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Incandescent "Karoo Boy" de Troy Blacklaws

Publié le 23 septembre 2008 par Babs



Afrique du Sud, 1976, au Cap. Douglas assiste à la mort  de son frère jumeau frappé par une balle pendant qu'il jouait au cricket en famille sur la plage. La lumière est douce et déclinante comme une fin d'après-midi où tout bascule. Dépossédé d'une partie de lui-même, en pleine adolescence, il va devoir apprendre seul à devenir un homme et à surmonter cette épreuve douloureuse. Le déménagement avec sa mère dans une région aride et quasi-désertique, le Karoo, est une étape éprouvante vers l'austère inconnu, livré à lui-même, à ses peurs, et au  manque de son frère. Pourtant, deux rencontres vont l'aider à accomplir cette marche douloureuse vers l'apaisement et l'aider à passer cette transition vers l'age adulte : Malika, celle avec qui il vivra ses premiers émois amoureux et le vieux Moses, un noir qui rêve d'ailleurs, un sage devant l'absurdité de l'apartheid et avec qui il se lie d'amitié.
Troy Blacklaws se fond dans la peau de Douglas et c'est par sa voix qu'il raconte son histoire dans un style simple, épuré, avec des phrases courtes, un rythme doucement chaloupé. La poussière de la terre aride du Karoo nous colle aux yeux, le soleil cogne la tête et réfléchit sur cette terre rosatre. Troy Blacklaws a une plume incandescente, sèche, chargée d'émotions brutes. Une écriture du crépuscule dans un ciel d'Afrique.
Une des scènes les plus dures peut-être est celle pendant laquelle Douglas tente de prendre la défense de Moses quand deux types l'apostrophent en lui demandant de leur servir "le plein de sauce arabe" c'est -à-dire l'essence. On comprend que le pire est à venir et qu'en voulant protéger son ami, il n'a fait qu'accélerer sa mise à tabac. Douglas y assiste en hurlant d'arrêter et, en lisant ce passage, on entend ses cris et ses hurlements intérieurs. Comme lui, on ne reprend notre respiration qu'après leur départ, la fin du cauchemar...
 "Je tombe à genoux et je colle mon oreille à la bouche de Moses. En dépit du ronflement du moteur de la Volkswagen et de la voix de Neil Young, je peux l'entendre respirer : le soupir d'un vent sur le marécage."
Je relis la quatrième de couverture qui rappelle une critique de Christine Ferniot pour Lire : "Un livre à la fois charnel et ravagé, entre Camus et Coetzee". Et effectivement, on ne peux s'empêcher de penser à "Disgrâce", lorsque Cotzee, de façon parfois plus violente et cynique, dénonçait l'apartheid, en racontant la vie déchue d'un vieux professeur de fac, injustement accusé d'harcèlement sexuel, qui partait se réfugier chez sa fille dans une région isolée loin du Cap...et se retrouvait confronté à une réalité de l'apartheid dramatique, aux fractures sociales encore plus exacerbées...
Cotzee incarne la génération qui a initié cette littérature sud-africaine fièvreuse et engagée. Le flambeau semble magnifiquement bien transmis avec Troy Blacklaws que j'ai hâte de découvrir à travers d'autres textes. Je suis certaine que son écriture à la fois souple, fièvreuse et minimaliste saura me conquérir à nouveau.
Merci Chloé de m'avoir fait partager ton "coup de coeur"...Effectivement, même intensité émotionnelle que pour "26a" de Diana Evans ou encore du "Dernier Frère" de Natacha Appanah; décidément cette nouvelle génération d'écrivains  est à suivre de très près!

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