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Poèmes pour Marie, de Jacques Probst

Publié le 10 avril 2024 par Francisrichard @francisrichard
Poèmes pour Marie, de Jacques Probst

Les poèmes pour Marie ont été écrits sur des coins de nuits pour celle de mes douze filles qui a quarante ans aujourd'hui, précise l'auteur, en date du 4 février 2015, sur la page de garde. Ils sont donc son cadeau d'anniversaire.

Dans son introduction poétique, d'ailleurs, il se demande s'il n'aurait peut-être pas mieux valu qu'il lui offre des fleurs, seulement l'hiver n'en est pas la saison et elle seule en est une. Toutefois, prévoyant et pratique, il conclut:

Si ce qui suit n'est pas à ton goût,

aucune importance:

tout ça est accompagné d'un bon d'échange.

Le recueil comprend d'autres poèmes. Ils figurent dans les premières pages et sous les titres de Prologue 1 et Prologue 2. Mais le lecteur comprend en les découvrant que ces autres poèmes et ceux pour Marie en fait se répondent. 

Car les thèmes du recueil sont, en filigrane, l'âge et la fin de vie. Dans l'un des premiers poèmes, le poète évoque ainsi la dernière sonate pour piano de Schubert, la D960, en si bémol majeur, et la courte existence du musicien:

qui n'avait pas pour lui un endroit,

une place à la surface de la Terre,

ou, de place, une petite pour peu de temps

mais beaucoup de musique.

Le titre des Poèmes pour Marie n'est pas celui du livre. Le poète l'a intitulé Le dernier des Cherokees. Comment ne pas y voir un clin d'oeil fait au roman de James Fenimore Cooper consacré à une autre tribu amérindienne?

Le dernier des Cherokees, c'est lui, bien sûr, que l'anniversaire des quarante ans de Marie ne rajeunit pas et qui, en un poème, qu'il oppose aux vents d'hiver, répète, lucide, comme une antienne: Je suis un vieil homme maintenant.

L'hiver est la saison du froid et de la mort. Le poète est en harmonie avec elle. Ton feu est mort, se dit-il à lui-même dans un sonnet d'hiver, intitulé Feu froid, où la neige elle-même prend, semble-t-il, une couleur de circonstance:

Cendre grise que la neige, jours gris

après nuits grises, recouvre et te recouvre aussi,

Toi bientôt mort de froid, je crois.

Il a peut-être eu raison d'évoquer au début du recueil la possibilité d'un échange par bon, sans que l'on sache ce qui pourrait bien en tenir lieu. Le fait est qu'il n'est guère tendre avec lui-même et que cela pourrait déplaire à sa fille:

Je deviens de plus en plus vieil homme,

Vieux con qui n'écoute plus personne,

Ou seulement des oiseaux sur mon chemin

Parce qu'ils ont des ailes et s'envolent et s'en vont loin.

Le lecteur bienveillant hésite entre le prendre au mot ou voir dans ses autoportraits de l'autodérision, une manière de conjurer le temps qui passe, ou encore un appel à le contredire - ce qu'il cherche peut-être - parce qu'il en fait trop: 

Je suis un vieil homme chevrotant maintenant

Pas encore tout à fait sourd

Pas encore tout à fait aveugle

Mais aveugle et sourd tout à fait

Ça viendra, ça viendra.

En attendant cette décrépitude hypothétique, il se montre beaucoup plus crédible quand, au bout de son introspection poétique, dans le poème Enfance, il fait un aveu incontestable - s'il en était besoin ce recueil en apporte la preuve:

Maintenant vraiment vieillissant

Je ne retombe pas en enfance

comme on dit souvent des vieilles gens

car qu'un enfant, je n'ai pas su vivre autrement.

À cinq ou six ans, j'étais déjà un enfant

qui apprenait alors à lire

mais quand je serai grand

j'apprendrai peut-être à écrire...

Francis Richard

Poèmes pour Marie, Jacques Probst, 48 pages, Bernard Campiche Editeur


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