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Goral baawangal (le mari faible) par Doyen

Publié le 16 septembre 2008 par Bababe

Quand les FEUX de l’amour ne sont pas encore éteints...

Je vais, modestement, à travers leur mère, tenter de camper quatre personnages différents illustrant les traits de celui qu’on peut appeler « goral baawangal » chez les Peuls. La liste, bien sûr, n’est pas exhaustive.

SAMBEL cause, rit aux éclats avec Dado, son épouse. Il admire ses toilettes, apprécie sa cuisine, même ses plats les plus fades. Il plaisante sans cesse avec elle, ne sort jamais sans sa Dado. Sambel et Dado sont très amoureux ! Jamais l’un sans l’autre, ils resplendissent des feux de l’amour. Ils auraient voulu cacher l’éclat de leur amour, ils n’y parviendraient pas tant il se reflète sur eux, dans leurs actes, et dans ce qui peut leur arriver de bon ou de mauvais.

Sambel est un homme heureux et il le manifeste.

Seulement cet amour qui fait resplendir Sambel de bonheur inquiète fortement sa mère. Elle voudrait stopper ce bonheur. Elle craint tout simplement que son fils ne passe aux yeux des autres pour un goral baawangal.

HAMADEL fait lui même les éloges de sa femme à la place des belles-sœurs et autres. Il est aux aguets et épie le moindre désir, supposé ou explicite, de son épouse afin de le réaliser. Cette épouse, c’est Go-Sappo, une forte personnalité au caractère forgé, qui inspire crainte et méfiance. Ce surnom de Go-Sappo ne signifie-t-il pas dans le parler local « l’autoritaire ».

Hamadel est heureux auprès de Go-Sappo et le clame, même s’il passe au regard de l’opinion pour un goral baawangal. Tant pis pour ceux qui pensent qu’il est un de ces hommes ternes et sans autorité, qui « n’ôte pas de l’ombre et ne remet pas au soleil » (ittataa e buubri, wattataa e naange), selon l’expression populaire.

Mais ne vous fiez pas à l’apparence de Go-Sappo. En effet s’il lui arrive de rappeler à Hamadel, sur le ton de la plaisanterie, « qu’il lui a fallu se laver les mains et les pieds » pour la mériter, elle ne permet à personne de l’approcher ni, à plus forte raison, de tenir le moindre propos déplacé sur lui.

Beaucoup se souviennent encore de ce jour où, dans un salon rempli de « beau monde », Go-Sappo traita le frère tant courtisé et respecté de Hamadel de détourneur des biens de l’Etat. Ce frère avait, dans sa vanité et ses fanfaronnades, interdit à Hamadel de ne jamais comparer sa modeste maison, acquise avec son argent d’immigré quémandé à l’étranger, à ses luxueuses villas à lui.

La mère de Hamadel s’accommode de la situation car elle trouve en sa belle-fille un redoutable rempart et une appréciable protection pour son fils.

Hamadel est heureux, tant mieux pour lui.

DEMBA

La bonne situation de Demba et ses qualités personnelles ont créé autour de lui un ilot de bien-être, dans lequel son épouse s’épanouissait à vue d’œil. Mais voilà, Demba,lui, est mélancolique, morose, éteint, que même s’il s’est emmuré dans le silence, on constate sans peine qu’il est hors de ce champ de bonheur. Il n’en jouit pas.

D’où vient donc cette mélancolie qui consume Demba, lui naguère si pétillant ? On pourrait imaginer qu’il vit un amour secret, mais il y a peu de chance que ce soit le cas. Car quand on aime, on est heureux, et lui est triste !

La mère de Demba se demande ce qui a bien pu métamorphiser son fils jadis si vivant en une espèce de zombie au milieu de gens qui dansent et chantent.

Comment cet homme doté de tant de qualités humaines, qui possède tant de biens et a su créer les conditions d’épanouissement de sa famille a-t-il pu devenir un être aussi éteint ? Qu’est-il donc arrivé à cet homme pour le rendre si étiolé ?

