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Match politique avec un Professeur de gauche

Publié le 19 septembre 2008 par Drzz

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Match politique avec un Professeur de gauche

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Match politique avec un Professeur de gauche

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Michel Pralong est Professeur à l’Université de Quito (Equateur). Lecteur critique de leblogdrzz et de monde-info, Michel Pralong se définit lui-même comme intellectuel plutôt de gauche. Il était de passage en Europe cet été. On le découvre ici à travers un entretien à bâtons rompus avec Miguel Garroté, journaliste et écrivain. Michel Pralong vit depuis 10 ans en Equateur où il a épousé une Equatorienne. Il est père de famille et enseigne à l’université de Quito, la capitale de ce pays sud-américain.

 

 

Michel Pralong – Benoît XVI était en France du vendredi 12 et au lundi 15 septembre 2008. Pour les blogues européens catholiques, néoconservateurs et philosionistes, ce voyage a-t-il été un motif de jubilation ?

 

Miguel Garroté – Je ne peux pas répondre au nom des autres. Mais pour ce qui me concerne, ce fut la visite d’un pape que la vérité n’effraie pas, dans un pays qui pratique la laïcité absolutiste envers les Juifs et les chrétiens, et la laïcité compréhensive et complaisante envers l’islam et même envers l’islam radical. Vu sous cet angle, sa visite fut un complément vitaminé tout à fait salutaire. Son discours à l’adresse de la communauté juive de France m’a profondément réjouis. Nous sommes sans conteste entrés dans une ère de fraternité judéochrétienne. J’ai du reste brièvement analysé ce tout récent discours de Benoît XVI sur le judaïsme dans Benoît XVI et le Judaïsme. Son discours au Collège des Bernardins m’a aussi profondément réjouis, car ce discours a abordé la laïcité en termes de foi et de raison, au-delà de la laïcité absolutiste à la française. Le discours du Collège des Bernardins - n’en déplaise à certains - est la suite du discours de Ratisbonne, ce fameux discours portant - entre autre - sur la violence, et ayant soulevé….une vague de violence (!) orchestrée au sein du monde musulman. Au collège des Bernardins, Benoît XVI a sagement reformulé son propos sur l'islam,   tout en gardant la même ligne. Face au politiquement correct qui mélange les trois religions monothéistes « du Livre », Benoît XVI a rappelé que le christianisme n'est pas une « religion du Livre » mais une « religion de la Parole » (le Christ n’a rien écrit, excepté une fois, un trait rectiligne, sur le sable, à l’aide d’un bâton, en présence de Marie-Madeleine et des autres….).

Le discours du Pape au collège des Bernardins est accessible ici

 

 

MP – Il y a sept millions de musulmans en France. C’est une réalité. N’êtes-vous pas un peu sec dans vos commentaires sur l’islam ?

MG – Ce qui est un peu sec dans cette affaire, c’est la laïcité à géométrie variable de la France. J’aurais apprécié qu’au nom de cette laïcité on commence par solliciter la réciprocité de la part des pays musulmans. Le traitement infligé aux chrétiens et aux Juifs en terre dite d’islam est presque toujours désastreux. Et pendant ce temps, les musulmans - y compris radicaux - construisent des mosquées chez nous, parfois avec l’argent du contribuable. Ce n’est pas tellement l’islam radical qui m’irrite, c’est surtout l’attitude de nos gouvernants envers l’islam radical. Cela dure depuis plus de 50 ans et les gens en ont assez. Qu’attend-on, que l’extrême droite fiche le bazar, enfin, si j’ose dire ?
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MP – Nous avons passé le cap du 11 septembre 2008. Etes-vous toujours aussi allergique à ceux qui parlent de complot à propos des attentats du 11 septembre 2001 ?

 

MG – Je suis surtout consterné qu’en 2008 nos médias continuent de donner la parole aux schizophrènes qui alimentent cette théorie conspirationniste. Je suis tout aussi consterné qu’en France (notamment en France, mais pas uniquement en France), des prêtres s’amusent à relayer ce genre d’inepties. A tous je recommande la lecture du livre « LA JUDÉOPHOBIE DES MODERNES. DES LUMIÈRES AU JIHAD MONDIAL » - écrit par Pierre-André Taguieff et publié aux Editions Odile Jacob - livre qui vient de sortir en librairie.

http://www.amazon.fr/Nouvelle-jud%C3%A9ophobie-Pierre-Andr%C3%A9-Taguieff/dp/2842056507

MP – Il n’est tout de même pas interdit d’émettre l’hypothèse d’un complot ? Bon nombre de faits et de coïncidences troublants pourraient nous faire croire que tout ne s’est pas déroulé exactement tel qu’on a bien voulu nous le montrer et décrit jusqu’ici. Je pourrais être très  vicieux en complétant que c’est bien le parti et le clan Bush qui ont  « profité » (acquisition d’armement,  mainmise politique et contrôle d’une partie des accès au pétrole) – avec les résultats que l’on connaît – de l’après 11 septembre 2001.

