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Publié le 23 septembre 2008 par Sylvainrakotoarison

Cette semaine, le gouvernement cherche à combler quelques lacunes dans l’organisation de la Recherche publique française. Une réforme qui semble aller dans le bon sens.
La carrière d’un chercheur commence en France par la soutenance d’une thèse de doctorat de l’Université qui se prépare généralement en trois ans.
La soutenance de la thèse, devant un jury composé uniquement de chercheurs confirmés ("habilités"), est en quelques sortes le baptême du feu du chercheur. De "chercheur apprenti", il devient collègue. Il entre dans la "communauté scientifique".
Mais cela ne suffit évidemment pas. Le doctorat n’est pas plus le passeport pour intégrer la Recherche publique que le baccalauréat est le passeport pour les meilleures filières universitaires.
Choix théorique pour le futur chercheur
Le jeune docteur a deux possibilités théoriques s’il veut travailler en France dans le public : ou il devient universitaire, à savoir, il est nommé par un établissement d’enseignement supérieur pour y enseigner et y faire de la recherche ; ou il est recruté dans un organisme de recherche publique, les plus connus étant le CNRS (Centre national de la recherche scientifique), l’Institut Pasteur, l’INSERM, etc.
Ces organismes ont un avantage (unique au monde et qui, à mon sens, doit être préservé), celui de se consacrer à plein temps à ses travaux de recherche.
Les premiers postes sont pour le jeune docteur soit maître de conférence pour l’Université (et avec une évolution vers professeur des universités), soit chargé de recherche pour le CNRS par exemple (avec une évolution vers directeur de recherche).
Inégalités entre les organismes publics et les universités
Vous voyez déjà l’inégalité statutaire entre les universitaires et les chercheurs à plein temps : les enseignants doivent partager leur temps entre leurs recherches (seuls travaux qui seront évalués pour leur carrière et leur éventuelle promotion) et leurs cours à préparer, copies à corriger, travaux dirigés et travaux pratiques à installer. La pédagogie est un effort qui nécessite temps et expérience. Et se prête mal au "carriérisme".
Par ailleurs, les organismes de recherche bénéficient parfois de dotations financières non négligeables dans le cadre de programmes de recherche. Les laboratoires des universités aussi, mais dans une moindre mesure. Cela dit, la plupart des laboratoires sont mixtes, comprenant du personnel de l’Université et du personnel propre aux organismes de recherche.
Nécessité de travaux postdoctoraux
Mais en fait, ce que je dis pour le jeune docteur est faux en pratique depuis une ou deux décennies. La rareté des postes de chercheurs dans le public par rapport au grand nombre de docteurs formés fait qu’il y a environ un poste pour une vingtaine de candidats, tous docteurs donc tous issus de l’excellence universitaire.
Par voie de conséquence, le jeune docteur a très rarement accès à un poste de fonctionnaire dans la recherche à l’issue de sa soutenance. Il devra attendre un, deux, trois voire quatre ans, voire beaucoup plus. Que fait-il pendant ce temps ? Il fait ce qu’on appelle un "post-doc", en clair, des études postdoctorales. En gros, il continue un travail de recherche, mais avec un contrat précaire, d’un ou deux ans généralement. Il y a même des contrats de cinq ans (qui sont contraire au droit du travail).
S’il est perspicace, il profitera de ces quelques années d’incertitude pour travailler à l’étranger, dans des laboratoires prestigieux. Cela lui permettra de parfaire sa langue anglaise (la seule utilisée dans la recherche, et heureusement, car un chercheur n’a pas le temps de passer sa vie à traduire du chinois, du russe, du japonais, de l’arabe ou de l’hébreu pour connaître l’état de l’art dans son domaine). Cela l’intégrera dans de nouveaux réseaux scientifiques qui lui seront bien utiles au cours de sa carrière. Enfin, son travail sera sans doute mieux rémunéré.
C’est ce que la Ministre de la Recherche Valérie Pécresse appelle « faire ses preuves » même si la soutenance de la thèse a déjà apporté cette preuve que le docteur est apte à faire de la recherche de très bonne qualité.
Précarisation de non titulaires
Depuis longtemps, les jeunes enseignants-chercheurs sont victimes non seulement de la précarisation de leur situation mais aussi de l’incertitude de leur profession et de sa trop faible rémunération, surtout en comparaison avec d’autres pays à fortes recherches, comme les États-Unis. Or, on n’attire pas l’excellence sans apporter des rémunérations en adéquation.
Pour se donner une idée, un laboratoire ne compte en moyenne que la moitié de personnel permanent de la recherche. Le reste est constitué de stagiaires, de doctorants et de post-doctorants.
Revalorisation attendue des jeunes chercheurs
Valérie Pécresse a ainsi finalisé un plan de revalorisation des débuts de carrière des jeunes chercheurs qui devrait faire l’unanimité.
