A la poussette

J’ai possédé un moulin. Un bel objet en bois avec un tiroir pour recueillir la mouture. En guise d’héritage j’eusse préféré un vieux moulin prés d’un cours d’eau en Charente ou quelque part en France histoire que cette famille possédât un peu de terre mais je n’étais propriétaire que de cet objet. Bref, un jour m’a traversé l’esprit l’idée saugrenue entre toutes de le démonter. Sans doute parce que le café avait un goût bizarre. J’accédai assez vite aux entrailles de la bête: un engrenage simple avec un couple conique afin de transmettre le mouvement rotatif produit par la manivelle. Le grain était broyé à l’ancienne sans électronique ni électricité. Moulu au pif jamais avec la même densité, le café produit était chaque fois différent dans cette Bodrum à piston où l’on compresse lentement la mouture inondée par l’eau frémissante. Cette mécanique simple me rappelait le cardan de la XJ 900 que mon frangin avait un peu froissé en sortant très optimiste à Montussan sur la route de Libourne. Un droite qui resserre, sortie 9 « faisait » gaffe les amis, ça passe à un gros 50 mais faut mettre de la gite. La Yam était restée un moment dans la  remise du jardin le cardan impudiquement exposé en attendant des pièces. Avant celles-là, ma dernière curiosité mécanique c’était le démontage du Solex paternel à 10 ans. « Après la culasse, j’arrête! » Autre idée saugrenue qui me traversa l’esprit puisque rien n’y faisait obstacle dans mon crâne vide. Mon père m’a demandé le soir si j’avais touché à son engin car après s’être épuisé à la poussette comme Sarron* qui foirait tous ses départs à cause de cette procédure, son Sobar refusait de démarrer. Je ne me souviens plus comment je m’étais tiré de ce mauvais pas mais je me souvenais très bien des quatre rondelles en trop que j’avais disposées entre la culasse et le cylindre. Guy Coulon aurait identifié le malaise juste en se penchant pour constater l’espace par où se barrait la compression. Mais je ne suis pas Guy Coulon. De plus qu’avec ma taille je pouvais voir cette espace à hauteur de mes yeux sans me pencher.Bref et ce moulin?Bin, en le démontant j’ai trouvé le grain qui avait incité Magellan à faire le tour du monde:c’était du poivre!Mon moulin en héritage était un moulin à poivre. Et j’avais inventé le café au poivreMouille-toi la nuque elle est froide-Paris 2024* seuls Bruno Gillet ou Michel Bidault auront la réf mébon