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Quelques livres lus récemment, histoire d’y piquer des idées

Par Georgesf

Quelques livres lus récemment, histoire d’y piquer des idées

L’ennui, quand on est en phase d’écriture, surtout en phase démarrage, c’est que toute lecture est faussée. On a confusément l’impression d’y chercher des pistes, des idées à piquer, pour ce qu’on va écrire. C’est évidemment absurde, mais, le pire, c’est que parfois on en trouve. Pas toujours.

Un point rapide sur cette chasse au trésor.

Le Cantique de l’apocalypse joyeuse, d’Arto Paasilinna La plus belle surprise de cette fin d’été. L’arrivée de ce roman sur le marché français est déjà romanesque : Paasilinna écrit un livre par an (Tiens, ça c’est une idée que je vais lui piquer : écrire un livre par an, comme une jument met bas son poulain chaque printemps). Mais Denoël, son éditeur en France, n’en traduit qu’un tous les deux ans. Les livres de Paasilinna ont donc de plus en plus de retard chaque année. Le Cantique de l’apocalypse joyeuse a été écrit en 1992, il nous arrive en 2008. et c’est là que ça devient très drôle : ce livre est un roman de politique-fiction, qui nous prévoit une Europe partant en catastrophe. Une Europe où ne survit vraiment bien qu’une petite communauté vivant en autarcie au fond d’une immense forêt finlandaise. Une communauté rigolarde, en butte aux tracasseries administratives d’une civilisation qui s’écroule. Ça se lit avec des gloussements de plaisir. Et des bêlements d’admiration (désolé pour tous ces bruits de la ferme dès que je lis un bon livre). D’admiration devant l’art avec lequel Paasilinna nous fait entrer dans les histoires les plus invraisemblables. Il a pour cela une ficelle qu’on retrouve dans plusieurs de ses romans (La Cavale du géomètre, par exemple) : il accumule les détails techniques, les précisions d’ingénieur. Il nous écrit pendant plusieurs pages la construction de l’église voulue par le fondateur de la communauté. Les plans, les matériaux, les procédés de construction. Du coup, on ne se pose plus de question quand les fonctionnaires tracassins vont s’y retrouver bloqués. En refermant ce livre, on se demande si ce retard n’est pas providentiel : c’est peut-être maintenant que ce livre va devenir actuel. Je suis clair, là ? Non, pas du tout, tant pis, passons au livre suivant.

Ultimes vérités sur la mort du nageur, de Jean-Yves Masson. Un recueil qui serait passé inaperçu s’il n’avait obtenu le Goncourt de la Nouvelle (Tiens, la voilà, l’idée que je vais piquer : je vais demander le Goncourt de la Nouvelle pour passer aperçu). Une série d’histoires de personnages étranges à la recherche de leur secret, de leur passé, de leur mystère. C’est très finement écrit, dans une langue où le drapé des phrases enveloppe parfois de trop près les idées délicatement posées au fil des paragraphes. Il y a dans tout ce recueil une volonté d’esthétique. Une certaine esthétique de la vie, presque une façon de se comporter face aux ombres de son existence. Une façon délicieusement surannée, hésitante. C’est subtil. La subtilité, ce serait aussi une idée à piquer, mais je ne saurais qu’en faire.

