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Duvert

Publié le 23 août 2008 par Karedig @Karedig_GA
 

 
En lisant Le Monde, j'apprend tristement le décès de Tony Duvert.
Dans les années 70 ses romans et ses essais, vifs, sans concession, mordants et jubilatoires m'avaient profondément marqué. Son engagement homosexuel, provocateur et brillant me donnait de la force. Je lui en était reconnaissant et plusieurs fois, en vain, j'ai cherché à le rencontrer (à l'époque nous habitions la même ville). Son dernier roman "L'île atlantique" est paru en 1979 (adapté depuis au cinéma en 2003), puis ce fût un long silence. Dix ans plus tard, paru "l'Abécédaire malveillant", recueil raté d'aphorismes, dernier soubresaut avant le silence absolu. Et puis l'oubli.
Parce qu'il fût un écrivain reconnu et récompensé (prix Médicis 1973), la presse publie une nécro. Reste le tabou : en une demi-page dans Le Monde, le romancier Jean-Noël Pancrazi, ne parle que "d'un homme qui aimait les hommes" en réussissant le tour de force de ne pas dire tout à fait clairement ce qui parcourait tous les écrits de Duvert ; Libé et Le Figaro reprennent sobrement la formule de l'AFP : "l'écrivain, âgé de 63 ans, s'était fait un nom dans les années 1970 par ses écrits prônant le droit des enfants à disposer de leur corps pour leur sexualité", ce que la Nouvelle République du Centre Ouest explicite : "en clair, il fait l'apologie de la pédophile".
L'engagement de Duvert et certaines de ses prises de position sur l'enfance ne se comprennent que dans le contexte des années 70 et des débats qui traversaient le mouvement homosexuel. A relire aujourd'hui certains passages, on se demande quel éditeur pourrait désormais publier des écrits aussi sulfureux... Le nécrologue de la Nouvelle République résume assez bien les choses en concluant : Tony Duvert a été retrouvé mort hier, après s'être isolé des années pour sa vision incompatible avec la moralité du vingt-et-unième siècle. «Je dédie ce souvenir aux salauds qui me prêchent aujourd'hui le "respect" du mineur. Moralistes borgnes, je l'ai été ce mineur, et je l'ai subit, ce respect.» (Extrait de «L'Enfant au masculin», essai, 1980)
 
Tony Duvert est édité aux Editions de Minuit.
 

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