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Zeljko Peratovic est un journaliste cr

Publié le 30 août 2008 par Hrvatska

Zeljko Peratovic est un journaliste croate indépendant qui avait été brièvement arrêté en 2007 pour avoir divulgué sur son blog de prétendues informations classées secret d'Etat. Si je ne me trompe, il s'agit d'un cas unique en Europe d'arrestation d'un journaliste pour avoir été trop bavard de la sorte. La cause la plus probable est qu'il s'agit d'une bourde de la police croate, qui ne savait pas très bien de quoi s'occuper ce jour-là. Peratovic avait d'ailleurs été relâché dès le lendemain et aucune tête n'est jamais tombée en raison de cette affaire, qui semble-t-il n'a pas laissé beaucoup de traces ni de cicatrices.

A l'époque, j'avais écrit plusieurs notes à propos de cette histoire sur mon propre blog du "Courrier Internatinal". Ce blog n'existe plus mais en surfant sur la toîle je suis tombé sur mes anciens écrits concernant Peratovic qu'il a lui-même récupérés. La preuve ici.

Ayant cliqué, vous verrez qu'il remercie un certain "Nabucho", le pseudonyme que j'utilisais alors.

Plus bas apparaissent les notes d'une blogueuse tchèque, qui avait également relaté l'affaire sur son propre blog du "Courrier International".

Enfin, encore un peu plus bas apparaît Nicholas Sarkozy, qui apparemment traîne sa dégaine un peu partout.

***

Dans le texte que je présente ci-dessous (une traduction d'une interview donnée par Peratovic), il est peu probable que le lecteur qui n'est pas familiarisé avec la politique croate y comprenne grand chose. C'est pourquoi j'ai dû rajouter un minimum de notes explicatives. Même ainsi, il n'est pas certain que cela suffise.

Alors contentons-nous de dire d'emblée que Peratovic, qui est par ailleurs un journaliste généralement considéré bien informé, se rattache malheureusement un peu trop au courant conspirationiste. En effet, selon sa thèse, grossièrement résumée, les services de sûreté de l'ex-Yougoslavie (l'UDBA) auraient muté mais seraient toujours actifs en Croatie, et ils constitueraient le noeud central de toute cette corruption qui prolifère dans le pays. Personnellement je n'y crois pas beaucoup, même si certains éléments épars de cette ancienne police secrète yougoslave ont certainement survécu de la sorte.

A mon avis, les raisons qui font que la société croate n'avance guère et reste engluée dans la corruption sont beaucoup plus complexes et ne peuvent pas se résumer à la thèse proposée par Z. Peratovic. Il n'en reste pas moins un personnage intéressant et courageux (en particulier lorsqu'il est le seul à pointer le doigt sur le Parquet et Mladen Bajic). D'où cette traduction sur sa vision des choses :

Peratovic : Qui souhaite le pouvoir politique doit être corrompu, et en cela les agents de l'UDBA sont les meilleurs

Sur une terrasse d'été nous avons rencontré Zeljko Peratovic, un journaliste indépendant et le blogueur politique croate le plus puissant. Après les événements tumultueux, lorsque notre interlocuteur avait atterri en prison pour avoir révélé de soi-disant secrets d'Etat, la situation s'est calmée ces derniers mois. Peut-être est-ce justement Peratovic qui en a retiré le plus grand profit car il a durablement attiré l'attention de l'opinion publique sur sa personne.

En analysant son blog, de même que ses textes journalistiques dans différents médias croates, c'est sa vision ultra pessimiste de la société croate en tant que profondément corrompue et indissolublement liée à la criminalité qui apparaît typique. Les politiciens et les partis politiques, les institutions étatiques, les services secrets, les barons économiques, les criminels et mafiosi, tous s'entremêlent chez Peratovic en un nid orwellien, dans lequel les protagonistes perdent toute trace discernable. Tous se ressemblent, que ce soit par la mentalité ou la morale, et pour actionner et relier tout cela seuls restent l'argent et le pouvoir.

Moj Portal : Il est inhabituel de trouver un journaliste qui critique en même temps des politiciens aussi divers, en allant de Gojko Susak [1] à Stjepan Mesic. Existe-t-il pour vous des différences, voit-on là une orientation politique de droite et de gauche ?

Peratovic : Cela n'existe pas. La chose m'avait emballé dans les années 90, lorsque j'avais imaginé que nous étions devenus une société démocratique sur le modèle de l'Occident. Tous les principaux partis politiques flirtent avec toutes les idéologies, si bien qu'ils se poussent au centre. Nous ne sommes pas encore une société politique, mais plutôt dans une phase pré-politique, et envers le principal problème que sont la corruption et la criminalité tous se comportent de la même façon.

MP : Il n'existe donc pas de toutes grosses différences entre ces politiciens ? Par exemple, de quel milieu politique Mesic est-il issu ? De quels cercles émane Gojko Susak ?

Peratovic : Certains croient que c'est le même milieu, mais je ne peux pas l'affirmer. En définitive, tous les deux sont du HDZ [la Communauté démocratique croate, N.d.T.] Certains ont attesté que le groupe de Susak était également lié à l'UDBA. Ainsi Tudjman fut le premier des dissidents à avoir obtenu un passeport et à avoir pu voyager à l'étranger. Eux l'avaient chargé de façonner la Croatie selon leur modèle et d'y inclure l'Herzégovine.

