Anouche Kunth, historienne, chargée de recherche au CNRS, publie Au bord de l’effacement - Sur les pas d’exilés arméniens dans l’entre-deux guerres (éd. La Découverte). Elle y examine et dit les informations que portent les certificats administratifs qu’elle a trouvés dans les archives de l’OFPRA. En trois parties contenant un total de 32 chapitres, elle montre le travail d’une historienne face à de tels documents qui révèlent, s’il en était besoin, la violence de l’exil, ici dans le nom, là dans une rature, ou dans des points de suspension.
Dans un chapitre intitulé « des signes, des visages », elle donne son interprétation d’une oeuvre de Paul Klee, Zwei Gänge (Deux Passages) où elle voit « une figuration du temps — de ses strates, de son écoulement ».
« Cette impression tient d’abord à un art de la découpe, qui dispose les plans en alternance et marque ainsi un tempo, une cadence dont les intervalles sont accentués par la variation chromatique des noirs et des gris. Leurs accents se répondent, se relancent, puis soudain se taisent en blanc. Au centre de la toile, le regard est inexorablement entraîné vers une brèche de lumière, surgie des moments plus sombres qui l’ont précédée, auxquels elle est liée mais dont elle se détache pour marquer une impulsion nouvelle. Droit devant, s’ouvre un long passage : une troisième voie, inattendue mais espérée sans doute. L’esquisse d’un futur.
Sous le pinceau de Klee, l’eau mélangée aux pigments apporte fondu et transparence à cette architecture du rythme, où chaque séquence est imbibée d’une autre, mêlée aux nuances voisines. S’y développent des continuités par-delà les lignes anguleuses de la scansion chronologique. »
Elle poursuit cette réflexion à propos des photos d’identité paraissant sur les documents qu’elle a sous les yeux : « Les liaisons que la photo d’identité établit entre un temps révolu, un temps arrêté et un temps projeté en font un objet passionnant pour scruter l’individu au croisement de ses vies sociales. »
Anouche Kunth sera présente à la Librairie l'établi d’Alfortville le vendredi 2 février 2024.
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