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Un détail mineur, d'Adania Shibli, traduit de l'arabe par Stéphanie Dujols (éd. Actes Sud)

Publié le 02 février 2024 par Onarretetout

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Adania Shibli, écrivaine palestinienne, écrit Un détail mineur à partir d’une information publiée par le journal israélien Haaretz en 2003, révélant qu’en août 1949 des soldats ont tué un groupe de Bédouins du Néguev, un désert au sud d’Israel, capturant une fille survivante, la violant collectivement, puis la tuant et l’enterrant  dans ces dunes. L’état d’Israel a été créé en 1948. La période où cet événement a eu lieu est appelée Nakba (catastrophe) par les Palestiniens. Une Palestinienne, découvrant cet évènement et constatant qu’il s’est produit 25 ans jour pour jour avant sa naissance, décide d’enquêter pour tenter de donner la parole à cette jeune femme, victime du groupe de soldats.

La première partie du livre relate l’installation des soldats, leur quotidien et leurs recherches de Bédouins à tuer pour les éliminer d’une part et pour décourager ceux qui voudraient rester dans ce désert s’opposant de ce fait à la présence israélienne dans cette région. On est, dans cette première partie, avec le commandant, n’y voyant que ce qu’il voyait, n’entendant que ce qu’il entendait. Obsédé par son hygiène et, dès la première nuit, piqué par une bête qu’il n’identifie pas mais dont la morsure va provoquer des malaises de plus en plus invalidants. Son autre obsession est de trouver des Bédouins ; il les trouve, les tue et la troupe revient avec une fille et un chien. Cette partie du roman est écrite à la troisième personne du singulier, froidement, jour après jour.

La deuxième partie est écrite à la première personne du singulier. C’est la jeune Palestinienne qui, près de 70 ans plus tard, va partir en quête de l’histoire, à l’aide de deux cartes de la région, une carte israélienne et une carte d’avant 1948. Elle voudrait trouver des éléments qui lui permettent de redonner la parole à la jeune morte de 1949. Cette enquête lui fait traverser des espaces où des villages palestiniens ont été détruits, rencontrer des colons dont aucun ne semble avoir entendu parler de cette chasse aux Bédouins (qu’elle ne cite pas). Tout se passe comme si ce qui est à l’oeuvre dans cette région est l’effacement du passé, comme si, avant 1948, il n’y avait rien. Et l’armée, les checkpoints, les barrages semblent là pour cette seule raison : il n’y a rien à voir, à savoir.

Dans les deux parties, un chien aboie et une odeur d’essence remplit l’atmosphère : cela persiste.

Le livre est court (125 pages) mais ne peut pas être lu d’une traite tant l’écriture saisit les lecteur.ices. Une écriture dont l’écrivaine semble extérieure laissant les personnages face à leur histoire et nous faisant approcher presque sans intermédiaire ce que vivent depuis trois quarts de siècle les peuples du Moyen-Orient.


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