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Blanc autour

Par Belzaran

Titre : Blanc autour
Scénariste : Wilfrid Lupano
Dessinateur : Stéphane Fert
Parution : Novembre 2020


Blanc autour est un ouvrage au titre mystérieux accompagné d’une jolie couverture proposant un groupe de femmes se déplaçant face au vent sous un ciel blanc immaculé. Cette première impression favorable est rapidement confirmée par la présence au scénario de Wilfrid Lupano, gage de qualité. En effet, depuis ma rencontre avec son travail dans Le Singe de Hartlepool je suis tombé sous le charme de beaucoup de ses productions. Ce talentueux auteur est ici accompagné au dessin par la plume de Stéphane Fert dont je découvre le travail à cette occasion.

L’école comme sanctuaire.

La quatrième de couverture présente les enjeux narratifs avec les mots suivants : « En 1832, près de Boston, une charmante et pittoresque petite école pour jeunes filles accueille une vingtaine de pensionnaires. Éduquer les filles, c’est un peu ridicule et inutile, pense-t-on alors dans région. Mais somme toute pas bien méchant. Jusqu’au jour où la charmante école annonce qu’elle accueillera désormais des jeunes filles… noires. Trente ans avant l’abolition de l’esclavage, les quelques quinze jeunes élèves de l’école Crandall vont être accueillies par une vague d’hostilité d’une ampleur insensée. L’Amérique blanche a peur de certains de ses enfants. »

Les premières pages nous font découvrir une jeune fille qui plonge un bout de bois dans l’eau. Elle remarque alors que le bâton semble cassé. Ne se contentant pas de faire ce constat, elle veut comprendre. Comment ? Pourquoi ? Elle a soif de connaissance ! Sa chance sera de trouver chez Mademoiselle Crandall une oreille attentive à ses interrogations au point que cette dernière l’intègrera dans la salle de classe qu’elle anime. Cette décision s’avèrera être le premier mouvement d’un engrenage qui va chambouler la communauté de manière assez forte.

L’histoire se construit principalement autour du personnage de l’enseignante et du groupe formé par ses élèves. Du fait de l’obscurantisme de la société, elles se trouvent isolées et en danger. Pourquoi ? Par volonté d’apprendre. Mademoiselle Crandall est une héroïne charismatique. Elle possède à la fois une force impressionnante pour défendre ses principes et une dimension protectrice et douce à l’égard de ses élèves. Elle incarne incontestablement un superbe personnage de bandes dessinées. De leur côté, les jeunes filles sont attachantes. Elles possèdent chacune leur personnalité et développent immédiatement de l’empathie à leur égard. Leur situation est rude mais elles sont courageuses et persévérantes. Les inquiétudes quant à leur devenir habitent chacune des pages et génèrent ainsi une lecture captivante et prenante.

Le scénario propose deux espaces distincts à tout point de vue. Le premier est l’école. Les élèves y sont protégées et épanouies. C’est le lieu des apprentissages et de la bienveillance. Le second englobe tous les membres de la communauté extérieure à l’établissement scolaire. Les habitants de la ville représentent une menace pour les jeunes filles par leurs postures et leurs propos. Leur haine de l’inconnu, leur refus de toute évolution, leurs peurs du changement… Tous ses sentiments génèrent un vrai malaise lorsque les héroïnes sont en-dehors des murs de leur « sanctuaire ». Le travail d’écriture et d’illustration subliment cette opposition et développe une richesse sensorielle dans la lecture très intéressante.

L’histoire se déroule au XVIIIe siècle. Elle s’inscrit dans son époque. La ségrégation raciale est au centre des enjeux. La force et le courage de ces personnes qui veulent changer le monde en le faisant évoluer est remarquablement transcrit. Voir cette enseignante s’opposer aux carcans de son temps pour défendre ses convictions humanistes est touchant. D’ailleurs, les auteurs proposent une postface décrivant le devenir de certaines protagonistes. Ces informations enrichissent la lecture et intensifient l’émotion générée.

Le travail d’illustration de Stéphane Fert offre une jolie identité graphique à la lecture. J’ai été particulièrement sensible au travail mené sur les couleurs. Je manque de connaissance artistique pour arriver à les décrire de manière précise mais je peux vous dire qu’elle participe activement à sublimer les planches de l’album. Dans le même ordre d’idée, le trait original du dessinateur accentue l’intensité de la lecture et est un apport certain à la force du propos.

Vous l’aurez compris, j’ai pris énormément de plaisir à lire Blanc autour. L’histoire est passionnante. La lecture est intense. La dramaturgie de l’ensemble m’a captivé et l’atmosphère dégagée par l’ouvrage m’a habité quelques temps une fois le bouquin refermé. Je ne peux donc qu’en conseiller la découverte à tous. Le voyage est passionnant et ne laisse pas indemne…


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