Magazine Culture

Le désert intérieur – Marie-Madeleine Davy

Par Moglug @Moglug
désert intérieur Marie-Madeleine Davy

Marie-Madeleine Davy, spécialiste de la mystique médiévale, part de l’affirmation que la vocation des hommes nouveaux se trouve dans le désert intérieur, autrement dit le « sanctuaire » de l’intériorité. Elle s’appuie, pour soutenir son propos, sur les écrits des Pères du Désert de Gaza. Elle s’attache ainsi à retracer la symbolique du désert dans l’histoire, et à situer l’homme par rapport à ce désert qui n’est pas seulement géographique. La solitude extérieur de l’ermite du désert est comparable à celle de l’ermite intérieur. L’homme moderne isolé dans des villes fourmillantes et un monde du travail déstructurant a, malgré tout, toujours accès au vaste espace du désert intérieur. Il redéfinit le sacré, trop souvent confondu avec le religieux, et apprend à le discerner dans une modernité désacralisée. Le désert intérieur, ainsi, peut s’opposer aux rituels et lieux de l’Eglise. L’idée est que la véritable demeure du sacré est au-dedans et qu’elle demande à être construite. « Seule l’intériorité rend libre » souligne M.-M. Davy page 40. Le poids de l’Histoire et les liens trop étroit entre l’Eglise et l’Etat pendant de nombreux siècles ont joué en défaveur d’une religiosité institutionnelle et externe. Pour entamer la découverte de son monde intérieur, l’homme nouveau se défait du passé et des intermédiaires entre Dieu et lui-même. De même, il se libère intérieurement du monde contemporain et de ses enjeux politico-sociaux.  

Le désert extérieur, le lieu d’ermitage, est comparable au désert intérieur dans le sens où les deux impliquent un retrait du monde, retrait géographique et retrait des pensées mondaines. Les deux engendrent une transformation de l’être humain, de sa psyché, de sa spiritualité. Le désert est paradoxalement un lieu de réconciliation et de contemplation de la beauté du monde. Il est mentionné depuis des siècles dans les écrits égyptien, grec, juif, chrétien. Marie-Madeleine Davy balaie ainsi les différentes traditions pour dresser un panorama historique du désert. De tout temps, ce lieu de renoncements et de purifications permet la Révélation ou la transformation de soi. Si le désert en lui-même n’enseigne rien, le passage par le désert permet à l’élève de découvrir son maître intérieur, son « Esprit Saint ». Le passage par le désert, qu’il soit intérieur ou extérieur, offre plusieurs sources d’enseignement : la migration, la pauvreté, la solitude, et l’esseulement. Chacun de ces éléments porte sa part d’ouverture à la Révélation.  

S’engager au désert ne signifie pas systématiquement atteindre le Mystère de Dieu. Les illusions et les erreurs de parcours sont nombreuses. Rares sont les véritables « enfants des mystères » tels que les qualifie M.-M. Davy dans sa quatrième partie. Il y a ceux qui s’approchent du mystère, il y a les initiés au-dedans, et enfin ceux qui connaissent les noces mystiques, certains saints. Le parcours est audacieux et semé d’embûches, mais promet le trésor de « la parfaite simplicité du cœur », « un état d’innocence ouvert à l’authenticité ».  

Ce livre relativement court est toutefois très dense et offre une très belle ouverture sur les perspectives de la spiritualité chrétienne contemporaine. 

***

Le désert intérieur – Marie-Madeleine Davy 
(Spiritualités vivantes) Albin Michel, 2022 
Première édition : 1983 

éé

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Moglug 307 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines