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L’échelle du temps

Publié le 03 septembre 2008 par Dunia

Vilain coup de vieux

J’ai fait la connaissance d’un jeune homme ambitieux, passionné de cinéma, plein de projets d’avenir. Un joli lifting pour ma désabusée personne en perte d’illusions. Nous avons eu une intéressante conversation sur le cinéma américain. Notamment sur la teinte des nouveaux films, qu’il juge trop bleue, trop dure, à cause de la numérisation. Accoudé à la table du bistrot, devant un sage coca, enthousiaste il s’extasiait sur la couleur jaune des vieux films. L’ancienne cinéphile que je suis, revoyait mentalement défiler des scènes de Fenêtre sur cour, de Cabaret, d’Easy Rider, du Parrain, ou de On achève bien les chevaux. Je planais à me remémorer des extraits du cinéma que j’aime, quand tout à coup mon chirurgien plasticien de l’intellect m’a asséné le méchant coup de scalpel, celui qui transforme le lifting rajeunissant en odieux masque de grand brûlé.

-Dans les années 90, quand on tournait encore sur pellicule, la couleur était différente. Plus chaude.

J’ai failli en avaler le chewing-gum qu’auparavant je mâchouillais avec nonchalance! QUOI! Les années 90 c’est vieux? J’ai soudainement eu l’impression d’être un dinosaure! Pour ma part les années 90 c’était hier or, cinématographiquement parlant, je n’en garde aucun souvenir. Les films américains que j’ai aimé cette décennie là, se résument à deux: Thelma et Louise et Pulp fiction. Il doit bien en avoir une douzaine d’autres à mon goût, mais on ne peut pas dire qu’il m’aient laissé un souvenir impérissable. Peut-être parce qu’en cette période j’ai cessé d’aller au cinéma, devenu soudainement trop cher à ma bourse, pour regarder les films en vidéo ou DVD, technologies moins impactantes pour l’esprit que le grand écran. De plus, je trouve que, depuis les années 90, les scénarii de la plupart des films américains à gros budget sont devenus merdeux. Ce ne sont plus le scénariste ou le réalisateur qui écrivent le film, c’est le public, et le public veut des Happy End. Détestable. Je ne souhaite pas forcément des fins malheureuses, mais une conclusion en accord avec le reste de l’histoire, c’est ce qui fait la force d’une pièce de théâtre ou d’un film. Si Shakespeare avait terminé Roméo et Juliette par “ils marièrent et eurent beaucoup d’enfants”, cette pièce et son auteur auraient passé dans les trappes de l’histoire.

Ma soirée d’hier m’a amené à réfléchir une fois de plus sur le temps, cette chose relative qui dans le fond n’existe pas, que l’on s’acharne pourtant à mesurer, et dont l’échelle change suivant notre âge, qui on est, ou ce qu’on est. Pour ce jeune homme, vieux ce sont les années 90, pour moi ce sont les années 30-40, pour l’oliver c’est le moyen-âge, pour la montagne 35′000 ans et pour le papillon trois semaines.

Je m’arrête. Aujourd’hui je n’ai guère la tête à vous imposer de la philo à deux sous. Je préfère me faire plaisir en honorant l’instructive rencontre avec un garçon de 22 ans, amateur de Kubrick et de cinéma d’anticipation, en diffusant la bande-annonce de “l’antique” et génial film anglais Orange mécanique.


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