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Publié le 23 septembre 2008 par Sylvainrakotoarison

Héritière puis conquérante, Michèle Alliot-Marie est devenue une ministre professionnelle coupée de plus en plus de réalité politique. Retour sur l’une des rares femmes à avoir conquis par elle-même d’importantes responsabilités nationales.

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On vit une époque formidable. Les rumeurs qui ruissellent ce vendredi 25 février 2011 ont dû convaincre les derniers jusqu’au-boutistes de la nécessité impérieuse de changer la titulaire du Quai d’Orsay.
On raconte même que Michèle Alliot-Marie, 64 ans, n’aurait plus qu’un seul soutien au sein du gouvernement, à savoir son compag
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non Patrick Ollier, 66 ans, Ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement et ancien président du groupe d’amitié France-Libye qui avait prononcé quelques phrases un peu trop laudatives en 2007 au profit du dictateur Kadhafi.
Quelles que soient les fautes commises ou pas, Michèle Alliot-Marie se retrouve systématiquement à devoir se justifier depuis plus d’un mois sur des éléments de sa vie privée qui sont sans importance par rapport à la situation mondiale mais qui prouvent quelques liens entre elle et l’entourage de Ben Ali et de Kadhafi, au moment particulier où l’Histoire est en train de se jouer dans le monde arabe.
Le côté dérisoire de la défense de Michèle Alliot-Marie face aux plusieurs milliers de morts de la répression en Libye est même indécent et c’est pour cela que d’après les derniers bruits qui couraient, même Nicolas Sarkozy serait désormais convaincu qu’il faut stopper cette situation. Contrairement à Éric Woerth en été 2010, il ne peut plus garder Michèle Alliot-Marie sans déprécier de façon durable la diplomatie française.

En fait, cela fait depuis plusieurs jours que la recherche du successeur se fait.

Qui pour remplacer Michèle Alliot-Marie ?

Le Ministre de la Défense Alain Juppé, 65 ans et demi, ancien Ministre des Affaires étrangères il y a quinze ans, serait effectivement le plus rassurant pour retrouver un semblant de sérieux mais il semblerait que le premier concerné ne soit pas très enthousiaste.

Dans un tel cas, l’actuel Ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux, 52 ans et demi, ou alors le président du groupe des sénateurs UMP, Gérard Longuet, 65 ans, pourraient reprendre la Défense, lui-même ancien Ministre de l’Industrie sous Édouard Balladur et dont la carrière fut
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arrêtée net par sa mise en cause dans les affaires du financement du Parti républicain (il a été très récemment blanchi). Toujours dans cette hypothèse, le sénateur-maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, 71 ans, qui fut président du groupe des députés UDF à l’époque socio-communiste pourrait présider le groupe des sénateurs UMP à un moment crucial où l’UMP a des risques de perdre la Présidence du Sénat.

D’autres noms ont circulé, notamment, Bruno Le Maire, bientôt 42 ans, qui a travaillé avec Dominique de Villepin au Quai d’Orsay puis est devenu son directeur de cabinet à Matignon avant de s’engager en politique et occuper d’abord le Ministère des Affaires européennes puis celui de l’Agriculture.

Également l’ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin, très impliqué dans les relations franco-chinoises, la Ministre de l’Économie et des Finances Christine Lagarde, 55 ans, ou encore le Ministre délégué aux Affaires européennes Laurent Wauquiez, bientôt 36 ans, l’héritier de Jacques Barrot, 74 ans, en Haute-Loire. On ne parle plus, en revanche, de Jean-Louis Borloo, bientôt 60 ans, à qui on avait proposé le Quai d’Orsay en novembre 2010.

Le plus étonnant reste encore cette rumeur que le Président Nicolas Sarkozy aurait proposé le Quai d’Orsay à Dominique de Villepin, 57 ans, lors de leur entrevue du 24 février 2011. Une rumeur vivement démentie par l’entourage de Dominique de Villepin.

Mais revenons un instant sur la trajectoire de Michèle Alliot-Marie qu’en des temps un peu moins bousculés certains auraient pu appeler "Super-Womam".

D’abord, une héritière

Elle est déjà la fille de son père, Bernard Marie, 93 ans et demi, ancien cadre de la Banque de France, député RPR dans les années 1970 puis maire de Biarritz dans les années 1980, qui a été également mis en cause dans le fameux voyage en Tunisie de sa fille en fin décembre 2010.

