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Cameroun: le juge Sikati Kamwo II déchargé de l’affaire Martinez

Publié le 16 décembre 2023 par Tonton @supprimez

C’était dans l’air depuis plusieurs jours, c’est désormais officiel : le juge d’instruction militaire Sikati Kamwo II Florent Aimé vient d’être déchargé du dossier relatif à l’assassinat du journaliste Martinez Zogo.

La nouvelle est tombée comme un coup de tonnerre. Remplacé par le lieutenant-colonel Ndzie Pierrot Narcisse, également vice-président du tribunal militaire de Yaoundé, Sikati Kamwo paie sans doute les errements observés au début du mois de décembre.

Le 1er en effet, à la surprise générale, le magistrat avait signé des ordonnances de libération en faveur de deux suspects, le magnat des médias Amougou Belinga et son acolyte Eko Eko. Problème : l’enquête était loin d’être bouclée. Quelques heures plus tard, volte-face : le juge déclarait que ces documents n’étaient pas « authentiques« .

Pour beaucoup, cette valse-hésitation frôlait le ridicule. Un scénario rocambolesque dont l’opinion publique, meurtrie par le drame Martinez Zogo, se serait bien passée.

Car derrière ce micmac judiciaire se cachent probablement des manœuvres autrement plus sombres. La rumeur enflait ces derniers jours, colportant l’idée que le juge aurait cédé à des pressions ou même à la corruption. Des milliards auraient changé de main, émanant du cabinet civil de la présidence selon certains. Même si rien n’est prouvé, ce climat délétère entachait la crédibilité du système judiciaire camerounais.

Face à la pression de la société civile, le chef de l’État a donc tranché dans le vif en démettant Sikati Kamwo de l’affaire Zogo. Pour Alexandre Kumie, activiste des droits de l’Homme, « c’est une victoire importante arrachée par notre détermination. Nous resterons vigilants pour que justice soit faite« .

Le juge écarté, quant à lui, garde le silence. Sa passivité a de quoi surprendre et interroge. Comment un magistrat peut-il laisser planer un tel soupçon de faux en écriture publique sans réagir ? Doit-on y voir un aveu de faiblesse ou au contraire la certitude de bénéficier de protections en haut lieu ?

Quoiqu’il en soit, le lieutenant-colonel Ndzie a désormais la lourde tâche de reprendre l’enquête à zéro et de faire toute la lumière sur ce dossier sensible. Sa mission s’annonce délicate, sous les feux des projecteurs.

Car le meurtre atroce de Martinez Zogo a profondément marqué les esprits chez les Camerounais. Star du journalisme d’investigation, le directeur général de la station de radio privée Amplitude FM, basée à Yaoundé, et animateur vedette de l’émission quotidienne populaire, Embouteillage avait osé s’attaquer à des intérêts puissants, dénonçant corruption et malversations.

Son assassinat brutal le 17 janvier 2023 alors qu’il rentrait chez lui, a provoqué une onde de choc. On se souvient encore des milliers de personnes descendues dans les rues de Douala et Yaoundé pour lui rendre hommage.

Près d’un an après, l’émotion reste vive et la soif de vérité, intacte. D’autant que les zones d’ombre demeurent nombreuses sur les commanditaires et les circonstances exactes du meurtre. Certains évoquent l’implication d’officiels haut placés qui auraient voulu faire taire Martinez Zogo.

Le lieutenant-colonel Ndzie sait donc à quel point les attentes sont fortes autour de ce dossier. À lui désormais de mener l’enquête avec rigueur et indépendance, en restant sourd aux pressions comme aux sirènes de la corruption. Il en va de la crédibilité de la justice camerounaise.

Par Jean-Claude Mbia pour 237online.com


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