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Comme la vie continue...

Publié le 16 août 2008 par Bababe

Voilà quelques commentaires et des images d'un pique-nique terni seulement par des tournesols décapités.

Après s’être servie de coques de pistaches en guise de cauris pour "lire" l’avenir (Pourquoi pas ?), la voilà en train de cueillir de la lavande. Curieux non ? C’est en France que les mains de ATD ne maniant auparavent que les souris des ordinateurs, se rappelèrent qu'en caressant la farine de mil dans une calebasse d'ébène, elles pouvaient la transformer en coucous du Fuuta. (pardon, tierré wolof)

M’en prenant au contre jour qui rendait les photos « trop noires », je fus surprise par cette réplique de ATD : « noire et fière de l’être ! ». Je ne me sens pas fière d’être noire, blanche ou verte, aussi cette réponse me gêna, car elle ne correspondait point à ma pensée.

Une occasion pour le cousin de ATD - portant le même patronyme - de s ‘exclamer sur un ton solennel « Seydi DEM ! C’est vrai qu'elle n’a jamais été tentée par ces crèmes qu’on met pour s’éclaircir la peau. Même durant tout le temps qu’elle était étudiante au Sénégal ! ». Il persista tellement dans ses éloges qu’il déclencha cette réflexion : « C’est pour éviter d’avoir une femme qui s’éclaircit la peau que tu t’en es cherché une qui l'est déjà naturellement, et qui ne risque pas de faire du "xeesal"? ». Des rires fusèrent.

Là voilà, celle qui n’a pas besoin de s’éclaircir la peau. C’est AS. Elle parle avec des expressions peules raffinées, qui coulent de source. Du haut de sa vingtaine d’années, elle a plus d'un dicton dans son danga (besace). Même si ce jour là, c’est N’Diaye M. qui en portait un autour du cou. Personne n'échappe à ses expressions pleines d'humour et tout le monde goûte ses formules poétiques. Elle est un véritable puits de proverbes riches qu’elle distille avec humour. C’est ainsi que j’en ai retenu un : « sa forti koide a werti jungo, dokal ma heewata.. » (Si tu ne fais qu’étaler tes jambes et tendre la main, limite tes besoins). Les chasseurs de patrimoine en voie de disparition pourraient s’alimenter auprès d'elle. Mais ce jour là, le seul chercheur qui semblait s’inquièter pour la disparition de ce patrimoine, etait un étudiant en chimie pharmaceutique.

Pendant que les intellos lançaient un débat sur le patrimoine culturel et sur la politique, je proposais une balade dans les champs. On apprendra que le débat fut riche sans jamais être passionné, malgré l’actualité sous tension, mais nous n’avons pas regretté notre petite évasion.

A.S racontait comment sa maman l’avait arrachée de l’école pour lui apprendre les tâches ménagères et l’extraire d’un milieu ou garçons et filles se côtoyaient. Cela malgré l’intervention du directeur de son école, et son gros chagrin, elle qui aimait tant l’école.

C’est à cet instant qu’une dame magrébine me demanda, avec une douceur qui se reflètait aussi sur son visage, de bien vouloir parler à des enfants en train de massacrer un champ de tournesols. Elle a tenté de les arrêter sans succès. La hargne des enfants contre les tournesols était si démesurée que je les hélais, le plus sauvagement possible, pour qu’ils m’entendent.

Les distinguant mieux, je compris alors pourquoi la dame avait sollicité mon aide.

Les enfants prirent le temps de me dévisager, puis détalèrent.

A la vue des dégâts qu’ils avaient causés, je les poursuivais, oubliant qu’on n’était pas dans un de ces endroits où tout adulte peut se permettre d’infliger une correction à un enfant qui « dévie du bon chemin».. J’aurais voulu me transformer en vieille du village et avec ma liane de kelli, rosser ces enfants des séries télé violentes qu’on n’a pas le droit de taper ici. La course ne dura pas longtemps. Ayant moins de kilos et d’années à traîner que moi, leurs jambes agiles creusèrent la distance entre nous..

Je regrettai aussitôt de les avoir fait fuir car il aurait peut-être mieux valu que je leur fasse une leçon pour qu’ils ne recommencent pas. Ou pire ! Et aussitôt le spectre des adultes pervers de toutes sortes se pointa. Peut être bien qu’ils avaient commencé avec des actes aussi anodins avant qu’ils en arrivent à séquestrer, violer et même planter des couteaux sur des gamins.

Mais à la vitesse avec laquelle les enfants décapitaient les tournesols, il était difficile de se contenir.

Dire qu’il y a deux jours une amie tenait délicatement ces fleurs-soleil et me faisait humer leur parfum discret. Ah que de contrastes chez les êtres que nous sommes !

Quand plus tard je suis repassée à côté du champ des tournesols, ils avaient tous la tête baissée vers le sol comme les jeunes filles peules pudiques d’antan, emplies de gêne pour un oui ou un non.

Si quelqu’un devait baisser la tête, ça ne devrait pas être eux.

Sauf si ce n’est pour nous signifier que dans cette époque où on se plaît de plus en plus à offenser et blesser les innocents, il n’y a plus que les tournesols pour baisser la tête.

Dianga Ba


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