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Les déferlantes; Claudie Gallay

Par Sylvielectures
Les déferlantes; Claudie GallayEt bien oui, j'ai lu "Les déferlantes" dans mon bout du monde, et j'ai fini par être emportée, comme la majorité des lecteurs et lectrices dont j'ai lu les billets sur la blogobulle.Je dis" j'ai fini par être emportée" parce qu'au début, je me suis posée des questions... L'ambiance très particulière de ce roman ne m'a pas plu dès les premières lignes : trop lourde, trop glauque, trop triste... Un brin pesant tout ça... Ces vagues effrayantes, cet océan violent et dangereux, ce petit village peuplé d'êtres étranges et mortellement enfermés dans une solitude que rien ne semble pouvoir entamer, agissaient un peu en repoussoir...
«Sous la violence, les vagues noires s'emmêlaient comme des corps. C'étaient des murs d'eau qui étaient charriés, poussés en avant, je les voyais arriver, la peur au ventre, des murs qui s'écrasaient contre les rochers et venaient s'effondrer sous mes fenêtres. Ces vagues, les déferlantes. Je les ai aimées. Elles m'ont fait peur
Mais peu à peu, j'ai été harponnée par l'intrigue superbement construite et je me suis attachée aux personnages extraordinairement singuliers, au point de ne pas pouvoir lâcher ces quelques 500 pages.
Nous assistons à un long et lent cheminement de deux personnes qui se rencontrent, s'attirent et finiront par accepter de s'aimer et de dire oui à la vie.
Pour arriver à ce dénouement heureux, il aura fallu qu'ils aillent jusqu'au bout de leur souffrance, qu'ils fouillent loin dans les ressacs de leurs deuils respectifs.
Lambert vient vendre la maison familiale, celle où un matin on est venu lui annoncer la mort de ses parents et la disparition de son petit frère en mer. Mais il ne croit pas à la version officielle de l'accident. Il croit dur comme fer que le gardien du phare l'a éteint et il lui en veut depuis 20 ans.
La narratrice, qui n'a pas de prénom, est venue se réfugier dans cette pointe de terre désolée et assaillie par la mer pour tenter de vivre avec le deuil qui l'habite toute entière. Son amant est mort de maladie et elle a tout quitté pour s'installer à La Hague.
Ils vont se rencontrer, et la narratrice va se prendre dans les filets de l'histoire de Lambert et tenter d'en dénouer les nœuds.
Secrets, mensonges et lâchetés, vont petit à petit accepter de revenir à la surface, et nous découvriront la face cachée des êtres qui vivent là, repliés sur eux mêmes et sur leur mal-être pétris de culpabilité et de non-dits.
C'est un livre dense, fort et très sombre dans lequel danse la petite lumière douce du fantôme de Prévert qui s'est aussi retiré dans ce coin...
Le phare et son gardien en sont les personnages clés.
Les déferlantes; Claudie Gallay
Les déferlantes; Claudie GallayPhotos prises dans "Le gardien du phare aime trop les oiseaux; Jacques Prévert, Jacqueline Duhême, Gallimard, (Folio Benjamin)

Le gardien du phare aime trop les oiseaux
Des oiseaux par milliers
volent vers les feux
par milliers ils tombent
par milliers ils se cognent
par milliers aveuglés
par milliers assommés
par milliers
ils meurent
Le gardien ne peut supporter
des choses pareilles
les oiseaux
il les aime trop
alors il dit
Tant pis je m'en fou !
Et il éteint tout
au loin
un cargo fait naufrage
un cargo
venant des îles
un cargo
chargé d'oiseaux
des milliers d'oiseaux des îles
des milliers
d'oiseaux noyés.
"Je me souviens du jour où j'ai fait ça pour la première fois. Il a souri doucement.- J'ai éteint quelques minutes... Après, j'ai pris l'habitude. Je faisais ça quand j'étais seul... Dès que je rallumais, il s'en écrasait d'autres. La pointe du couteau laissait des marques dans le bois de la table. J'entendais le bruit de la lame qui s'enfonçait.- Je ne voyais pas les oiseaux que je sauvais, seulement ceux qui s'écrasaient...Il a levé les yeux sur moi.- C'était du double vitrage. J'avais les images, les corps, les plumes, le sang. J'avais tout ça, mais pas le son. Il a tenté un autre sourire.- On se serait cru dans un film muet. Les oiseaux étaient attirés par la lumière, aveuglés par elle. Ils volaient avec la mort au bout. Ils surgissaient de la nuit, ils battaient des ailes, cherchaient un espace. Les plus chanceux se brisaient contre la vitre sans rien comprendre."
De belles critiques de Claudie Ferniot sur Lire : fret d'Alexandra Morardet sur Arte.TV,
Le Scribe écrit sur Initiales.org : "Que le nombre de pages (528) ne vous rebute pas. Le livre est très aéré - les scènes sont brèves (quelques pages), les phrases courtes, le style limpide, l’écriture fort belle – et le plaisir de lecture permanent et vif. Mais ne le dévorez pas gloutonnement. Lisez-le lentement, il le mérite."
et Poivre D'âne ceci : "De rebondissements en révélations, la narratrice nous promène à La Hague, d’un personnage à l’autre, d’un secret à une parole murmurée dans un beau roman, fin et sensible, sensuel et mystérieux"Gaëlle a été "envoûtée",
Moustafette, bouleversée : " Plus de cinq cents pages où j'ai souvent cru me perdre tant ce texte génère une sorte d'ivresse des profondeurs"
C'est une très belle découverte pour Marie,
Calamity Jane a beaucoup aimé aussi,tout comme Bellesahi, Fauvette, feekabossee, Leiloona, Arnivi, JEA,Gambadou,modérateur,
Un très beau billet de Cathulu : " Une remontée vers la lumière, non pas fulgurante, mais pas à pas , où les personnages marchent tous vers leur destin,s'extraient ou non de la gangue de pierre qui les emprisonne, apprennent ou non à marcher à deux".
"C'est une histoire qui nous absorbe et nous recrache, quelques 500 pages plus loin... Même pas mal, par contre j'ai été profondément sonnée", nous dit Clarabel,
Pour Romain, Librairie des Danaïdes, "Il y a une musique dans cette histoire, comme le ressac de la mer. Une écriture qui va et qui revient et on se sent emporté."

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