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Gretel : Michel Landaret apporte ses précisions

Publié le 11 mars 2007 par Olivier Roumieux

Ecran de minitel« Décidément ce minitel laissera des souvenirs .... »
Contacté par nos soins, Michel Landaret a eu la gentillesse d'apporter un certain nombre de précisions quant à la création involontaire du premier service de messagerie sur Minitel, un détournement que nous évoquions dans notre précédent billet : « L'origine cachée du minitel rose ».
Les deux sources que nous utilisions dans ce billet auraient quelque peu « romancé » son témoignage, selon les dires de celui qui était à l'époque responsable de Gretel, un des premiers services minitel à l'initiative des Dernières Nouvelles d'Alsace.

nombreuses tentatives de piratage

« Nous avions effectivement mis en place des moyens automatiques de détecter les difficultés d'usage du minitel par les utilisateurs, et ajouté une fonction nous permettant de leur adresser "live" un message et leur permettant de répondre ; c'est cette fonction qui a été "piratée" et "détournée".
Il y a eu de nombreuses tentatives de "piratage" du système, poursuit Michel Landaret. Ces tentatives visaient à trouver les moyens d'accès "réservés", vu l'encombrement de l'accès général. Nous avons beaucoup appris de ces tentatives, dont il faut souligner qu'aucune n'avait de but destructeur. Ainsi, un utilisateur plutôt jeune a découvert le mot de passe protégeant le programme de messagerie interactive initial, et a commencé à le répandre et à l'utiliser. Le succès a été tel que ce programme a vite rencontré des limites. Nous avons dû améliorer d'abord la performance en tant que telle (rappel : les processeurs de l'époque utilisaient des fréquences d'horloge de 2-10 Mhz, au mieux, avec des tailles mémoire de 64Ko ... et des disques durs de 64 Mo ; c'était il y a moins de 25 ans). »

90% du trafic

En revanche, et c'est bien malheureux pour la légende, Michel Landaret remet en cause l'existence de Big Panther, le pseudo du pirate : « Qui a inventé ce nom-là??? Le pirate en question n'avait pas de nom en messagerie, il n'y avait pas de messagerie quand il a opéré ; et même plus tard... il n'y a jamais eu de "big panther" ».
Insistons sur le fait que le fameux pirate n'a rien reprogrammé ni détruit dans le système : il s'est « contenté » de découvrir le mot de passe permettant de s'approprier des fonctions jusque-là réservées, comme les fonctions interactives constitutives du service de messagerie.
Un service qui, une fois rendu accessible à l'ensemble des utilisateurs, a reçu un accueil enthousiaste et représenté « quasiment immédiatement 90% du trafic. »
« Puis, nous avons ajouté des fonctionnalités : les annuaires de boîtes aux lettres, les répondeurs en absence, les forums, les pseudos multiples et masqués, la certification d'identité, les CV, les dazibaos (une sorte d'hybride entre messagerie et forum, une messagerie publique en quelque sorte). Plus les fonctions évoluaient, plus le succès s'affirmait. »

72 heures sans décrocher

Pour preuve de cet engouement, Michel Landaret nous livre quelques statistiques significatives :
« - taux d'utilisation des modems en 1982 : 23h 02 / 24h (ceci signifie que le système était entièrement saturé 23h/24) ;
- durée moyenne d'une communication : 1h 02 ;
- temps moyen d'attente pour avoir accès au système, mesuré à 21h : 1h 10 minutes !!! (ce qui en clair veut dire que l'usager, à cette heure, composait le même numéro de téléphone pendant plus d'une heure pour obtenir une connexion à la messagerie ... ; à elle seule, cette valeur donne une idée de l'engouement) ;
- record de la plus longue connexion sans coupure : 72 heures !!! ;
- record du plus fort trafic mensuel réalisé en un mois par un seul utilisateur : 520 heures !! (sur 720 heures dans un mois ... oui, il dormait peu ; son pseudo était *Isis 33* ;
- record de la plus grosse facture bimensuelle France-Télécom : 225 000 francs en 1982 (il faut dire que l'appel était réalisé par le téléphone - commuté - et que l'usager appelait d'un autre département à une époque où le tarif interdépartemental était de quelque 220 francs par heure. Malgré tout ... plus de 500 heures par mois ...)
Compte tenu de la fiabilité chancelante des ordinateurs de l'époque, et de l'acharnement des usagers, cette période a été un véritable cauchemar pour les concepteurs de Gretel, nous n'avons même plus essayé de tenir le compte des appels de nuit sur notre numéro privé, avec le pompon : Noël 1982, 2h 20 du matin ...
Notez et j'y tiens : c'était très convivial et pas du tout "rose" ... et pas cher : 4 francs de l'heure environ, compte tenu du coût des réseaux à cette époque, c'était donné ; le premier pseudonyme vaguement qualifiable de rose est apparu en 1983, c'était "Peggy la cochonne" ... on en sourit aujourd'hui. Et il y a eu un véritable scandale en 1987 quand un usager a pris le pseudo de "Gay-toubib".
Une autre époque, c'est sûr ... »


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