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Le scandale du véhicule blindé refusé aux chasseurs alpins partant en Afghanistan

Publié le 05 septembre 2008 par Torapamavoa Torapamavoa Nicolas @torapamavoa
Le dossier est extrêmement sensible. Brûlant même. Il suscite, dans l'armée de terre en général et dans l'infanterie en particulier, des réactions indignées, même si elles demeurent encore discrètes.

Le dossier est extrêmement sensible. Brûlant même. Il suscite, dans l'armée de terre en général et dans l'infanterie en particulier, des réactions indignées, même si elles demeurent encore discrètes. Cette affaire concerne l'achat d'un petit véhicule blindé à chenilles moderne, relativement bon marché au regard des prix habituels des armements (environ un million d'euros pièce), et surtout parfaitement approprié pour les conditions du combat en montagne. Cet engin que les Français appellent le VBHM (véhicule blindé à haute mobilité) est original car composé de deux unités distinctes et articulées, l'une à l'avant pouvant transporter cinq combattants, et l'autre à l'arrière, vers lequel la transmission peut être basculée.

Il serait bien meilleur, à tout le moins, que le véhicule de l'avant blindé (VAB 4x4) mal adapté aux routes défoncées d'Afghanistan, et incapable de se mouvoir en tout-terrain escarpé. Ce qui oblige les fantassins à sortir trop tôt de leurs VAB lorsqu'ils doivent crapahuter en dehors des routes. Ce fut le cas lors de l'embuscade d'Uzbeen, le 18 août dernier. Un officier précise : "Cet engin offrirait une excellente sécurité pour les personnels, en nous affranchissant du passage par routes ou des pistes en mauvais état... Quand un VAB verse dans un ravin, le VBHM passe." "La DGA nous a mis tous les bâtons possibles dans les roues" Deux entreprises fabriquent de tels engins. Les Suédois d'Hägglunnds, filiale de BAE Sytems, produisent le fin du fin en la matière, et viennent de sortir le BVS 10 Viking , nouvelle version de leur BV 206 vendu dans ses différentes modèles à 4.000 exemplaires dans le monde. Son nouveau blindage résiste à des tirs de mitrailleuses de 7,62 mm, et à des éclats d'obus d'artillerie. Il possède un "tourelleau téléopéré", qui permet éventuellement au servant de sa mitrailleuse de bord de tirer en demeurant protégé. Tous les officiers de l'armée de terre que nous avons interrogés considèrent que cet équipement serait aussi indispensable pour les troupes françaises présentes en Afghanistan que pour les troupes britanniques qui disposent sur place de cet engin .
La seconde entreprise produisant un équipement du même ordre est la société singapourienne Singapore Technology Kinetics, fabricant le modèle Bronco . "Il ne s'agit que d'une pâle copie, moins chère il est vrai", assène un expert français. Les chiffres sont précis, et l'armée de terre estime que pour équiper un GTIA (groupement tactique interarmes) complet en Afghanistan, il lui faut une centaine de véhicules. Selon nos informations, cette demande a été présentée explicitement par le commandement des forces terrestres, basé à Lille. L'armée française dispose d'une version ancienne de cet engin, le BV 206S.
À 11 exemplaires exactement, tous affectés au 7e bataillon de chasseurs alpins de Bourg-St-Maurice. C'est une autre unité, le 27e BCA d'Annecy, qui partira en Afghanistan fin novembre. Avec huit des engins de leurs camarades du "7", les trois derniers restant en France pour l'entraînement. "Cette affaire est un véritable scandale, s'offusque un officier d'état-major. La DGA (Délégation générale pour l'armement) nous a mis tous les bâtons possibles dans les roues, a combattu par tous les moyens imaginables cette acquisition. Au gré des arbitrages budgétaires, elle a eu gain de cause à l'état-major des armées." "Supprimons un Rafale et achetons ces engins en urgence !" Depuis le début des années 2000, tous les chefs d'état-major de l'armée de terre successifs se sont battu pour obtenir l'acquisition de ce matériel, afin d'en équiper deux types d'unités.
Les troupes de montagne, "car l'hiver dans la neige, il n'y a pas photo, ça passe où rien d'autre ne peut avancer. Sous la neige, les alpins partant en Afghanistan veulent aller n'importe où, visiter des villages difficilement accessibles, assurer la présence", dit un officier d'infanterie. Qui rappelle en souriant que lors de sa dernière visite au plateau des Glières, Nicolas Sarkozy a dû être transporté à bord d'un engin de ce type pour pouvoir atteindre le mât des couleurs...
Les troupes amphibies de la 9e brigade légère de marine et de la 6e brigade légère blindée veulent aussi bénéficier des atouts de cette machine, qui possède des qualités "nautiques" lui permettant de franchir des rivières, voire de débarquer d'un navire en bord de plage. Ce refus par la DGA d'acheter ces véhicules avait suivi des procédures pourtant réglementaires de l'armée de terre, qui souhaitait au départ acquérir 192 VBHM. En réalité, la colère de l'armée de terre vise un important cadre de la DGA, qui a aujourd'hui quitté l'établissement : "Contre notre demande sensée et réfléchie d'équipements nécessaires à nos soldats en Afghanistan, il a chipoté, cassé les pieds à tout le monde, posé des tas de questions pour finalement nous dire que nous n'avions pas besoin de cet armement, en convainquant l'état-major des armées", fulmine cet officier d'état-major qui ne décolère pas.
Il y a quelques semaines, devant la dégradation palbable de la situation en Afghanistan, l'armée de terre a finalement arraché une révision du dossier. Mais les technocrates n'allaient pas s'avouer vaincus aussi facilement, et ils ont imposé que l'état-major "exprime une nouvelle définition du besoin, et revoie ses ambitions à la baisse", explique un spécialiste. Résultat : l'armée de terre a effectivement réduit sa demande d'un tiers pour ne plus demander que les 129 exemplaires qu'elle estime nécessaires de toute urgence pour l'Afghanistan. En laissant entendre qu'elle sait déjà que l'engin correspondant à ses besoins est le BVS 10 Viking.
Sauf qu'en recevant un ordre ministériel de lancer l'acquisition, la DGA aurait compris, selon un de ses interlocuteurs : "On lance une consultation technique pour évaluer les deux matériels disponibles. Et quand on l'aura décidé, si tout va bien, on discutera vers 2010 avec le fournisseur que nous aurons choisi. Ensuite, il faudra que les chaînes de fabrication tournent." C'est peu dire que les fantassins sont furieux. Un officier général possédant pourtant le calme des vieilles troupes a déclaré au Point.fr : "Cette affaire est typique. Le besoin est indiscutable, cohérent. Supprimons un Rafale et achetons ces engins en urgence ! Si nous les avions, cela pourrait sans doute sauver des soldats qui vont se faire tuer...
Mais hélas, l'état-major des armées n'est pas sensible à ce type de besoin. C'est complètement con !". Le 2 septembre dans la journée, nous avons sollicité les points de vue de la DGA et de l'état-major des armées sur ce dossier. Aucune réponse ne nous était parvenue le 5 septembre en début de matinée.

source:le point



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