 

MG – Il y a une différence entre émettre une hypothèse - à condition de l’étayer sérieusement - et véhiculer, avec des airs de chercheur savant et pédant, des théories débilitantes. C’est le coup fumeux de la rumeur qui finit toujours par laisser quelque chose derrière elle. Le complot est l’apanage des dictatures. Que diraient nos médias si quelqu’un révélait les vrais complots, ceux concoctés à Moscou, à Caracas, à Pyongyang, à Téhéran à Damas, à Khartoum, etc. ? Diraient-ils que la thèse de ces vrais complots, c’est de la paranoïa de droite ? Pourquoi inventer des faux complots ? Pour masquer les vrais complots ? Il faut être totalement ignare pour s’imaginer sérieusement, que dans un pays libre et démocratique comme les USA, un Etat de droit doté d’une Constitution, il serait possible au 21e siècle à un gouvernement, de monter un pareil complot, sans devoir par la suite démissionner et affronter la justice. Croyez-moi, si un tel complot avait réellement eu lieu pour le 11 septembre 2001, les médias américains et la gauche américaine auraient réussi depuis longtemps à faire tomber Bush. Concernant l’accès au pétrole tel que vous le mentionnez, je n’ai aucun état d’âme pour vous dire que si les démocraties occidentales n’avaient pas accès au pétrole, c’est le monde entier - y compris et surtout les pays pauvres - qui sombreraient dans une épouvantable misère. Notre accès au pétrole est vital pour toute l’économie mondiale. Vu sous cet angle, le fait qu’une partie du pétrole se trouve actuellement en terre dite d’islam, ne doit pas, selon moi, servir de prétexte à un quelconque chantage arabe. Quant à votre allusion indirecte à l’Irak, il se trouve que la situation de ce pays est - à ce stade et à condition de continuer - relativement stable.
  
  

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MP – La libération d’Ingrid Betancourt a soulevé des doutes en Amérique du Sud. Vous maintenez toujours que l’armée colombienne a pu monter une telle opération ?

MG – Je connais l’Amérique du sud, j’y ai vécu, c’est assez courant là-bas de douter, lorsqu’un gouvernement n’est pas antiaméricain. Mais le thèse des petits millions fourgués aux farcistes me fait sourire. Pour acheter une telle otage à des narcoterroristes, il faut débourser beaucoup plus que quelques millions. Ces gens-là brassent des narcodollars en très grande quantité. Les Colombiens ont réussi leur opération grâce à l’aide de deux généraux israéliens à la réserve, Israël Ziv et Yossi Kuperwasser, qui dirigent une société de conseil en sécurité, la Global CST.

MP – Vous allez aussi me dire que le président colombien Uribe n’est pas le caniche de Bush ? N’a-t-il pas les pieds et les poings liés à cause des énormes fonds versés par l’administration Bush, fonds  destinés à  lutter contre le terrorisme, - les FARC, entre autres - et  à l’éradication des plantations de coca, qui, en aparté, se réalisant en grande partie par fumigation, est à l’origine de désastreuses  conséquences tant  au niveau humain (graves maladies contractées par les habitants de ces zones) qu’ écologique.

MG – En effet, je vous dis même qu’Uribe n’est le caniche de personne. J’ignore quels journaux lisent les Colombiens en particulier et les Latino-américains en général. C’est sûr qu’en Amérique latine, être anti-yankee est une vieille tradition. En ce qui me concerne, pour les événements du monde hispano-américains, je lis, en version originale espagnole bien sûr, notamment le quotidien colombien El Espectador (http://www.elespectador.com), le quotidien hispano-américain El Nuevo Herald (http://www.elnuevoherald.com) et le quotidien espagnol Diario ABC (http://www.abc.es) . Si je lisais tous les jours la presse anti-yankee, je finirais complètement paranoïaque. Mais pour moi le pire est en France et non pas en Amérique latine. Nos médias nous ont saoulés avec leur aversion pour Uribe et leur vénération pour Chavez. Mais à la lumière des événements survenus récemment en Géorgie, les gens commencent à se rendre compte qu’il y a un axe MoscouCaracas - Téhéran. En Amérique latine, les gens pensent que Chavez s’affiche avec Poutine et Ahmadinejad uniquement pour enquiquiner les USA. Mais encore une fois, en Europe, on commence à réaliser que tout ceci n’est pas un opéra comique. Pour ce qui est de l’éradication des plantations de coca par fumigation et pour ce qui est de l’écologie je dirais ceci : les Farc ont causé mille fois plus de victimes que la fumigation ; et les un milliards deux cents millions de Chinois avec une croissance à deux chiffres sans normes écologiques polluent mille fois plus que les fumigations. S’il faut certes une éthique dans le business, ils faut aussi fixer les vrais dangers et les vraies priorités, au lieu de toujours tout mettre sur les dos des Américains.
  
