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Un membre vaut mieux que deux (I)

Par Thomz

En cette fin de rentrée littéraire sort La Confrérie des mutilés de Brian Evenson dernière parution de l’année pour la toujours excellente collection Lot 49. De l’aveu même de Claro, co-directeur de la collection et traducteur d’Evenson (mais pas celui-là qui est lui traduit par Françoise Smith), le roman est en lui-même une aventure éditoriale : comprenant deux parties, la première avait fait l’objet d’une publication limitée, la seconde étant encore inédite à ce jour en anglais. C’est donc là à un nouveau roman que nous avons à faire. Je dis d’ailleurs cela sans en connaître toutes les implications car je ne viens que d’en terminer la première partie et ne sais pas encore très bien ce que me réserve la suite. Mais l’idiosyncrasie de cette publication ainsi qu’une envie de ne pas perdre immédiatement le fil, quitte à devoir me contredire plus tard, me conduisent à évoquer déjà la première partie du roman, à peu près la moitié de la pagination totale.
L’histoire parait on ne peut plus limpide même si certains relents pour le moins baroques peuvent se faire ressentir : un détective privé, Kline, se fait trancher la main au hachoir par un criminel avant de l’abattre d’une balle dans l’œil et ensuite de cautériser sa plaie lui-même sur une plaque électrique (à moins que ce ne soit au gaz. En convalescence il est contacté par une mystérieuse confrérie de mutilés, dotée d’un système hiérarchique strict établi en fonction du nombre de membres mutilés de chacun de ses membres (oui ça fait beaucoup de fois le même mot dans la même phrase). Par exemple, avec sa main tranchée, Kline est un Un et ainsi de suite. Il est contacté donc pour résoudre un meurtre qui aurait eu lieu au sein de cette confrérie secrète.
Il y a là tous les attributs traditionnels d’un roman noir. Evenson agrée d’ailleurs qu’il s’agit en grande partie d’un exercice de style, quoique cela n’ôte en rien la valeur de ce qui y est dit ni de ce qui s’y passe. Certes. Très rapidement voilà Kline plongé à l’insu de son plein gré (du moins le croit-il) dans une enquête qu’il a les plus grandes difficultés à mener et au fil du texte tous les attributs du roman noir commencent à être amputés du texte, un texte auquel finalement toute sorte de finalité, donc de sens (aussi apparent fut-il) est ôtée.
Evenson utilise très souvent le gore dans cette première partie, ajoutée aux diverses amputations, les litres de sang et les membres qui trainent un peu partout sont avant tout le symbole du savoir et de sa constante recherche ; c’est en ayant perdu un membre que Kline est devenu un initié, c’est en essayant de mener à terme son enquête, ou plutôt d’essayer de faire sens dans le sac de nœud qu’est devenu l’affaire dont il devait se charger, qu’il va perdre des orteils. Toute connaissance a un prix, exige un sacrifice, quel qu’il soit ; ici le sacrifice de la chair pour le repos de la conscience dans la découverte (là aussi, si improbable et absurde soit-elle) de la vérité. La coupure entre les deux parties est bien entendu autant valable d’un point de vue purement narratif, dans la mesure ou une différence se fait sentir dans le traitement des deux membres du même ouvrage, que d’un point de vue symbolique dans la mesure ou l’écheveau commence à être exploré mais réserve encore bien des surprises, des retournements, quelques effets de manche saisissants dont Evenson à le secret.
A suivre…

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