : « Kaiserin ! » me répondit-il avec une intraduisible expression de respect. Elle monta dans un compartiment de première, le public s’engouffra dans le train, qui fila. Cette dame était l’impératrice Elisabeth.

L'impératrice Élisabeth à Alger  en 1890. Les observations d'un journaliste.

Le Grand Café (ouvert en 1870) et le Théâtre d'Alger (inauguré en 1853)


L’autre semaine, vers le soir, une femme vint s’asseoir sur la terrasse d’un grand café à Alger. Vêtue de noir, très simplement, coiffée d’un chapeau de paille noire à plume sombre, elle demanda une glace. Une autre femme, plus petite, costumée non moins sévèrement, l’accompagnait ; un interprète leur apporta des paquets. Elle les emportèrent et se perdirent à petits pas dans la foule. La plus jeune des deux était une suivante ; l’autre était l’impératrice Elisabeth.
L'impératrice Élisabeth à Alger  en 1890. Les observations d'un journaliste.

L'impératrice Élisabeth à Alger  en 1890. Les observations d'un journaliste.

L'impératrice Élisabeth à Alger  en 1890. Les observations d'un journaliste.
Elisabeth est allée surprendre dans son cabinet M. Tirman, gouverneur général de l’Algérie ; elle est entrée au palais sous un extérieur si modeste que l’huissier l'a annoncée en ces termes à M. Tirman :« Deux dames désirent vous parler; il y en a une qui m’a dit qu’elle était l’impératrice d’Autriche ».M. Tirman fut très surpris par cette visite inopinée et sans apparat. Le gouverneur a présenté à la souveraine l’ancien roi d’Annam, interné en Algérie pour rébellion*. Les deux hauts personnages restèrent longuement à se contempler, muets, impassibles, celui qui a perdu un empire et celle qui a perdu un futur empereur. Le plus profondément éprouvé des deux, c’était l’impératrice Elisabeth.
Le nouvelliste ** qui a vu la souveraine sur la terrasse à Alger et qui conte cette entrevue ajoute qu’elle est partie pour Blidah puis pour Bône, où l’archiduc Rodolphe s’est arrêté lui aussi dans son voyage. La mère suit pas à pas son calvaire, c’est-à-dire le chemin qu’avait suivi l’héritier du trône impérial, calvaire dont la dernière station fut Meyerling. Comme celle dont parle dans le « Nordsee » Heine, son poète favori, fuyant l’éclat de la cour, elle traîne sur une route sans fin sa douleur. Je sais peu de femmes plus malheureuses que l’impératrice Elisabeth.
Gui.
L'impératrice Élisabeth à Alger  en 1890. Les observations d'un journaliste.
* Hàm Nghi (1871-1890), roi d'Annam, fut capturé en 1888. Le gouvernement francais décida qu'il serait interné en Algérie, où une pension de 25.000 francs par an, payée par le gouvernement annamite, lui serait allouée. Le 12 décembre 1888, il fut embarqué avec un interprète, un cuisinier et un domestique pour Alger. Il y arriva le 13 janvier 1889 et y fut bien traité par le gouverneur général, comme on s'en rend compte dans notre article, puisque M. Tirman le présenta à l'impératrice. Il avait alors 19 ans.
** En 1890, le terme " nouvelliste " désignait une personne qui s'attache à recueillir et à répandre des nouvelles, mais également un journaliste. 
**        *

Rodolphe. Les textes de Mayerling

Pour découvrir les différentes versions du drame de Mayerling, dont la version de l'assassinat commandité par Bismarck,  je vous invite à lire le recueil de textes que j'ai présentés dans  Rodolphe. Les textes de Mayerling (BoD, 2020)
L'impératrice Élisabeth à Alger  en 1890. Les observations d'un journaliste.
  Quatrième de couverture
Suicide, meurtre ou complot ? Depuis plus de 130 années, le drame de Mayerling fascine et enflamme les imaginations, et a fait couler beaucoup d'encre. C'est un peu de cette encre que nous avons orpaillée ici dans les fleuves de la mémoire : des textes pour la plupart oubliés qui présentent différentes interprétations d'une tragédie sur laquelle, malgré les annonces répétées d'une vérité historique définitive, continue de planer le doute.Comment s'est constituée la légende de Mayerling? Les points de vue et les arguments s'affrontent dans ces récits qui relèvent de différents genres littéraires : souvenirs de princesses appartenant au premier cercle impérial, dialogue politique, roman historique, roman d'espionnage, articles de presse, tous ces textes ont contribué à la constitution d'une des grandes énigmes de l'histoire.

Le recueil réunit des récits publiés entre 1889 et 1932 sur le drame de Mayerling, dont voici les dates et les auteurs :

1889 Les articles du Figaro1899 Princesse Odescalchi1900 Arthur Savaète1902 Adolphe Aderer1905 Henri de Weindel1910 Jean de Bonnefon1916 Augustin Marguillier1917 Henry Ferrare1921 Princesse Louise de Belgique1922 Dr Augustin Cabanès1930 Gabriel Bernard1932 Princesse Nora FuggerLe dernier récit, celui de la princesse Fugger, amie de la soeur de Mary Vetsera, est pour la première fois publié en traduction française. Il n'était jusqu'ici accessible qu'en allemand et en traduction anglaise.
Luc-Henri Roger, Rodolphe. Les textes de Mayerling, BoD, 2020. En version papier ou ebook.
Commande en ligne chez l'éditeur, sur des sites comme la Fnac, le Furet du nord, Decitre, Amazon, etc. ou via votre libraire (ISBN 978-2-322-24137-8)

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