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Quand les moches deviennent des héroïnes...

Publié le 23 mars 2008 par Madelaine
La laideur a toujours été la caractéristique du mal, de la fourberie, de l'hypocrisie, de la jalousie, de la traîtrise. Chez une femme, c'est un sacrilège, une insulte à l'humanité, un manquement à son devoir de femme. Un stigmate de sa mauvaise nature, une punition divine pour avertir les autres qu'ils ont à faire à un être vil, la conséquence d'une vie mal menée. La femme laide, c'est une créature maléfique de la mythologie grecque, c'est une sorcière, une prostituée, une belle mère acariâtre. Perçue comme un châtiment pour mauvaise conduite, la laideur se mérite, c'est la conséquence d'une mauvaise action.
Sa place dans la littérature en était assez limitée, mais c'est vrai que l’image de la femme ne supportait pas de nuance, ou c'était un monstre ou bien une princesse de conte de fée. Un modèle de vertu, belle comme le jour ou une dévergondée, poilue et infirme.
En même temps qu'on a arrêté de croire aux sorcières, la femme laide a arrêté de faire peur. Elle ne suscite plus de mépris mais de la pitié. Ce n'est plus la marque d'une justice divine mais d'une injustice de la nature. Un manque de bol, une croix à porter. Elle est devenue une pauvre fille, condamnée au rôle de faire valoir, la moche de service, son existence n'émeut pas et n'intéresse personne
Une femme moche, même si ce n'est pas de sa faute n'a rien de grandiose, ne vaut pas qu'on se déplace pour elle et doit faire preuve d'une grande gentillesse et d'une grande intelligence pour qu'on l'écoute (parler de la jolie fille!).
Construire une histoire autour d'une femme moche, en faire son héroïne, lui attribuer un autre intérêt que celui de la pauvre petite qui vit par procuration, c'est une révolution!
Elles ne sont pas légion dans la littérature française (Antigone d’Anouilh, « la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans sa famille », Thérèse Desqueyroux qui bien qu’ayant tenté d’empoisonner son mari, n’en reste pas moins une victime des conventions bourgeoises).
Un peu plus représentée au cinéma, la femme moche reste bien souvent un personnage comique dont on se moque volontiers de ses déboires amoureux (Nuit d’ivresse avec Josiane Balasko, Ma vie est un enfer toujours avec Josiane Balasko, et Muriel, tête de Turc Officielle, Sur Mes Lèvres, un film avec Emmanuelle Devos, on échappe à la caricature de la fille un peu gauche).
Dans les séries TV, on se souvient de Tori Spelling dans Sauvés Par Le Gong, petite amie de Skreech, aussi sexy que lui avec son rire de porcelet, elle ne fait que de petites apparitions, complètement négligeable!
Et puis il y a le personnage de Betty la fea (comprendre Betty la moche), véritable phénomène de la Télévision Colombienne, cette série a été adapté dans plus de 70 pays.
Cette jeune femme, laide avec son appareil dentaire, ses lunettes double foyers, ses vêtements de grand-mère et ses kilos superflues, est engagée dans un grand magazine féminin de mode pour recadrer le rédacteur en chef qui avait l’habitude de coucher avec toutes ses assistantes!
Bien sur, au début on ne sort pas des clichés, elle est timide, maladroite (elle se casse la figure un nombre incroyable de fois) elle est méprisée par les autres femmes du journal et moquée par les hommes.
Ce qui est surprenant, c’est que Betty fait front, elle ne part pas en courant chez elle pour manger devant la télévision, elle travaille dure. Elle s’impose au fur et à mesure des épisodes, sans céder à la tentation de faire un régime ou demander les conseils d’un styliste. Elle s’assume, consciente du décalage entre elle et les autres filles, elle n’a pas honte et garde son sourire, elle n’a même pas l’idée d’être jalouse!
Dans un milieu dominé par l’apparence, elle réussi à se faire respecter pour elle, ses compétences, sa gentillesse, son travail.
Un vrai bouleversement pour l’image de la femme!

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