À partir de septembre 2009, l’État employeur comptera comme années d’ancienneté le temps passé pour le doctorat. Ce qui est navrant, c’est que ce n’est que maintenant que l’État reconnaisse qu’une thèse apporte de l’expérience professionnelle, considération parfaitement intégrée depuis plusieurs décennies par les grandes entreprises privées.
De plus, la rémunération minimale d’un jeune maître de conférence sera augmentée de 260 euros pour atteindre près de 2 330 euros brut mensuels.
Ces deux mesures devraient impliquer la revalorisation de 260 à 510 euros du salaire d’environ 2 000 maîtres de conférence pour un coût total de 56,2 millions d’euros sur trois ans (dont 20,4 millions sont inscrits dans la loi de finances de 2009).
D’autres mesures rationaliseront aussi les contrats de recrutements des doctorants et des post-doctorants (véritables contrats de travail avec cotisations Assedic et rémunérations plus motivantes). Il faut savoir que certaines bourses ou contrats pour les thésards vont à l’encontre du code du travail le plus élémentaire (comme le droit au chômage, les indemnités de précarité dans le cadre d’emploi en CDD etc.).
Création annuelle de 130 "chaires" d’excellence
Par ailleurs, pour réduire l’écart entre les chercheurs d’organismes publics et les universitaires, la réforme se propose d’imiter l’Institut universitaire de France créé en 1991.
Cet institut est une sorte de Collège de France de second niveau et permet à des enseignants-chercheurs sélectionnés (et méritants) de poursuivre leurs travaux de recherche avec plus de moyens (temps et argent) et plus de considérations (reconnaissance).
La Ministre de la Recherche Valérie Pécresse a décidé en effet de créer à partir de l’année prochaine 130 "chaires" proposées chaque année sur concours à des maîtres de conférences, des jeunes chercheurs ou des jeunes doctorants.
Ces recrutés un peu spéciaux, brillants de leur excellence, auront le statut de maître de conférence mais n’auront que 64 heures annuelles d’enseignement à assurer au lieu des 192 habituelles. Ce qui les déchargera pour leurs travaux de recherches.
Ils auront également une prime annuelle de 500 à 1 200 euros ainsi qu’une dotation de 50 000 à 100 000 euros pour cinq ans. Ils seront maîtres de ce petit budget pour acquérir quelques équipements (très peu, car cela coûte nettement plus cher) ou accroître leurs frais de voyage pour participer à plus de séminaires internationaux (et intégrer plus de réseaux, la recherche n’étant vraiment efficace que dans le cadre de coopérations internationales).
Ce nouveau statut durera cinq ans éventuellement renouvelable une fois.
Si ces (rares) jeunes chercheurs y gagneront (forcément), les universités aussi, car elles pourront ainsi attirer les meilleurs chercheurs des organismes publics en leur proposant de meilleures perspectives de carrière. Et le départ de ces sélectionnés des organismes de recherche fera un appel d’air pour recruter de nouvelles personnes.
On imagine sans hésitation que cette dernière mesure (création de "chaires" qui renforcera l’élitisme d’excellence dans la Recherche publique) sera vite contestée par les chercheurs des organismes publics qui craindront le départ de leurs meilleurs éléments vers les universités (en soi, ce n’est pas vraiment un problème, c’est un statut et il n’y a aucune raison que les programmes de recherche en soient perturbés, au contraire, puisqu’il y aura une dotation).
Mais l’autre élément de contestation, c’est que cette réforme devrait se faire à budget constant. Soit certains départs à la retraite ne seront pas remplacés, soit des budgets seront réduits ou réaffectés pour financer ces nouvelles mesures.
Bonne direction pour préserver les atouts et pour combler les lacunes du système français
Mais je considère que cette réforme va dans la bonne direction, celle d’une part d’encourager les jeunes à faire de la recherche scientifique (si on veut gagner bien sa vie, il vaut mieux aujourd’hui se diriger vers le commercial ou dans la finance, la plupart des jeunes polytechniciens se tournent vers les métiers de la finance au lieu de commencer une carrière dans la science et la technologie) et d’autre part de mieux harmoniser les carrières des enseignants-chercheurs, quel que soit leur statut d’origine.
Et cette solution a aussi le grand mérite de préserver l’existence des grands organismes de recherche qui font la réputation d’excellence de la Recherche française (CNRS, Institut Pasteur etc.).
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (17 octobre 2008)
Pour aller plus loin :
Des filières d’excellence pour les enseignants-chercheurs (Le Monde du 10 octobre 2008).
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=45915
http://www.lepost.fr/article/2008/10/17/1290893_revaloriser-les-jeunes-chercheurs.html


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