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Banderille n°252 : Roulé Boulet !

Publié le 24 septembre 2008 par Toreador

Donnez, donnez, donnez-moooâaaa (bis), Dieu vous le rendra !

Lorsque la Commission Roulet sur l’avenir d’EDF s’était réunie, en 2004, le débat s’était cristallisé sur la nécessité d’ouvrir le capital de l’entreprise pour assurer sa survie. En effet, la logique financière était implacable, tel le vautour surveillant le coyote desséché un soir de canicule. On se faisait peur : le parc nucléaire de l’entreprise publique était vieillissant, des investissements massifs seraient indispensables pour passer à la prochaine génération, et l’Etat seul, parent impécunieux de la société anonyme, n’aurait pas les reins suffisamment solides pour assurer les travaux nécessaires. Il manquait, disait-on, entre 8 et 10 milliards d’euros…

C’était 2004. Les Misérables, avec Gadonneix dans le rôle de Cosette. 

Le moment était, croyait-on alors,  de renforcer l’appareil de production. La tête de série du réacteur EPR représentait un investissement de près de 3 milliards d’euros. D’autre part, l’objectif de porter à quarante ans, sous réserve de l’accord de l’autorité de sûreté, la durée de vie du parc nucléaire impliquait des investissements de rénovation et de modernisation importants représentant 700 millions d’euros par an. S’agissant des activités régulées, EDF devait investir dans des activités de réseau, dont 1,6 milliard par an sur la période 2005-2007, pour améliorer la qualité des réseaux de distribution et répondre aux attentes des collectivités locales. Tous ces chiffres sont tirés de l’audition du Président d’EDF à l’Assemblée Nationale. 

C’était une époque d’effort, de sueur, et de larmes. 

Le rapport Roulet avait pointé au passage néanmoins que les investissements réalisés dans le cadre de la croissance externe avaient quelque peu fragilisé l’entreprise. La Cour des comptes avait du reste épinglé la fringale d’EDF à l’international en relevant : « Les filiales à l’étranger d’EDF ont pesé sur le résultat net du groupe tel qu’il apparaît dans les comptes consolidés (plus de 1Md€ en 2002 et en 2003 , 800 M€ en 2004). Les investissements de croissance à l’étranger ont contribué à alourdir la dette financière nette. »

La conclusion de cette catharsis, après moult rebondissements, fut l’ouverture du capital d’EDF au privé (Happy end…).

 

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My Electrician is rich (but your plants are beautiful) 

Le temps a passé. Que constate-t-on aujourd’hui ? Ô Surprise, EDF fait une offre de rachat de British Energy, en concurrence avec General Electrics, pour un total de 5,5 milliards d’euros. Et hop ! De la croissance externe, comme en quarante !

En lisant ceci, mon sang n’a fait qu’un tour : si ma mémoire est bonne, le parc nucléaire britannique est en mauvais état, mis à mal par vingt années de dérégulation et de focus britannique sur le pétrole. On se demande donc légitimement s’il était opportun pour EDF d’aller se diversifier géographiquement, au lieu de renforcer sa propre assise.

D’autant qu’il s’agit a priori réellement d’une affaire calamiteuse. Libération a fait un papier dessus : «  A l’exception du site de Sizewell, les sept autres centrales (britanniques) utilisent une vieille technologie (la filière dite graphite gaz) tombée en désuétude. Signe de la vétusté des centrales, le taux de disponibilité moyen du parc tourne péniblement autour de 50 % (contre 85 % en France). Après plusieurs missions d’inspection, la direction générale d’EDF a pourtant conclu qu’en matière de sécurité le parc britannique ne présentait pas de risques particuliers. »  Bref : non seulement EDF va devoir payer pour la rénovation du jardin à la Française (ce qui est normal), mais aussi pour le parc à l’anglaise (qui comme tout parc à l’anglaise est évidemment en friche et nullement symétrique, puisqu’il est anglais). 

Rappelons que ce rachat survient alors que l’épisode de Tricastin a montré ô combien le nucléaire était une matière où la sécurité était primordiale. 

Dès lors, il est permis d’examiner d’un nouvel œil les arguments qui étaient développés il y a 4 ans… Nous aurait-on menti de notre plein gré ?

Et j’enchaîne : que ceci serve de leçon aux parlementaires lorsqu’il s’agira de réexaminer ceux qui seront bientôt développés par la commission de réflexion sur l’avenir de La Poste… Ô Mère Grand, que vous avez de longues dents…

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Sujets: Banderille, Toréador critique la Droite | 8 Comments »


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