C’est Birom, un vieil ami d’enfance, qu’il avait perdu de vue pendant plusieurs années, qui parvint à percer un tunnel dans le silence de Demba.

Birom, un célibataire endurci sans complexe, diplomate ayant longtemps vécu à l’étranger. était un excellent parti, et de nombreuses femmes cherchaient en vain à attirer son regard.

A travers plaisanteries et discussions sérieuses, Birom réussit à faire avouer à Demba qu’il souffrait de défaillances physiques momentanées, et que cela avait perverti les relations avec son épouse. Voilà ce qui lui minait le moral. Birom rit aux éclats, et se moqua gentiment de son ami. Vois-tu, lui dit-il, moi qui te parle, ce sont des choses qui arrivent quelquefois. Mais cela n’entame en rien ma joie de vivre et ne fera me soumettre à personne. Ces choses là, ça va ça vient. C’est seulement notre stupidité de mâle qui leur donne une telle importance et nous fait oublier tous les autres essentiels que nous possédons.

Demba, qui était un homme intelligent, comprit la leçon. Il donna une bourrade à Birom, et timidement, se reprit à sourire.

BAYDI

Même par plus de 45 degrés à l’ombre, Baydi se mettait à trembler dès qu’il apercevait sa femme. Celle-ci était originaire de Kalakala, un village réputé pour la puissance maléfique, réelle ou supposée, de ses sorciers.

Baydi ne vit pas d’amour ; il vit dans la peur de son épouse, et était devant elle comme un petit animal paralysé par le regard hypnotique d’un serpent.

Par diverses manigances, son épouse avait réussi à faire que seul l’argent constitue l’essentiel entre le père et les enfants.

Pour elle comme pour eux, Baidy n’est qu’une tirelire, et rien de plus. A force de addu, Baydi, incapable de dire non, toujours prêt à satisfaire cette épouse, véritable gouffre sans fond, véritable tonneau des danaïdes se dépossédait de tous ses biens. De ses biens comme de sa dignité qui, jadis, faisait l’admiration de tous.

Où donc était passé ce peul que ces compagnons d’âge avaient connu orgueilleux, ambitieux, et réussissant tout ce qu’il entreprenait ?

Aujourd’hui, d’aucuns affirment que cette épouse l’avait solidement ligoté avec une corde trempée dans une potion magique préparée par le dernier grand fibiri baaji du village de Kalakala, mort il y a très longtemps. Ce qui signifie qu’il n’existait plus personne possédant le pouvoir de dénouer les nœuds maléfiques.

Baydi était bien le seul à ne pas voir que tout se dérobait autour de lui, lentement mais inexorablement, et qu’il était en train de couler.

Que faire ? Ceux et celles qui avaient été assez courageux pour essayer de lui ouvrir les yeux, se sont entendus traiter d’ennemis de son épouse, et étaient devenus les cibles de sa haine.

Son frère jumeau, s’adressant à leur mère, avait affirmé : « le jour où il aura dépensé son dernier sou, il sera chassé sans pitié de sa propre demeure. Ses yeux s’ouvriront, enfin, et il verra ce que même les aveugles pouvaient voir. Il ne lui restera plus alors qu’à se tirer une balle dans la tête. »

Entendant ces terribles propos, la mère de Baydi, qui jusque là évitait de consulter un marabout, se décida à le faire. Quand le marabout apprit que le sort jeté à Baydi était l’œuvre du célèbre sorcier, il prescrit un remède qui était le signe de son impuissance. Il faut, dit-il, « que Baydi parvienne à brûler les fesses de sa femme ». La mère comprit, la mort dans l’âme, que son fils était bel et bien damné.

En mettant la dernière touche à ce texte, je frissonnai et me disais, il y a quelque chose d’inexplicable qui fait qu’il existe un lien innommable entre cette épouse à la beauté fatale et au comportement diabolique avec l’extinction annoncée de son époux.

Doyen

P.S. Pour éviter un texte trop long, le 5e cas sera diffusé en commentaire.


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