  

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MP – Parlons d’Israël. Vous êtes catholique et vous défendez Israël bec et ongles. Les Palestiniens n’ont-ils pas droit eux aussi à un Etat ?

MG – Je défends Israël car je suis catholique philosioniste. Sionisme vient de Sion qui veut dire Jérusalem. Où est le problème ? Plusieurs documents selon moi aident à comprendre en quoi un catholique peut être - aussi - un sioniste. Le premier document rappelle que l’Eglise catholique condamne l’antisionisme comme une forme masquée d’antisémitisme. L’Eglise catholique formule cette condamnation dans une déclaration conjointe rendue publique en juillet 2004 à l’issue d’un forum réunissant juifs et catholiques. La condamnation catholique de l’antisionisme fait ensuite l’objet - le 30 juillet 2004 - d’un article de Shlomo Shamir dans le journal israélien Haaretz. Ilan Steinberg - directeur du Congrès Juif Mondial - un des organisateurs du forum qualifie la déclaration conjointe de moment historique. Le Deuxième document,  publié le 12 août 2007,   évoque un discours (lors d’une conférence organisée à Genève à l’occasion du 59e anniversaire de la création de l’Etat d’Israël) discours de l’abbé Alain René Arbez - responsable auprès de l’Eglise catholique des relations avec le Judaïsme - qui citant Jean XXIII et Jan Paul II rappelle : « Non, l’Alliance conclue par Dieu avec Israël n’avait pas été abrogée. Loin d’être une branche morte, les Juifs sont les frères aînés des Chrétiens. La foi juive est intrinsèque au Christianisme, car qui rencontre Jésus, rencontre d’abord le Judaïsme ».  Le troisième document - intitulé « Le sionisme et les églises » - de Jean-Daniel Chevalier, publié sur primo-europe.org, rappelle que l’Eglise catholique dès Jean XXIII adopte une attitude plus positive vis à vis du peuple juif et que le regard change aussi vis à vis de l’Etat d’Israël. Le quatrième document - publié dans la revue Sens N° 8 d’août 2004 pp. 419-440 – par la plume d’Yves Chevalier, présente en détail la pensée sioniste du philosophe catholique Jacques Maritain. J’ai effectué une analyse de ces quatre documents le 27 juillet 2008 dans Nous sommes catholiques. Cela dérange certains (version actualisée). Il me reste à répondre à votre question sur un Etat palestinien. Il se trouve que cet Etat a été proposé aux Palestiniens en 1948. Or, sous la pression de la Ligue arabe, les Palestiniens ont à l’époque refusé cet Etat. Et depuis, les partis politiques palestiniens et les manuels scolaires palestiniens prônent la destruction d’Israël, un pays pas plus grand que la Picardie. Dans ce climat, un Etat palestinien ne peut pas voir le jour. Cela est très bien expliqué dans le dernier livre de Guy Millière : Houdna (« trêve » en français).
  
  

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MP – Rapidement, encore quelques dernières petites questions. Revenons d’abord à la France. Comment peut-on être catholique, néoconservateur et philosioniste dans un pays encore fortement imprégné par la Révolution française, la laïcité, Mai 68 et qui compte 7 millions de musulmans ? N’êtes-vous pas un peu à côté de la plaque ?

