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Tournoi des candidats 2024. La sensation Gukesh, la confirmation chinoise.

Publié le 22 avril 2024 par Tarswelder

 Les tournois des candidats et des candidates se sont terminés ce dimanche à Toronto. La physionomie des deux compétitions a été complètement différente, avec également des résultats différents. Chez les hommes, peu de gens pensaient réellement que Gukesh Dommaraju allait devancer les favoris américains et russe.

 FIDE Candidates 2024: All set for the chess tournament of the year in  Toronto

 Candidats "open". La sensation Gukesh.

Avec 9 points sur 14, Gukesh (Inde, 17 ans) s'est imposé. Il a réussi à arracher la première place dans les deux dernières rondes. En tête avec Ian Nepomniachtchi, il bat le Français Firouzja à la 13e ronde et prend seul la tête du tournoi. Derrière, le trio américano-russe suit à un demi-point : Nakamura, Caruana et "Nepo". La dernière ronde offrait le scénario rêvé : les quatre premiers s'affrontent entre eux.

Avec les Noirs contre Nakamura, Gukesh choisit une ouverture solide pour faire nulle. Nakamura n'est pas arrivé à prendre un avantage significatif et la partie s'est soldée par la nulle ; s'il avait gagné, l'Américain aurait éliminé Gukesh. Entre Caruana et Nepomniachtchi, c'était plus tendu. L'Américain a eu sa chance : gagner pour rejoindre Gukesh et disputer un barrage contre l'Indien. Mais il n'a pas trouvé le gain et après une partie de plus de 100 coups, il s'est résolu à proposer la nulle. D'ailleurs, Caruana et Nepo avaient l'air désabusés.

Voici le classement final

 

 Gukesh n'était pas favori : il était même 6e Elo du tournoi. Il gagne 20 points et se retrouvera 6e mondial, 1 point devant le champion du monde Ding Liren (2763 contre 2762), loin derrière Carlsen (2830), Caruana (2808) et Nakamura (2794).

Pour Caruana, le tournoi des candidats est frustrant : il est favori des 5 derniers mais n'a gagné qu'une fois (en 2018). Malgré un bilan positif, l'Américain n'a pas démontré qu'il pouvait redevenir challenger. Avec lui, c'est une année sur deux d'excellente mais jamais la bonne pour les candidats !

Hikaru Nakamaru aurait pu lui aussi gagner les candidats : 5 victoires comme Gukesh mais il perd les deux parties contre Vidit, le deuxième Indien. Le train semble aussi être passé pour le roi des streams échiquéens.

Ian Nepomniachtchi n'a pas réalisé un mauvais tournoi sur le plan comptable : 12 points Elo gagnés. Mais le contenu est plutôt décevant : invaincu, il n'a gagné que 3 parties dont deux sur des gaffes de l'adversaire. Nepo joue vite, met la pression sur la pendule, renforcé par une énorme préparation des ouvertures. Mais il n'est pas toujours précis et son jeu manque d'énergie pour aller plus loin dans la pression. 

Ce trio de trentenaires a semble-t-il manqué d'un peu d'énergie, un petit quelque chose en tout cas pour gagner face au jeune Gukesh, qui a été solide contre eux (6 nulles).

Dernier des trois indiens et le plus jeune des candidats, Praggnanandhaa n'a pas démérité et finit avec 50% des points. Un bon tournoi. Vidit, avec 6/14 n'a pas non plus été mauvais même si son jeu a manqué de constance. Il a joué un rôle décisif dans le classement final : 0/2 contre Nepo, 2/2 contre Nakamura et une défaite 0.5-1.5 contre Gukesh. Entre Indiens, on ne s'est pas fait de cadeaux.

Facteur X du tournoi, Alireza Firouzja a vite déchanté. Le Français gaffe contre Nepo dès la deuxième ronde et c'est le début de la descente en enfer. Démoralisé, il se refait même en plein tournoi, lors du jour de repose, dans des tournois en blitz sur internet. Il cherche à gagner à tout prix, n'importe comment alors qu'il n'est plus en condition psychologique de bien jouer. Au final, 5/14, 20 points et 10 places de perdues (il est 16e). D'autre part, des déclarations de son père disent qu'il pourrait arrêter les échecs. Vrai ou faux ? Il y a un vrai problème psychologique qui freine la progression de Firouzja -qui a encore pas mal de lacunes à ce niveau-.

Terminons par Abasov. Largement distancé au Elo, l'Azerbaïdjanais s'était donné comme mission de ne pas perdre et de faire nulle le plus souvent possible, d'autant plus qu'il était malade en début de tournoi. Avec 7 nulles et 7 défaites (Nepo et Vidit ont été les seuls à ne pas le battre), il a fait de la figuration.

Gukesh devient à 17 ans le plus jeune challenger pour le titre mondial. Il affrontera le champion du monde, le Chinois Ding Liren. Où ? On l'ignore. Quand ? On l'ignore aussi. Ainsi va la FIDE. Le match sera intéressant car il oppose un jeune loup à un tenant du titre qui traverse une crise de surmenage (vous savez le fameux "burn-out" qu'on croit avoir découvert ?) depuis le Covid.

 Chez les femmes. L'Empire du milieu reste au centre de l'échiquier.


 On attendant un match Chine-Russie et c'est ce qu'on a eu. Enfin pendant une partie du tournoi. En effet, les Chinoises Tan et Lei étaient au coude à coude avec les Russes Goryachkina et Lagno. Mais au final, Tan a gagné la course d'usure avec 1,5 point d'avance sur Lei et ... les deux joueuses indiennes, Koneru et Vaishali (la soeur de Praggnanandhaa), qui ont fini en force (Après avoir perdu 4 parties de suite, Vaishali finit par 5 victoires). Les deux Russes ont craqué sur la fin (2,5/7) : Lagno perd la partie décisive contre Tan alors qu'elle pouvait prendre un gros avantage. Elle finit sous les 50% par une défaite contre Vaishali.

Dans ce tournoi, l'Ukrainienne Anna Muzychuk a souffert et n'a pas pesé dans la course. La jeune Bulgare Salimova n'a pas été non plus dans la bagarre mais avec 5,5/14, elle a plutôt bien tenu son rang, elle qui découvre le plus haut niveau.

Ainsi Tan Zonghyi redevient challenger de Ju Wenjun, 6 ans après leur match. C'est donc encore une affaire chinoise qui montre que le monde des échecs a basculé vers l'Orient. Les Occidentaux étaient absents chez les femmes et chez les hommes, aucun candidat n'est né en Europe occidentale et centrale ;  Nepomniachtchi est né en Europe (en tout en Russie européenne) et Abasov est né à Bakou, on est aux marges du Vieux continent. D'ailleurs, pour la première fois de l'histoire, le championnat du monde mixte opposera deux joueurs dont aucun n'est né en Europe, ou dans un pays européen (si on inclut l'URSS et la Russie dedans).

Particularité du tournoi. Les prix ont été équivalents chez les hommes et les femmes mais la cadence n'était pas la même.

 


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