Magazine France

Le jospinisme contient sa propre défaite

Publié le 24 septembre 2008 par Omelette Seizeoeufs

A vrai dire, je n'ai pas besoin d'écrire ce dernier (pour l'instant) billet sur le jospinisme, car Monsieur Poireau, dans un commentaire sur mon dernier billet, a réussi à tout dire dans une phrase. Enfin, deux phrases :

On a un socialisme de gestionnaires qui dit : on va se débrouiller avec ce qui existe, pragmatique en chef et une Droite qui parle de rêve et d'utopie (gagner plus, etre tous proprietaire, ...). Les électeurs qui sont de grands enfants votent pour l'utopie droitière !

Jusque-là, je disais que le jospinisme, se voulant le parfait équilibre entre toutes les orientations politiques possibles (droite, gauche, social, libéral, chévénementiste, européen, etc. etc.), ne pouvait pas laisser place à une formulation lisible. Le jospinisme est peut-être gérable quand le PS est déjà au pouvoir, mais est particulièrement mal adapté à l'affrontement électoral. L'échec de 2002 était, entre autres raisons, dû à la croyance que le bilan de Jospin serait suffisant pour gagner. Bon gestionnaire, bon bilan, élection gagnée d'avance. Du coup même les électeurs de gauche, et surtout eux, sont allés voir ailleurs, voulant que leur vote signifie, politiquement, autre chose que "Jospin c'est bien". Ou, comme le dirait Jean d'Ormesson : "c'était bien".

Curieusement, les électeurs semblent particulièrement sensibles à la dimension symbolique des élections présidentielles. Et Monsieur Poireau a raison de souligner les fariboles utopistes et bizarrement progressistes qui ont permis au Très Grand Homme (TGH) de séduire l'électorat populaire. Il faut projeter quelque chose, il faut avoir quelque chose à claironner autrement que "le juste milieu", ou "l'équilibre parfait entre toutes les positions possibles", ou "on est des super-gestionnaires". Le côté "gestionnaire" peut marcher pour des élections locales, quand l'électeur se sent qualifié pour juger de l'efficacité de son élu. Un pays est en revanche une entité bien trop abstrait pour que ce genre de réflexion entre véritablement en compte.

Mais non seulement le jospinisme ne produit pas de vision vendeuse, il renforce la position de l'adversaire. En plaçant toute sa modernité dans le fait de diluer l'héritage socialiste et dans la concession aux réalités du marché, le jospinisme n'invente rien, ou du moins n'invente pas un nouveau discours, et surtout, le jospinisme confirme l'analyse de la droite : Mitterrand est allé trop loin, le socialisme est intrinséquement passéiste et impraticable, le socialisme est un frein à l'économie, etc. Non qu'on doive défendre bec et ongles chaque élément des deux septennats de Tonton, ou que les socialistes doivent pour toujours se crisper sur les mêmes principes. Mais en faisant de la critique du socialisme le socle de son discours politique (du "droit d'inventaire" au "mon programme n'est pas socialiste"), le jospinisme valide les arguments de l'adversaire. Comme souvent, on préfère l'original à la copie...

Autrement dit, le jospinisme - et encore une fois, je veux seulement parler de la pensée ou de la stratégie jospinistes, et pas de tout ce qu'a fait Jospin pendant ses cinq glorieuses années au pouvoir - est déjà la defaite de sa propre idéologie. On dit que Sarkozy a gagné la guerre idéologique en 2007. C'est incontestable. Il est essentiel de pouvoir produire un discours politique qui intervienne positivement sur le plan symbolique, qui propose réellement quelque chose de compréhensible, qui convainque, qui séduise.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Omelette Seizeoeufs 229 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte