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Garcia en son Royaume

Publié le 29 avril 2024 par Morduedetheatre @_MDT_
Garcia Royaume

Critique de Royan, la professeure de français, de Marie Ndiaye, vue le 17 avril 2024 au Théâtre de Paris
Avec Nicole Garcia, mise en scène par Frédéric Bélier-Garcia

J’avais déjà hésité, à la création. Nicole Garcia, quand même, mais ce résumé, cette ambiance, cette morosité qui semble émaner du titre même du spectacle. S’il faut un certain mood pour pouvoir recevoir ce genre de spectacle, je n’étais clairement pas dans le bon, et pourtant.

Et oui, il y a des spectacles plus faciles à recevoir que d’autres. En se dirigeant vers Royan, on se doute bien que ce ne sera pas le plein soleil. Et pour cause, c’est dans un hall d’immeuble que se déroule le spectacle. Le hall d’immeuble de Gabrielle, professeure de français, dont l’une des élèves s’est suicidée il y a peu. Alors qu’elle s’apprêtait à rentrer chez elle, elle sent que les parents de la jeune fille l’attendent là-haut. Elle ne veut pas les voir, avoir à exprimer sa compassion ou à donner des explications. Alors elle reste là et elle pense.

J’ai eu un léger doute, au début. Les premiers mots sont étrangement hésitants. Disons-le carrément : ils sonnent faux. Que je ne sois pas dans les bonnes dispositions pour le spectacle passe encore, mais si Nicole Garcia elle-même est à côté, on ne va pas s’en sortir. Mais non. C’est l’affaire de quelques minutes. Et soudain elle rentre littéralement dans son histoire. Et soudain le plateau, qui semblait si grand pour elle, se remplit d’elle, de ses mots, de son souffle. Et soudain on ne voit plus le vide autour d’elle. On ne voit plus qu’elle.

Nicole Garcia a un atout précieux pour un monologue. Elle a une voix. Une magnifique voix de théâtre. Une voix dont elle sait user. Une maîtrise absolue de chacune de ses intonations. Elle nous donne a entendre un flot de paroles qui évoque le rythme des pensées. Ce n’est pas qu’un monologue. C’est un monologue intérieur. C’est un rythme, c’est une tonalité, c’est un grave qui soudain surprend comme un brusque virage qui nous emmène dans une autre émotion. Et le flot de pensées revient. On entend les rouages, les liens qui se font, on voit se dessiner devant ses yeux les souvenirs qu’elle ramène à la vie.

Nicole Garcia a un deuxième atout précieux pour un monologue. Elle a un bon matériau. Un texte bien fichu, fluide, théâtral. Un texte qui parvient à maintenir l’attention pendant 1h20 en faisant coexister le récit et le suspens. Un texte qui prend le temps de dessiner vraiment les contours de son personnage. Un texte qui s’appuie sur une langue riche, à la fois poétique et très concret, qui évoque avec beaucoup de lucidité ce que peut être le quotidien d’une salle de classe. Et on se dit si parfois c’est déjà délicat pour nous d’écouter ça, c’était peut-être mieux que notre personnage ne monte pas à l’étage ce soir-là.

Garcia Royaume

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