L’Iliade et l’Odyssée, d’Alberto Manguel. Vous le connaissez sûrement de non, ce Manguel. Il m’agace un peu, car il s’est permis, il y a quelques années, de publier coup sur coup deux très bons livres sur mes deux auteurs préférés : J.L. Borges et R. Kipling. Je me suis senti dépossédé. Mais, dans le cas de Borgès, il avait une excuse : Manguel a été le lecteur de J.L. Borges durant deux ans, quand celui-ci était aveugle. Vous imaginez, deux ans avec Borges ? Ça doit rendre cultivé et intelligent. Moi je n’ai passé que deux heures avec le vieux génie (nous étions plus de cent en petit amphi, à la Sorbonne), et ça me marque encore, des décennies plus tard. Deux heures seulement au lieu de deux années, c’est pour ça que je suis moins cultivé, moins intelligent que Manguel. Lui, il l’est un peu trop : son livre sur L’Iliade et l’Odyssée est un monument de savoir. Il nous présente Homère sous tous les éclairages possibles : Homère chrétien, Homère et l’Islam, Homère poète, Homère et la femme, on en sort en sachant tout ce qu’il y a à dire sur Homère, l’Iliade et l’Odyssée. De quoi briller dans les dîners littéraires en ville le jour où j’y serai invité. Mais, bizarrement, en sortant de ce livre, j’avais l’impression de moins bien connaître l’Iliade et l’Odyssée qu’avant. Ulysse ou Hector étaient plus vivants, plus incarnés dans mes souvenirs incultes. Finalement, dans les dîners en ville, je parlerai de mon Ulysse à moi, c’est moins risqué. Surtout s’il y a Manguel. Idée à piquer : s’il y a des auteurs que vous aimez bien, vous devez écrire sur eux des livres avant qu’Alberto Manguel ne se les approprie.

Retour en Atlantide, d’Hubert Lampo Si l’Atlantide vous passionne, achetez autre chose, le livre n’en parle qu’indirectement, pendant dix lignes. De quoi parle-t-il, alors, ce livre ? Je ne sais pas trop l’expliquer, mais il en parle bien. Il parle du temps passé, d’un homme qui le cherche, qui essaie de le comprendre, qui croit croiser des souvenirs, qui mélange tout ça, présent et passé, imaginaire et réalité. C’est très confus, assez lourd à avaler. On le quitte soulagé. Et pourtant, à la sortie, on a la bizarre impression d’être passé à côté d’une vérité essentielle. Le livre reste, obscur, comme lors de ces matins où l’on se réveille en ayant l’impression d’avoir rêvé d’un truc important dont il fallait absolument se souvenir. Lequel ? On ne sait plus, et l’on se sent misérable.

Et voilà : il y a dans ce livre une idée essentielle à piquer, mais je ne sais plus laquelle.

Quelle comédie la vie ! de Danielle Akakpo Danielle Akakpo est une héroïne de la littérature. Je ne dis pas une héroïne de roman ; non, mieux encore, un personnage important de l’écriture. Elle anime depuis des années un forum littéraire très fréquenté, Maux d’auteur. On voit s’y croiser beaucoup d’auteurs amateurs, candidats à l’édition, ou amateurs volontaires, débutants ou confirmés, des lecteurs librovores, des auteurs publiés, des concouristes, dont certains sont des serial winners et d’autres de bons soldats, voire de braves soldats Schweick. Et Danielle, inlassable, encourage l’un, félicite le deuxième, remonte le moral du troisième, relance des ateliers d’écriture, des lieux d’échanges, des chroniques, avec un magnifique amour. Amour de la chose écrite, amour des gens. C’est ça l’idée à piquer, l’amour des gens, mais je n’y arrive pas, il me fait peur cet amour-là. Il ne fait pas peur à Danielle, même quand elle écrit. Dans son recueil, on la sent quand même plus à l’aise quand il y a des gens à aimer. Ça manque un peu de méchants, même ses méchants, elle les aime bien. Dans le cas de ses nouvelles noires, j’en ai été parfois frustré. Ses meilleurs textes son ceux où elle entre dans l’intimité des gens, l’observe doucement, sans cruauté : une femme qui découvre, après le décès de son père, que celui-ci avait une fidèle maîtresse, et qu’elle était la seule à ne pas le savoir. Une autre jeune femme qui n’en peut plus de jouer la comédie de la vie, qui n’y croit plus, et tire le rideau un soir de Noël. Pas de dramatisation, peut-être pas assez, mais c’est l’histoire qui se dramatise toute seule. Sans méchanceté. Autre idée à piquer : demain, je serai gentil.

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