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[Critique] A Quiet Girl de Adrian Wills

Par Mespetitesvues
[Critique] Quiet Girl Adrian Wills

Synopsis officiel: Dans Une fille tranquille, le cinéaste montréalais Adrian Wills s'engage à dénouer, devant la caméra et en temps réel, le mystère entourant l'histoire complexe de son adoption à Terre-Neuve. Encouragé par un mince indice sur son document d'adoption, il amorce un périple de deux ans qui le mènera de la beauté sauvage de l'extrême-est du Canada à la chaleur rougeoyante de l'Arizona. Ce qu'il déterre lui fait saisir le sens du mot " famille ", alors qu'il découvre d'inquiétants parallèles entre sa vie et celle de la mère biologique qu'il n'a jamais connue.

Mon avis: Le cinéaste canadien Adrian Wills est né à Terre-Neuve en 1973, mais a grandi dans une famille d'accueil à Montréal. Il n'a jamais connu sa mère. Il y a quelques années, il entreprend A Quiet Girl (Une fille tranquille) afin de documenter sa quête pour retrouver cette femme dont il ne possède que quelques bribes d'information et à propos de laquelle il découvrira plus tard qu'elle était une " fille tranquille " qui parlait peu et ne faisait pas de vagues.

Après avoir connu le succès grâce à plusieurs documentaires liés au Cirque du soleil, Wills se tourne vers un récit plus intime et plus risqué, tant sur le plan narratif que cinématographique. Pour un cinéaste embarqué dans un projet aussi intime, le défi est de savoir créer une relation forte avec le spectateur en lui fournissant une histoire dans laquelle il puisse s'incarner lui aussi.

Beaucoup s'y sont cassé les dents en restant trop collés à leur sujet, rendu hermétique par leur incapacité à créer des ponts avec ceux et celles qui les regardent. La grande réussite de Wills est justement d'avoir su créer, très tôt dans le film, ce lien de complicité, de confiance avec son auditoire. D'abord en déroulant l'écheveau de ses découvertes à la manière d'une enquête policière, avec suspense, surprises et rebondissements à la clé. Et ensuite, en densifiant - sans doute bien malgré lui - l'aura de mystère entourant l'absente protagoniste.

Celle qui se prénommait Mary Margaret et qui vécut une vie semble-t-il assez pénible jusqu'à sa disparition tragique en 1997, se dévoile au fil des maigres indices glanés ça et là, à travers les témoignages d'amis et de proches, et par le biais des documents obtenus, certains largement caviardés. Wills découvre ainsi tout un pan de l'histoire de sa mère, beaucoup plus troublant que ce que laisse prétendre ce statut réducteur de " fille tranquille ". De fait, il en apprend aussi beaucoup sur sa propre personnalité. Établissant des liens entre l'invisible et le visible, le passé et le présent, il s'interroge sur ce qu'il est devenu et sur ce qu'il aurait pu être si la vie avait tourné autrement.

Promenant sa caméra des côtes venteuses de Terre-Neuve aux déserts arides de l'Arizona et utilisant les différents panoramas comme autant d'espaces mentaux qui se parlent, Wills fait un voyage dans la mémoire familiale avant que celle-ci disparaisse à tout jamais. Il visite des contrées intangibles, les siennes, celles de sa mère, et nous fait découvrir toute l'étendue de la complexité et la fragilité des liens familiaux. Au passage, le cinéaste déterre des questions universelles tout à fait captivantes sur l'impossibilité de vivre sans connaître ses racines, sur notre éphémérité, ou encore sur les apparences souvent trompeuses de ce que nous sommes réellement.

Utilisant à bon escient les films de familles, les archives photo, les selfies, et les prises de vue en 16mm, A Quiet Girl se démarque par ses qualités formelles et la fluidité de son récit. C'est une oeuvre délicate, profondément mélancolique et pudique, qui, au-delà du portrait individuel, rend un hommage à toutes celles qui ont elles aussi dû laisser leur enfant et qui ont peut-être souffert toute leur vie de cet abandon.

En VOD sur le site de l'ONF.

Générique: Long-métrage documentaire, 2023 | 86 min - Réalisation et scénario: Adrian Wills - Production: Annette Clarke - Montage: Heidi Haines - Direction de la photographie: Van Royko - Musique originale: Tim Baker


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