Magazine Cinéma

[Critique] La bête de Bertrand Bonello

Par Mespetitesvues
[Critique] bête Bertrand Bonello

Synopsis officiel - Dans un futur proche où règne l'intelligence artificielle, les émotions humaines sont devenues une menace. Pour s'en débarrasser, Gabrielle (Léa Seydoux) doit purifier son ADN en replongeant dans ses vies antérieures. Elle y retrouve Louis (George Mackay), son grand amour. Mais une peur l'envahit, le pressentiment qu'une catastrophe se prépare.

En salle au Québec - 19 avril 2024.

Critique en bref - Coproduit par la compagnie québécoise Sons of Manual (Xavier Dolan et Nancy Grant), est une adaptation libre de la nouvelle " La Bête dans la jungle " publiée par l'auteur américain naturalisé britannique Henry James en 1903. Campé durant trois périodes distinctes (1910, 2014 et 2044) et se déployant sur 2 heures 30, ce dixième long métrage de Bertrand Bonello est sans aucun doute une oeuvre phare qui fera date dans la filmographie déjà remarquable de son inclassable réalisateur. Avec ses retours en arrière, ses sauts en avant et ses multiples thèmes, c'est un film doté d'une ambition formelle et narrative assez exceptionnelle, qui ne se retrouve pas souvent dans le cinéma français contemporain.

Plongeant à corps perdu dans le romanesque, le réalisateur de Saint Laurent et Zombi Child revient sur des thèmes qui lui sont chers. Évoluant autant sur les tropes complexes du suspense dystopique, ou ceux, plus connus, du film à costumes, du film d'horreur ou du mélodrame, Bonello et ses coscénaristes évoquent plusieurs thèmes de l'heure - un peu pêle-mêle - tels que la déception sentimentale, les relations troublées, les réseaux sociaux, les 'incels', les technologies qui vident nos vies, etc. Le futur qu'ils imaginent est sombre, déserté, déshumanisé et glaçant, tandis que le passé qu'il réinventent est chaleureux, doté de beaux décors et de robes amples et majestueuses. Seule constante entre les époques, la terreur exercée par une fin de monde imminente qui empêche les êtres de s'épanouir pleinement. En 1910, cette crainte se matérialise dans les importantes crues de la Seine, tandis qu'en 2014, c'est le Big One californien qui menace la population.

La mise en abyme de la fabrication d'un plan sur fond d'écran vert, les changements de cadrages, les références à plusieurs cinéastes connus, La bête est indéniablement une vibrante célébration du cinéma. Les dialogues finement élaborés sont porteurs de répliques porteuses, genre " ça rend vivant l'angoisse ", " le risque un risque c'est beau ", ou " il y a de belles choses dans le chaos "...

En somme, une oeuvre aussi complexe qu'accomplie. Un objet aussi vivant que déroutant, qui aurait pu être parfait s'il n'avait pas été aussi théorique, aussi stylisé. Froid, mélancolique et parfois abscons La bête satisfait surtout l'intellect. Un comble pour un film qui parle avant tout de déception amoureuse....


Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazines