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Dans l’ambulance… ou la mort de l’État français.

Publié le 23 septembre 2008 par Emmanuel

Saint-Agrève, Ardèche - Dans l’ambulance, une femme, un accouchement imminent ; grossesse à risque, peur de l’hémorragie. La maternité privée de Saint-Agrève vient de fermer. Deux semaines à peu près. Une sirène, le gyrophare s’enfonce dans la nuit sur une départementale. Derrière, suit une voiture, un homme au volant - un père - dans l’angoisse. La route est mauvaise, sinueuse… Les orages de la semaine précédente ont dégradé les chaussées, provoqué des éboulements, des chutes de rochers. Le véhicule sanitaire avance lentement, entre chicanes de pierres et rivière de boue. La femme pleure, elle a peur - l’infirmière tente de se rassurer en appliquant à la lettre la procédure d’un tel cas de figure. L’homme écrase sa deuxième cigarette dans le cendrier. Il se souvient de la naissance de l’ainé… En vingt minutes, l’hémorragie ; il est fou de  rage face à son impuissance contre la machine administrative omnipotente qui a décidé de la fermeture de la maternité locale. Il ne peut s’empêcher de penser aux notables encravatés, sûrs de leur fait et arrogants dans leur unanimité à décider de l’obsolescence de cet établissement perdu, de ce point sur une carte de France dont un cercle concentrique laisserait à penser que la distance vers les maternités plus importantes les plus proches serait parfaitement raisonnable…

Trois heures. il aura fallu trois heures au bout de l’angoisse pour cette femme, pour cet homme au volant avant de pouvoir bénéficier d’un service public minimal à la maternité d’Annonay. Où est l’égalité des citoyens face à une logique de pure gestion ? Où est la raison face à ce mouvement qui contribue un peu plus  à un nouvel exode rural alors que nos villes étouffent… Maternités, perception, postes, demain les sous-préfectures. Déjà, les entreprises déménagent, les commerces suivent, l’hotellerie, les professions libérales, notamment médicales. Et j’en passe.

On me dira, peut être à juste titre, que la maternité de Saint-Agrève n’aurait de toute façon pas convenu pour une grossesse à risque. C’est un simple exemple. La tendance est là. Pour tuer son chien, on dit de lui qu’il a la rage : en retirant progressivement aux maternités rurales les moyens de bien faire, on les a immanquablement condamnées. Les fermetures actuelles ne sont que l’aboutissement logique d’une politique parfaitement raisonnée de démantèlement de l’Etat depuis plusieurs décennies.

Ce pays crève d’une fausse rationnalité économique purement comptable et d’une absence cruelle d’idée de son avenir, au sens le plus noble de l’idéologie. Nous nous voilons la face devant la désindustrialisation, devant la disparition de l’Etat, devant l’absence d’une vraie politique d’aménagement, d’une vraie politique d’innovation et de recherche orientée vers les nouveaux enjeux industriels, notamment environnementaux. Nous laissons le champ libre au tout libéral. Les vrais gouvernants de ce pays sont les énarques du CAC40  qui décident du sort de nos concitoyens en fonction de leurs propres intérêts de caste, préférant investir la richesse nationale dans les pays émergents en attendant que les Chinois ou les Vietnamiens ne se réveillent et n’exigent eux aussi des conditions de vie et de travail décentes. Et nous restons passifs, fatalistes…

Je mélange tout ? Pas si sûr. Réfléchissez-y.

En attendant, dans quelques jours, le 5ème élément devra accoucher à 50 kilomètres d’ici. Toi le décideur de l’Agence Régionale d’Hospitalisation, j’aurais une pensée pour toi. Une pensée comme un regard franc et parfaitement dirigé. Entre tes deux yeux.

  

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