Magazine Journal intime

World Trip # 22: Nepal (Part VI & Last)

Par Gaelenicodeme
David et moi quittons la ceremonie de mariage rivigores par les sourires de nos hotes nepalais dont la chaleur ferait fondre les neiges eternelles des plus hauts sommets de l’Everest…

On negocie in extremis deux places de bus pour Kathmandu, et on se retrouve dans un bus touristique a cote de deux Belges, Claire et son compagnon de voyage, belge aussi donc, qui travaille dans une chocolaterie! Ca ne s’invente pas!
Claire engage une conversation tres spirituelle, voire mystique avec David qui durera les 8 heures de trajet.
Apres notre rencontre avec le chaman gantois, j’aurai du mal a convaincre David que, non, tous les Belges ne sont pas allumes! Quoique…

Moi assise a cote de la fenetre qui ne ferme plus, j’arriverai a Kathmandu avec une sinusite et une toux infernale dont j’aurai beaucoup de mal a me debarraser.

La premiere chose que je fais en arrivant est contacter Pawan, mon ami nepalais qui n’a cesse de m’envoyer des emails deprimes depuis que j’ai quitte la capitale.
Le courant passe immediatement, sans difficultes, et sans surprises entre Pawan et David, qui fait dans la foulee connaissance avec tous les membres du groupe de Rock de Pawan autour du rituel masalai chai sur Durbar Square.


On se fait tous une nouvelle fois inviter a manger chez Pawan. Avec David, jouant et composant egalement a la guitare, on improvise une jam session sur la terrasse de la maison des parents; enchainant classic rock, bossa nova, musique nepalaise, guitare espagnole, et surtout quelques ravissantes compositions personnelles de David et Pawan… Il ne manquait plus que le feu de camp pour que la soiree soit parfaite… bien que non, elle restera parfaite dans mes souvenirs…

Avant de partir, le pere de Pawan insiste pour nous inviter David et moi a un pousse-café. Il nous verse des quadruples doses de whisky en nous expliquant que c’est son medicament contre le froid par lequel il commence chacune de ses journees! On acquiesce d’un air compatissant, se gardant de tout jugement sur ses shots matinaux (du moins juste par politesse sur le moment…). En attendant, il se fait tard, Pawan s’impatiente pour nous raccompagner. On avale donc cul sec notre imitation nepalaise du whisky ecossaise, alors que le pere ne cesse de nous, et de se resservir. Pawan lui ne peut que nous regarder boire…

A partir d’une certaine heure, heure certaine… ou plutot certainement aleatoire, c’est le couvre-feu a Kathmandu; l’arme patrouille la ville en epargnant les touristes, mais pas les Nepalais. Un soir que Pawan revenait de nous avoir reconduit Carlos et moi a notre hotel, il s’est fait tabasser par les militaires l’accusant de vagabondage. Ce ne fut pas la premiere fois, il a deja passé plus de 24 heures au poste, avec interdiction de passer des coups de telephone et donc d’en informer sa famille, pour des raisons qu’il ne connait toujours pas.. et ne connaitra probablement jamais…

Si David est a Kathmandu pour renouveller son visa indien, ce qui prend plusieurs jours de tracasseries administratives rebutantes voire decourageantes; c’est aussi une opportunite de s’initier a la meditation. On visite donc 2 jours durant tous les centres de meditation de Kathmandu, rencontrant les differents Gurus des plus bizarres aux plus pragmatiques, et notre choix s’arrete finalement tout simplement sur celui qui nous semble le plus sympathique pour 3-4 jours d’introduction aux differents types de meditation: Vipassana base sur le controle de la respiration, tibetain qui requiert un echauffement au cours duquel on saute dans tous les sens en poussant des “ouh” comme des primates sur de la musique, avant de prendre la pose jambes croisees et sereine de Bouddha pour prononcer des “ohms” successifs et prolonges, et terminer le tout par le don de notre energie a l’univers, .. et la recuperer ensuite (!)… un repartage harmonieux en quelque sorte… Enfin, le dernier type d’initiation, la Reiki meditation qui consiste a faire vibrer en emettant des sons les 7 differents chakras, ou centres d’energies distribues dans le corps, a tour de role.