MG – Rapidement, la question selon moi serait plutôt comment peut-on rester ultra-laïcard et mai soixante-huitard en 2008 ? J’ai le plaisir et l’honneur de figurer parmi les intellectuels qui ont préfacé le livre de François Célier (photo), « Mai 68, quarante ans de captivité intellectuelle et spirituelle », qui vient de sortir ce mois-ci en librairie. Avec son livre, François Célier diagnostique la vraie nature du tsunami psychoaffectif classé « matricule mai 68 » dans les cimetières de la littérature. Avec ce livre, l’année 2008 peut encore aboutir à l’affranchissement de 40 ans de captivité. Car François Célier tourne le dos aux analyses horizontales, temporelles et propose une analyse verticale, spirituelle. Pendant 40 ans, la femme et l’homme ont testé « la liberté sans Dieu ». Le bilan de ce laboratoire freudomarxiste se réduit au nombre de ses victimes. Avec Mai 68, la liberté sans Dieu a permis de faire tout et surtout n’importe quoi. La femme et l’homme y ont perdu leur liberté intérieure. L’anthropologie judéochrétienne de François Célier est une étude philosophique et biblique de la personne humaine sous le regard de Dieu. La liberté intérieure que propose François Célier replace la femme et l’homme dans l’unité de leur corps, de leur âme et de leur esprit. François Célier nous ouvre la Mer rouge. A nous d’oser la franchir à pied sec.

http://livre.fnac.com/a2419330/Francois-Celier-Mai-68-40-ans-de-captivite-intellectuelle-et-spirituelle

MP - L'avortement, l'euthanasie, le mariage homosexuel, est-ce en contradiction avec le néoconservatisme ?

MG – Le néoconservatisme n’est pas une secte. Cela dit, la plupart des Juifs, des protestants et des catholiques, dans la pensée néoconservatrice, croient aux - ou au moins respectent les - valeurs de la Bible, les valeurs judéo-chrétiennes. Il s’agit de défendre la société libre de culture judéo-chrétienne. Il ne s’agit pas de restaurer un quelconque régime ancien…. Nous ne sommes pas anachroniques.

MP - Le néoconservatisme disparaîtra-t-il ou restera-t-il une idéologie vivante et active au cours des années et décennies à venir ?

MG – Le néoconservatisme participe au travail des idées. De ce seul fait, je ne vois pas comment il pourrait disparaître. Cela fait 25 ans que certains nous enterrent. Et pourtant, nous ne sommes toujours pas morts, loin de là….

MP - Les néoconservateurs se divisent-ils en courants ou est-ce un mouvement plutôt soudé ?

MG – La pensée néoconservatrice, c’est tout aussi bien le Juif Norman Podhoretz, le protestant François Célier ou le catholique Theo Weigel. Lisez-les, lisez Guy Millière, et vous jugerez en suite par vous même.

  
  

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Croire au Créateur de la création.
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MP – Vous êtes passé de l’athéisme anticlérical au catholicisme en 1983, à l’âge de 26 ans. Aujourd’hui, en 2008, vous avez 52 ans. D’après ce que j’ai pu lire, , notamment dans vos deux essais, c’est un véritable parcours du combattant que vous avez accompli chez les catholiques. Certaines de vos étapes auraient pu vous dégoûter de l’Eglise catholique, notamment l’épisode résumé dans votre petit article « Note à qui de droit » (Père Nicolas Buttet) ?

MG –   Croire en Dieu,  au Créateur de la création, est un acte qui se renouvelle à chaque instant. On ne change pas de religion à chaque fois qu’on s’énerve. Je suis et je reste catholique, philosioniste et néoconservateur. Je n’ai rien de nouveau ou d’extraordinaire à vous dire sur ces questions. Le fait que tel ou tel individu essaye de m’intimider ou de me rabaisser à cause de ce que j’écris ne m’empêche pas de dormir. Cela peut en revanche m’encourager à écrire encore, ça c’est vrai…. Et puis, on peut toujours se réconcilier, au lieu de faire du foin, non ? Je vous l’ai déjà dit, je crois à la société libre de culture judéo-chrétienne.

MP – Vous n’avez pas répondu au dernier volet de ma question. Avez-vous peur de répondre ?

MG – Peur ? Peur de quoi ? La petite affaire que vous mentionnez n’est plus de mon ressort. C’est à l’Eglise de donner suite ou de ne pas donner suite. J’ai toujours pu constater que l’Eglise prend son temps avant de corriger. Mais elle finit par le faire un jour. L’Eglise est miséricorde, certes, elle est patiente aussi, mais elle exerce la charité en vérité. Cela vaut pour tout le monde….

MP – Vous pourriez au moins nous partager vos propres conclusions telles que vous les vivez aujourd’hui ?

MG – Aujourd’hui, vendredi 19 septembre 2008 ? Je n’ai pas de conclusion. Dieu est bon. Il fait beau. Je vis bien. Je vous dis Shabbat Shalom, bon dimanche. Et je vous souhaite un bon retour en Equateur puisque vous repartez sous peu.

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