MP : Peut-on tout mettre à ce point sur un même pied, aussi bien l'immigration que les agents de l'UDBA ? N'avez-vous pas un peu exagéré ? Bruno Busic [2] serait alors un agent de l'UDBA et il se serait lui-même assassiné ?

Peratovic : Il n'y a pas de véritable gauche et droite. Le problème réside dans la poursuite des crimes. Lorsqu'un beau jour les crimes de l'UDBA auront fait l'objet d'un procès, des changements se produiront dans la conscience de la droite. Ainsi viendront à disparaître les frustrations parmi ce qu'on appelle la droite, mais tous tendent en réalité à la même chose.

MP : Bon, admettons le point de vue radical que tous soient identiques et reliés. Qui tire alors les ficelles ? Qui, indépendamment des politiciens en vue, décide de tout ?

Peratovic : Ce que j'essaie d'expliquer et de révéler n'est pas une théorie classique de la conspiration qui possède un centre de pouvoir que personne ne voit et qui possède ses intérêts. Tout simplement il est advenu que lorsque la Croatie a été créée, le HDZ a été rejoint par nombre d'agents de l'UDBA, qui avaient réalisé que la Yougoslavie se décomposait. Ils détenaient le plus important - l'information, et ils ont donc commencé à investir dans le nationalisme. Il leur fallait sauver leur peau, et ils ont investi dans de nouveaux patrons. C'est ainsi que rien ne leur est arrivé. Pendant la guerre seul un agent de l'UDBA a été tué, et c'est Marko Bezer. Ce chef de l'UDBA à Osijek, plus tard membre du Comité exécutif du Parti à Zagreb, a été tué à Jakusevac en 1991. L'UDBA n'est pas un service de sûreté de l'Etat ayant eu son siège à Belgrade, la chose n'était pas centralisée à ce point. Ici interviennent divers groupes économiques, y compris des sphères d'intérêt mafieuses.

MP : Et que sont alors les partis politiques ?

Peratovic : La société avait été criminalisée dès avant la guerre. Le Procureur de la République Mladen Bajic a reçu l'appui de tous au Parlement. Son prédécesseur avait été remplacé parce qu'il avait encore trop voulu parler de la corruption dans les partis politiques. Même Djapic [3] s'est prononcé en faveur de Bajic. Les principales structures sont corrompues. Qui souhaite le pouvoir politique doit être corrompu. L'alignement est nécessaire, les contre services. Quant aux structures qui étaient liées à l'UDBA, ou la criminalité, ce sont elles qui nagent le mieux là-dedans car c'est le principe sur lequel elle fonctionnait. Ces quelques milliers d'employés dans l'UDBA avaient facilement contrôlé jusqu'aux plus hauts politiciens, avant tout en lançant des inculpations d'une part et de l'autre au moyen d'avantages. C'est comme ça que les politiciens se font mutuellement chanter, ainsi, par exemple, Sanader et Mesic ne vont pas jusqu'au bout l'un contre l'autre. Il n'y a pas d'épilogue ni une seule affaire. Quelqu'un joue un peu des coudes, embranche une affaire, on mesure les rapports de force, on fait de nouveaux arrangements, et après cela on laisse tout tomber. La place centrale qui permet tout cela est le Parquet.

MP : Pouvons-nous fourrer dans la même sarabande le journalisme ?

Peratovic : Oui.

MP : Faites-vous alors également partie de cette oligarchie corrompue ?

Peratovic : Non.

MP : Dans cette vision à ce point pessimiste où s'arrêtent les conglomérats opportunistes et pragmatiques dénués de tout idéal ? Où commence la sphère d'influence des cercles académiques, des diverses associations de la société civile, d'individus éminents ?

Peratovic : La criminalité se tient en quasi contact avec l'Europe. C'est ainsi par exemple qu'il en a été avec Nikica Jelavic, qui a été jugé et libéré et qui possède maintenant une maison de deux millions d'euros à Pantovcak. Il a récemment terminé en prison en Slovénie en raison d'un mandat d'arrêt en Allemagne. Dans un contexte réel avec l'Europe réelle les choses vont fortement changer.

MP : A l'Ouest les théoriciens pessimistes du complot estiment aussi que certains lobbies tirent les ficelles dans l'ombre. Partant des mafias jusqu'aux compagnies multinationales toutes puissantes, là non plus il n'y a rien d'autre que leurs propres intérêts. Comment nos sauveurs sont-ils alors ?

Peratovic : Il n'existe pas de société idéale, mais les gens dans ces pays sont néanmoins plus sensibles à la corruption, la criminalité n'est pas à ce point étendue. Chez nous il n'existe aucune responsabilité, les élections ne changent rien. Il y a eu un surplus de voix sur les listes et personne au sein des partis n'a réagi. Les élections ne sont-elles pas décidées d'avance ?

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[1] Gojko Susak (16 avril 1945 - 3 mai 1998) fut un politicien croate nationaliste, ministre de la Défense de 1991 à 1998, ainsi qu'un proche associé de Franjo Tudjman.

[2] Ante Bruno Busic (6 octobre 1939 - 16 octobre 1978) était un écrivain croate et un détracteur de la Yougoslavie communiste. Il a été assassiné à Paris le 16 octobre 1978 par l'UDBA.

[3] Anto Djapic est l'actuel dirigeant du HSP (le Parti croate du droit), un parti d'extrême droite.

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Source : Mojportal.hr, le 30 août 2008.


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