Notre toute derniere séance sera celle du “chakra healing”, sorte de diagnostique de l’etat de sante de nos chakras et degre d’equilibre entre eux…
Allonges les yeux fermes, on se soumet a l’apposement des mains a distance par notre Guru en ces differents endroits energetiques du corps. Cette methode est aussi utilisee par certains pour soigner toutes sortes de maladies, du moins cest ce qu’ils pretendent…
Rationnelle impenitente, je dois admettre avoir senti, meme au travers de mes 3 couches de pull, la chaleur rayonnante des mains du Guru s’approcher sans meme jamais m’effleurer! Tentez l’experience chez vous, vous n’y arrivez pas!
Au terme de cette séance, mon diagnostic sera la secheresse de mon 5ieme chakra, situe au niveau du cou, et centre d’energie qui permet la libre expression de la creativite et des sentiments.
Au cours de ces 3 jours (et toute tentative d’y voir un lien avec le Reiki Healing serait fortuite!), David est tombe tres serieusement malade; il souffre de dysenterie, manifeste de fortes fievres et pertes de sang. On se rend donc a la clinique recommandee par le Lonely Planet, c’est a dire la seule pour laquelle ne figure pas un commentaire du style “l’endroit reve si vous planifiez d’y mourir”. Prescriptions sans surprises: antibiotiques a fortes doses.

D’apres le medecin americain specialise dans les traitements des bacteries du systeme digestif, le Nepal est le pays presentant le plus haut risque au monde de contracter des infections intestinales. En cause; l’absence de systeme d’evacuation des dechets orduriers et organiques, poubelles et egouts confondus donc, qui font le festin des mouches, les memes qui viennent se poser sur la nourriture pour le dessert ensuite… Bon appetit!

Avec David qui tremble sans cesse et qu’aucune couche de couvertures, aussi epaisse soit-elle ne parvient a rechauffer, on change de la chambre qu’on partageait pour une avec chauffage electrique d’appoint (le luxe!). La parfaite excuse pour moi aussi de cesser de dormir en quasi combinaison de ski, et profiter d’un semblant de chaleur apaisant un tant soit peu ma frilosite decidement incurable…

On passera Noel a Kathmandu, qui ne sera pas blanc mais terriblement froid! Grande messe commerciale a laquelle les Nepalais vivant du tourisme se soumettent volontiers; chaque restaurant redouble d’imagination pour elaborer son menu de Noel, dinde traditionnelle comprise!

Je reussis a trainer David agonisant jusqu’au restaurant, il fera meme un effort pour decompter les 12 coups de minuit avec moi au Buddha Bar (merci encore David! ;-)), ou nous sommes parmi les seuls touristes; les Nepalais qui s’y trouvent ne savent probablement pas exactement ce que signifie Noel, mais ils en ont retenu l’essentiel; la fete et la boisson!!

Pour profiter de mes derniers jours au Nepal, et pour mes cours de meditation, je me leve de plus en plus tot, ce qui est aussi l’occasion de decouvrir une autre facette de Kathmandu, moins touristique, un des aspects d’une ville que j’apprends a apprecier et aimer de plus en plus.

Ce qui est constant a Kathmandu, quelque soit l’heure de la journee, ce sont ses embouteillages monstrueux. Personne n’y echappe: voiture, velo, moto, charrues, rickshaws et pietons compris (!), et qui peut vous paralyser pendant de tres tres longues minutes voire heures dans un vacarme assourdissant. Les rues du Kathmandu historique, vieilles de nombreux siecles, n’ont evidemment pas ete concues pour accueillir ou anticiper le traffic moderne a double sens, meme les trottoirs sont inexistants. L’idee de sens unique ne semble pas avoir germe non plus dans l’esprit des planificateurs urbains actuels (ou serait-ce de toutes facons impossible a faire respecter?), c’est donc la place libre au chaos et a la loi du plus fort…