Pendant ses études de droit, elle est devenue l’épouse d’un de ses professeurs de droit qui était également le directeur de cabinet d’Edgar Faure lorsqu’il fut Ministre de l’Éducation nationale. Elle devint naturellement enseignante en droit public au début de sa carrière professionnelle, tout en collaborant avec Edgar Faure au Ministère des Affaires sociales en 1972 puis auprès de Bernard Stasi en 1973 et de Jean-Pierre Soisson en 1974. En 1976, elle fut directrice de cabinet d’Alice Saunier-Seité aux Universités et en 1978, elle a rejoint le secteur privé comme avocate.

Apparatchik du RPR, elle fut tout de suite aidée par Jacques Chirac qui la fit élire députée au scrutin proportionnel en mars 1986. À 39 ans et demi, elle est parachutée au premier gouvernement de la cohabitation comme Secrétaire d’État chargée de l’Enseignement du 20 mars 1986 au 10 mai 1988.

Elle commença ainsi une carrière ministérielle sans doute la plus longue de tous les ministres de la Ve République (à ce jour, plus de treize années dont près de neuf sans discontinuité).

Elle a débuté sa carrière électorale d’abord comme suppléante de son père en 1978 et conseillère municipale d’un village en 1983 puis, en 1989, toujours à l’ombre de son père comme conseillère municipale de Biarritz dont le maire était encore son père. Mais une dissidence menée par le centriste Didier Borotra a fait perdre la mairie à la famille au profit du centriste. Michèle Alliot-Marie se retira alors à Saint-Jean-de-Luz où elle s’empara le 23 juin 1995 de la mairie détenue par un autre centriste, mairie qu’elle garda jusqu’au 7 mai 2002. Entre autres fonctions électives locales, elle fut aussi vice-présidente du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques sous la présidence de François Bayrou de 1994 à 2001.

En 1988, lorsqu’elle est réélue députée cette fois-ci au scrutin majoritaire, Michèle Alliot-Marie faisait partie de cette espèce politique appelée les héritiers.

Travaillant beaucoup au RPR, devenant même secrétaire générale adjointe en 1990, et proche de Jacques Chirac, elle fut nommée logiquement au deuxième gouvernement de la cohabitation, celui d’Édouard Balladur comme Ministre de la Jeunesse et des Sports du 29 mars 1993 au 16 mai 1995.

Ensuite, une conquérante

Elle montra alors une très grande habileté à rester jusqu’à la fin de la compagne de l’élection présidentielle de 1995 à la fois chiraquienne et balladurienne. Une neutralité plutôt opportuniste qui ne lui a d’ailleurs pas réussi puisqu’elle ne fit pas partie du nouveau gouvernement dirigé par Alain Juppé juste après l’élection de Jacques Chirac.

Puis vint le temps de la troisième cohabitation, entre 1997 à 2002. Philippe Séguin fut alors élu président du RPR le 6 juillet 1997 avec près de 79%. Mais ce dernier quitta brutalement ses responsabilités le 16 avril 199, tant au RPR qu’à la tête de liste RPR aux élections européennes du 13 juin 1999 et ce fut Nicolas Sarkozy qui le remplaça.

L’élection du successeur de Philippe Séguin à la présidence du RPR se joua en deux tours après l’échec considérable de la liste RPR-DL qui fut légèrement dépassée par la liste souverainiste de Charles Pasqua autour de 13%.

Jean-Paul Delevoye, sénateur RPR (futur ministre et futur Médiateur de la République), était le candidat "officiel", à savoir soutenu par le Président Jacques Chirac qui avait encouragé Nicolas Sarkozy à renoncer à se présenter. Il subissait cependant un grand déficit de notoriété. En face de lui, pour représenter le séguinisme, François Fillon s’est présenté. Deux autres députés se sont présentés à titre personnel, Patrick Devedjian …et Michèle Alliot-Marie.

Le 20 novembre 1999, ce fut la surprise : le candidat de Chirac n’obtint que 35,3%, Michèle Alliot-Marie prit la deuxième place avec 31,2%, suivie de François Fillon à 24,6% et Patrick Devedjian à 9,9%. Les deux derniers candidats ont alors appelé à soutenir Michèle Alliot-Marie.

