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Homélie pour les funérailles de ma maman (Germaine Stappers)

Publié le 08 septembre 2008 par Walterman

Homélie pour les funérailles de ma maman (Germaine Stappers)

Quand un être cher vient à mourir, ce que nous faisons spontanément, et à juste titre, c'est évoquer le souvenir des évènements les plus marquants, les plus chargés d'émotion, que nous avons pu vivre avec le défunt. Les premier chrétiens l'ont certainement fait pour Jésus et pour les apôtres. Nous l'avons fait aussi pour maman, en pensant spécialement aux derniers mois de ses quatre-vingts ans sur la terre.
Aujourd'hui, la Parole de Dieu nous invite pourtant à faire un exercice d'un autre style. Le Seigneur, en effet nous propose de regarder, non pas en arrière, mais en avant. Cet exercice-là, nous ne le faisons pas naturellement. Il ne peut être que l'effet de la grâce de Dieu en nous.
Cela suppose tout d'abord que nous ayons la foi, et que nous croyions à la résurrection et à la vie éternelle, comme nous l'affirmons dans notre profession de foi baptismale. Non ! La mort n'est pas la fin de tout. Ce n'est pas un arrêt de la vie. C'est plutôt le commencement de la vraie vie, de la vie en plénitude. Quelles perspectives cette assurance ne nous offre-t-elle pas ? Mais aussi : dans quelle mesure cette pensée occupe-t-elle notre esprit ? C'est pourtant cette perspective qui donne un sens au passé et à nos souvenirs. Saint Paul l'affirme avec vigueur :
"Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes." (1 Co 15, 19)
Permettez-moi de traduire en langage concret ce que saint Paul nous dit ici. Nous tous qui avons connu maman plus ou moins longtemps, si nous pouvions faire le relevé exhaustif de tous les bons moments que nous avons pu vivre avec elle, même si nous supposions un seul instant qu'il n'y aurait eu que ces bons moments, eh bien, cela ne suffirait pas encore pour donner un sens à nos vies, et nous serions toujours "les plus à plaindre de tous les hommes" !
Si on ajoute à cela que, comme le réalisme nous le commande, il n'y a pas eu dans la vie de maman que des bons moments, et par conséquent, dans notre mémoire, que des souvenirs agréables, alors nous ne devons pas nous étonner, comme cela arrive souvent, qu'après avoir réchauffés furtivement notre coeur par les bons souvenirs évoqués dans nos conversations de ces jours-ci, ceux-ci finiront bien vite d'être submergés dans le tourbillon de nos tracas quotidiens.
Nous avons donc tout intérêt à ne pas nous limiter à cela. C'est la Parole de Dieu qui nous y invite, et c'est sa grâce qui nous en rend capables, vous disais-je il y a un instant. Voyons comment.
Nous avons entendu l'épisode évangélique immortalisé par saint Luc et, comme chacun sait, également par Rembrandt, des disciples d'Emmaüs. Dans ce passage d'une richesse inépuisable je retiens aujourd'hui surtout ces paroles de Jésus :
"Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ?"
Le moins que l'on puisse dire est que les souvenirs que les deux disciples, endeuillés par la mort de leur Maître, évoquaient sur la route d'Emmaüs, n'étaient pas très réjouissants. Nous en connaissons la teneur grâce à la question que le mystérieux voyageur leur pose :
"De quoi causiez-vous donc, tout en marchant ?"
Vous avez entendu leur réponse :
"Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth : cet homme était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple."
Mais les bons souvenirs, quelle que soit leur nombre et leur qualité, auront tôt fait long feu :
"Les chefs des prêtres et nos dirigeants l'ont livré, ils l'ont fait condamner à mort et ils l'ont crucifié."
Pour eux, c'est la fin d'une histoire qui avait pourtant bien commencé mais qui, maintenant appartien malheuresuement au passé.
Jésus, que les deux n'avaient toujours pas reconnu, leur propose alors un traitement de choc pour les sortir de leur tristesse comateuse :
"Vous n'avez donc pas compris ! Comme votre coeur est lent à croire tout ce qu'ont dit les prophètes !"
Puis il leur pose cette question cruciale :
"Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ?"
Cette questtion vaut son pesant d'or, et je vous invite tous à demander au Seigneur à la gravr profondément dans nos coeurs. Ecoutons-la encore une fois attentivement :
"Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ?"
Cette question, mine de rien, est révolutionnaire. C'est comme si Jésus leurs disait : "Avec tous vos espoirs envolés et vos souvenirs déçus, cessez maintenant de regarder le passé et regardez maintenant ... VERS L'AVENIR ! Les Namurois et autres Hutois l'auront compris : ce n'est pas le journal local que Jésus nous invite à scruter, ce n'est pas vers l'avenir des hommes, c'est l'horizon de la vie éternelle, c'est vers l'avenir de Dieu : "sa gloire".
Vous me direz peut-être sceptiquement : ce sont des histoires qui, à la limite, s'appliquent à Jésus ... Mais quel rapport avec moi, commun des mortels ? Or, j'ai souvent été frappé par la ressemblance entre cette question de Jésus et l'affirmation de saint Paul et de saint Barnabé aux disciples de Lystres, Iconium et Antioche (cela se trouve dans le livre des Actes dont l'auteur est le même que celui de l'évangile), et donc à un échantillon très large et assez représentatif de la chrétienté de l'époque :
"Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu." (Ac 14, 22)
Remarquez - et c'est important - que la portée de ces deux paroles n'est pas : "on ira tous au ciel,, puisque Jésus y a fait un trou pour qu'on passe par là, mais en attendant il faudra bien en voir de toutes les couleurs, car même si on y va tous, ce n'est pas en pyjama !" Ce qui suffirait à décourager la plupart des braves gens. Or le propos de Jésus aussi bien que celui des Apôtres n'est pas de décourager les rêveurs, mais d'encourager ceux qui sont dans l'épreuve :
"Ils affermissaient le courage des disciples ; ils les exhortaient à persévérer dans la foi en disant ...". (ibid.)
Regarder vers l'avenir de Dieu, sa gloire, son royaume, n'est donc pas un passe-temps pour vieiillards et doux rêveurs ; c'est une question de vie ou de mort pour tout disciple du Christ.
Parmi bien d'autres choses, sans doute, il reste à préciser ceci : la gloire de Dieu ou le royaume de Dieu, ce sont deux expressions équivalentes évidemment. Mais pour beaucoup d'entre nous, que ce soit l'une ou l'autre de ces expressions, c'est du charabia de curé. Permettez-moi de vous détromper. Le royaume de Dieu n'a rien à voir avec un compte de Mille et Une Nuits, ni sa gloire avec un feu d'artifice pékino-olympique. La gloire de Dieu c'est son poids d'amour, de même que la gloire d'un homme, c'est aussi, au fond, son poids d'amour (kabod).
Toute la différence entre la gloire de Dieu et la gloire humaine, c'est la différence de l'amour. L'amour est humain est un amour limité, car blessé, et vite éteint. L'amour de Dieu, c'est un amour que même la mort ne peut pas éteindre, un amour éternel et infini. La grâce d'être chrétien, c'est de nous permettre de faire nôtre l'amour de Dieu et de rayonner la gloire de la croix.
"Et vous, dit saint Paul, vous avez commencé à nous imiter, nous et le Seigneur, en accueillant la Parole au milieu de bien des épreuves avec la joie de l'Esprit Saint. " (1Th 1, 6).


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