Mais les matins a Kathmandu, c’est aussi la ville entiere qui se desengourdi du froid nocturne dans la brume matinale encore pourtant remplie de givre; le bruit des feux a gaz qui s’allument dans chaque gargote, et a chaque coin de rue pour bouillir le the et lelait dans de vieilles casseroles, et servir le chai aux travailleurs pour qui ce moment de socialisation est une habitude quasi hieratique; les premiers coups de klaxon des rickshaws tentant de se frayer un passage parmis les pietons encore endormis et emmitoufles dans leur couverture en laine de yack multicolore, bruits de klaxon reconnaissables entre tous, car emis a l’aide de bouteille de shampooing vide et amplifies a l’aide d’un entonnoir..; les visites aux temples pour les premiers pujas, se faire apposer le troisieme oeil dessine de rouge et commencer la journee sous les meilleures auspices pour les hindus, les premiers tours en sens horlogique des stupas pour les bouddhistes;

les militaires qui font leur jogging sous le commandement lascif de leur adjudant-chef; les enfants qui ont troque leurs haillons pour se parer de leur plus beau costume d’ecolier, en jupette ou costume cravatte; les vendeurs de souvenirs qui deballent leur article sur Durbar Square en esperant une journee riche en touristes et devises; les maraichers qui etalent leurs fruits et legumes frais dans la poussiere et la salete, a meme le sol, a meme rue, aggravant s’il etait encore possible les embarras de circulation; les camions-remorques deglingues qui font le ramassage des poubelles, avec a l’arriere, postes sur le monticule de dechets, de jeunes garcons triant au fur et a mesure pour recuperer ce qui est a leurs yeux recuperable; bouteilles en plastique vides, sachets, ferraille…

Le tout sera retrie une seconde fois dans les decharges publiques a ciel ouvert situees en plein centre de Pagan, et dans lesquelles les petits gosses misereux passent leurs journees a rechercher des restes de nourriture…

Les enfants des rues sont nombreux a Kathmandu, comme malheureusement dans toutes cites urbaines des pays pauvres. Quand on rentre le soir transis de froid, et impatients de retrouver le confort de nos couvertures chaudes, on les croise sur Durbar Square, tentant vainement de se rechauffer autour de feux de fortune faits des dechets qui ont debordes des poubelles. Petits bouts de chou hauts comme trois pommes, depassant d’une tete a peine les chiens errants galeux qui leur tiennent compagnie…

Les jours qui me restent au Nepal sont comptes. Je ne parviendrai pas a revoir Lekshey avec qui je reste en contact par email et telephone, et qui voulait nous inviter a passer une journee dans son monastere de Kathmandu. Dommage! La parfaite excuse pour moi revenir au Nepal et savoir s’il aura finalement quitte les ordres et fonde une famille…

Par contre, on verra regulierement Pawan qui, lorsqu’il veut quitter le tumulte et le raffut de Kathmandu, part se ressourcer autour d’un lac paisible situe a une petite heure de bus de Kathmandu. C’est certainement ce dont David, qui a du mal a guerir , et Pawan, qui deprime toujours, ont besoin, et on part a 4; Pawan, son pote Bikhi, David et moi, pour une après-midi a nourrir les poissons, les canards, et refaire le monde…

Dans le bus qui nous ramene a Kathmandu, on sait que c’est la derniere fois qu’on se verra tous les trois ensemble… Dans quelques jours on repartira vers nos destinees respectives. Pawan terminera son semestre a Kathmandu, David reprendra son boulot de benevole en Inde, et moi je partirai vers le Tibet.

On s’amuse a imaginer a quoi ressemblerait notre prochaine tres hypothetique rencontre … Pawan sera devenu un grand leader au Nepal après avoir etudie aux Etats-Unis, une sorte de Che Guevara nepalais… (du moins que le cote positif du Che, en oubliant sa barbarie et le sang qu’il a fait couler); David aura redresse l’economie de plusieurs pays en voie de developpement grace au systeme des micro-credits… (sans sarcasme aucun.., je reste convaincue que c’est le systeme d’aide le plus intelligent qui soit, qui, s’il est bien pense et bien gere fonctionne le mieux!); et moi… ben moi, je serai peut-etre toujours sur la route a vous raconter ce qu’ils seront devenus…

Un stupide Happy End a l’americaine, c’est ce que j’aurai trouve de mieux ce jour-la pour empecher mes larmes de couler…

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