Et le 4 décembre 1999, Michèle Alliot-Marie fut largement élue présidente du RPR avec près de 63%. Cette élection, elle l’a due à elle seule, après une campagne vigoureuse et efficace auprès des fédérations départementales du RPR.

Avant les responsabilités de Martine Aubry au Parti socialiste, avant la candidature de Ségolène Royal, après la nomination d’Édith Cresson à Matignon, c’était la première fois en France qu’une femme était à la tête d’un grand parti ayant vocation à gouverner.

Après le choc du 21 avril 2002, le RPR décida le 24 avril 2002 de se fondre avec une partie de l’UDF dans l’UMP. Michèle Alliot-Marie y était hostile ainsi que Philippe Séguin et Nicolas Sarkozy. L’initiative venait d’Alain Juppé qui est devenu ensuite le président de l’UMP.

Mais qu’importait pour Michèle Alliot-Marie : elle a pu monnayer très chèrement sa victoire au RPR de 1999 en occupant depuis 2002 quatre ministères régaliens de première importance et en étant régulièrement donnée comme première ministrable en 2002, en 2004, en 2005, en 2007 et encore récemment, en 2010.

Enfin, la gestionnaire de son petit capital politique

Le palmarès est impressionnant : Ministre de la Défense (première femme à ce poste) du 7 mai 2002 au 15 mai 2007,
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pendant la totalité du dernier mandat de Jacques Chirac. Sans égaler l’inamovible Pierre Messmer durant les septennats gaulliens, Michèle Alliot-Marie a battu avec son prédécesseur direct, le rocardien Alain Richard, un record de stabilité à ce ministère.

Ensuite, après avoir menacée sans conviction d’une candidature pour l’élection présidentielle, elle fut nommée par Nicolas Sarkozy Ministre de l’Intérieur (première femme) du 18 mai 2007 au 23 juin 2009, puis Ministre d’État, Ministre de la Justice du 23 juin 2009 au 13 novembre 2010 et enfin, depuis le 14 novembre 2010, Ministre d’État, Ministre des Affaires étrangères (première femme).

Si elle a paru exercer avec succès ses responsabilités auprès des militaires, ce fut moins le cas avec ses autres attributions et les multiples affaires qui plombent son action au Quai d’Orsay lui retirent d’autant plus de crédit qu’elle avait toujours voulu se prévaloir d’une attitude très morale et intègre.

Grandeur… et décadence

Il est vrai qu’en nommant le 14 novembre 2010 dans le même gouvernement Michèle Alliot-Marie et son compagnon Patrick Ollier, Nicolas Sarkozy avait pris le risque d’y installer un "clan familial" qui visiblement avait de nombreux liens avec la Tunisie et la Libye.

Sa déclaration à l’Assemblée Nationale du 11 janvier 2011, soit trois jours avant la fuite de Zine Ben Ali selon laquelle « le savoir-faire de nos forces de sécurité, qui est reconnu dans le monde entier, permette de régler des situations sécuritaires de ce type » puis l’information qu’elle avait passé ses vacances dans un pays en plein soulèvement, elle qui était responsable de la diplomatie française, l’ont complètement discréditée auprès de la communauté internationale, d’autant plus qu’il était même prévu que la France livrât des grenades lacrymogènes au dictateur tunisien.

Pourquoi Michèle Alliot-Marie a-t-elle été si longtemps ministre à des postes si importants ? Pourquoi, après plus de six semaines de climat de suspicion, n’a-t-elle toujours pas été "démissionnée" ?

Certains journalistes rappellent fort opportunément qu’elle fut, elle aussi, impliquée dans l’affaire Clearstream mais que, contrairement à Nicolas Sarkozy et à Dominique de Villepin, elle n’avait jamais fait de déclaration publique sur le sujet. Ils laisseraient entendre qu’elle aurait certainement quelques informations particulières en sa possession.

Dans tous les cas, il est grand temps de changer de Ministre des Affaires étrangères. La France a besoin d’une voix qui soit entendue et écoutée dans un monde en pleine mutation.

Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (26 février 2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :

La diplomatie française en danger ?
Dominique de Villepin.

yartiMAM05

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/michele-alliot-marie-entre-89557


http://fr.news.yahoo.com/13/20110226/tot-michle-alliot-marie-entre-maladresse-89f340e_1.html

http://rakotoarison.lesdemocrates.fr/article-262




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