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2665 (suite)

Par Lazare

III.
Mais si les écrivains sont des gens si ignobles & médiocres, pourquoi devrions nous les aimer? Comment aimer la littérature & croire qu'elle puisse être héroïque?
***
Les Détective Sauvages nous fournissent quelques réponses à ce sujet.
Ce roman mexicain est en quelque sorte une extension d'Etoile Distante & de Nocturne du Chili qui, tout deux, se déroulent au Chili. Les trois traitant du Mal & de la Littérature.

Les amis de Bolaño s'amusaient souvent en disant qu'il ne permettrait à quiconque de dire du bien du Chili &, inversement, de dire du mal du Mexique. Comme Carmen Boullosa l'a remarqué, il considérait le Chili comme l'enfer de sa jeunesse & le Mexique comme une sorte de paradis (même si dans son dernier livre, le Mexique, ou du moins une de ses villes, devient clairement l'antichambre de l'enfer).Depuis qu'il a quitté le pays en 1977, il n'y a plus jamais remis les pieds.
« D'une grande distance, » écrivait Juan Villoro « il a construit un pays de mémoire, d'une véracité partiellement spectrale. »
Voici comment débute Les Détectives Sauvages:
2 Novembre
J'ai été cordialement invité à rejoindre le mouvement viscéral-réaliste. J'ai accepté, bien sûr. Il n'y eu aucune cérémonie initiatique. C'est bien mieux comme ça.
3 Novembre
Je ne suis pas vraiment certain de ce qu'est le viscéral réalisme.

Juan Garcìa Madero, le jeune narrateur de 17 ans qui apparaît dans la première partie du livre (Mexicains perdus dans Mexico) est orphelin, étudiant le droit & va se retrouvé dans un atelier de poésie à l'université (tiens tiens) . Une confrontation, déjà vécu par Bolaño lui même, se profile entre le jeune Garcìa Madero & le professeur sur les formes possibles & différentes qu'emprunte la poésie, sur la création littéraire elle même. Chaque cours se transforme en défi de palabres. Madero s'exclame: « Le seul poète mexicain à connaître tout ceci par coeur est Octavio Paz (notre grand ennemi), les autres ne savent rien de rien... ou peut être ai je entendu Ulises Lima tenir de tels propos après que j'ai rejoins le groupe? » [la traduction de ce passage est totalement invraisemblable – désolé].
Les Détectives Sauvages apparaissent comme le portrait du jeune Bolaño en artiste (la référence à Joyce n'est pas fortuite). Le chilien Arturo Belano qui mène le mouvement avec son ami Ulises Lima (la référence à Joyce n'est pas fortuite, celle à Lima, quant à elle, est transparente) a eu une singulière révélation sur la « trinité de la Jeunesse, de l'Amour & de la Mort ». Le livre le suit jusqu'à ce que, sérieusement malade, il ne disparaisse en Afrique dans un délire proche de celui de Rimbaud. La fin tragique & folle de Rimbaud. De son côté, Garcìa Madero incarne le poète au moment de sa fougue adolescente & rebelle, persuadé que la vie de poète est la seule qui vaille la peine. Il arrête ses études, quitte la maison, monte une bibliothèque de livres volés (comme le jeune Bolaño) & bientôt n'a pas d'autre choix que de partir en voyage. Un voyage initiatique bien entendu fait de poésie & de poètes, des rues de sa ville & surtout d'amour & de sexe, car l'éveil sexuel de Garcìa Madero semble insatiable, promettant autant de possibilités & de danger que la ville elle même.
A la fin de la première partie, Garcìa Madero, Arturo Belano, Ulises Lima & Lupe, une prostituée un peu fofolle, s'enfuient de Mexico. Ils se retrouvent dans le désert du Sonora (tiens?) à la recherche d'une mystérieuse poétesse (tiens? & re-tiens?), Cesàrea Tinajera, qui a influencé les viscéral-réalistes.


Dans la deuxième partie des Détectives Sauvages 48 personnes éparpillées à travers tout le globe (15 villes & 8 pays) semblent parler à un détective bien déterminé à mettre la main sur Arturo Belano & Ulises Lima. Il leurs court après depuis vingt ans.
Chacun parle de leur rencontre avec les deux poètes, digressant parfois sur leur propre vie. Ici, la narration n'est plus chronologique mais s'enroule autour d'une seule & même nuit durant laquelle Belano & Lima rendent visite à Amadeo, un vieux poète sans le sou qui serait la dernière personne, vivante à se souvenir de Tinajera. Il leur montre la copie d'une vieille revue dans laquelle fut publié le seul & unique poème de la poétesse.
Amadeo est surpris & heureux d'avoir été trouvé par les deux garçons. Il est surtout très heureux de pouvoir passer la nuit à parler poésie, revivre sa jeunesse & boire. Boire la dernière bouteille d'un mezcal qui n'existera plus une fois qu'ils en auront bu la dernière goutte. Vous connaissez déjà le nom de ce mezcal: Las Suicidos. Marque mythique désormais qui disparaîtra une dernière fois dans 2666 & réapparaîtra dans un épisode de V3 (votre bruyant serviteur à bien essayé de s'en procurer une bouteille, c'est tellement plus cool que du génépi Grand Tétras, mais impossible, la seule marque qui arrive jusque dans les Alpes est le mezcal Ultramarine... l'hommage à Lowry me convient amplement) « Ah, quelle honte de plus faire de ce mezcal » se plaint Amadéo « quel dommage ce temps qui passe, vous n'êtes pas d'accord? Quelle tragédie de mourir, de vieillir & de voir que tout ce qui est bon s'éloigne de nous. »

Dans Les Détectives Sauvages Bolaño nous montre comment le temps nous punit pour les désirs rebelles de notre jeunesse...
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2666 au Fric-Frac Club & chez Fausto

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